— Ce n’est que moi, Samuelle ! C’est Mark !
Je sortis totalement de mon cauchemar, pour arriver dans une autre réalité, le visage ruisselant de sueur, le cœur emballé dans une course folle, l’esprit embrumé au point où je me demandais si j’étais éveillée ou endormie. Je repris lentement mon souffle sous le regard inquiet de Mark, surprise également de le trouver assis sur mon lit. Un rai de lumière s’échappait du couloir, venant s’échouer sur le sol de la chambre nous éclairant faiblement. Il m’enroula de ses bras dans un geste de réconfort et je me laissai aller contre lui alors que sa main vint caresser doucement mes cheveux et ses lèvres se posèrent sur le haut de mon crâne. Je m’accrochai fermement à sa taille, mes bras l’étreignant férocement, à m’en étouffer.
— Toujours ce même cauchemar ?
J’opinai de la tête, encore incapable de prononcer une seule parole, sous le choc des images qui me hantaient toujours. La présence, le contact de Mark me furent nécessaires. Je me sentais en proie à d’étranges confusions. À la fois étourdie et heureuse de trouver le réconfort dans ses bras. Et de drôles de picotements vinrent se joindre à mon état fébrile, mais j’avais l’esprit trop confus pour en comprendre la provenance.
— Vous m’avez appelé pendant votre sommeil.
— Vous dormez à l’autre bout de la maison. J’ai dû appeler fort alors, répliquai-je faiblement.
— On peut dire ça, oui.
— N’ayez pas peur des mots. J’ai ameuté le ranch entier.
— Pas jusque là, mais vous en étiez proche.
Sa voix douce et posée me permit de me reprendre et je m’en servis pour panser les déchirures qu’avait laissé mon sommeil torturé. Je m’écartai vivement de Mark, les dernières images de mon cauchemar me revenant comme un flash violent. Un dossier, renfermant la photographie d’un visage, tuméfié, défiguré. Le mien. Je me dégageai de son étreinte et posai frénétiquement mes mains sur mon visage, le touchant fébrilement dans un état de panique avancée. Je me levai, mais ses bras m’en empêchèrent.
— Je dois trouver un miroir. Maintenant !
Des larmes m’embuèrent les yeux, prêtes à déborder. Je devais refléter la terreur, car Mark encadra doucement mon visage de ses mains et m’obligea à le regarder.
— Votre visage n’a rien. Il est parfait, Samuelle… Il est parfait et magnifiquement beau, reprit-il d’une voix profonde, ses yeux ne me quittant plus. Faites-moi confiance.
— D’accord… Mais je vous en prie, ne me mentez pas…
— Vous m’en croyez capable ?
Je secouai la tête par la négative.
— Connaissez-vous Elio Carletti ?
— Non. Qui est-ce ?
— Un peintre impressionniste italien du 20e siècle. Il a défini la beauté comme étant « une addition des pièces fonctionnant ensemble de telle manière que rien ne soit nécessaire pour être ajouté, emporté ou changé ». Vous n’en avez pas conscience, mais vous êtes merveilleusement belle.
Je déglutis péniblement, perdant le peu de moyens qu’il me restait.
Oh, non ! Ça ne va pas recommencer !?
Ça ne pouvait être qu’une illusion d’optique. Cette impression que ses mains me rapprochaient de son visage, mon champ visuel se réduisant à son seul regard. Je détournai le mien, confuse et troublée par ses propos. Je fermai les yeux et me ressaisis en rompant ce silence étrange qui s’était installé.
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L'ombre D'une Autre
RomanceAvril 1996. Deux fillettes de neuf ans disparaissent à quelques heures d'intervalle. Melinda, dans l'état du Montana. Samuelle, dans celui du Wyoming. Seule Samuelle sera retrouvée quatre jours plus tard. Amnésique et souffrant de profondes contusio...