Un bruit peu commun me réveilla. J’ouvris difficilement les yeux. Le plafond habituellement lumineux de ma chambre était remplacé par une multitude de poutres brunes sur lesquelles se balançaient, çà et là, des toiles d’araignées et mon lit douillet me piquait la peau. Je ne m’attendais pas à me réveiller vautrée sur une botte de paille. Au moins, j’étais recouverte d’un plaid, probablement posé par Mark. Je me remémorai la nuit passée. Mes deux minutes de répit s’étaient finalement transformées en quelques heures. Je ramassai mon appareil posé sur une feuille repliée en deux que j’ouvris. Je reconnus immédiatement cette écriture, et sentis un sourire s’inscrire sur mon visage.
« Un café vous attend…
PS : Les intraveineuses sont dans le second tiroir en partant de la gauche… »
Avant de remonter au ranch, je jetai un œil dans le box de Kalinka. Cette dernière mangeait une ration de foin tandis que le poulain dormait, couché sur un épais matelas de paille. L’air frais du matin me rappela tout de suite à l’ordre. Le soleil pointait tout juste son nez derrière les montagnes offrant une vision féerique. Les nuages bas accrochés au pied de ces dernières formaient un océan cotonneux. D’autres, épars, reflétaient cette teinte orangée du lever de soleil. J’observai un instant ce silence. Nous avions partagé un moment singulier cette nuit. Je ne parvenais pas à comprendre où j’allais. Mes rapports avec Mark étaient particuliers et subjectifs, loin du stéréotype employeur/employé.
Et ça, ce n’est pas bon !
Je n’oubliais pas que dix semaines plus tard, ma mission s’achèverait et signerait la fin de mon contrat. Et pour l’heure, la dernière chose que je désirais, c’était d’y penser.
J’ai vraiment besoin d’un café !
Comme un élixir, il dissipa toutes mes idées noires, emportant par la même occasion les prémices de mon mal de tête. Mon regard se posa sur le mot de Mark et je ne résistai pas à l’appel du « second tiroir en partant de la gauche ». J’y découvris un papier similaire que je dépliai d’une main assurée, amusée et légèrement impatiente.
« On vous a déjà dit que la curiosité était un vilain défaut !
Mark. »
Je trouvai un stylo et répondis.
« Et vous, on ne vous a jamais dit que la tentation était plus forte ?
Sam. »
Avant de regagner ma chambre, je laissai ma curiosité l’emporter sur la politesse. Une des deux portes du couloir était son bureau et je m’y dirigeai. Juste pour voir… J’ouvris la première et fus surprise d’y découvrir une chambre d’enfants, avec ses murs colorés, des peluches disposées sur les deux petits lits, et des étagères. Deux photos des jumeaux étaient posées sur une commode. Une les représentant en compagnie de Martha, Paul, Vicki et Don. La seconde avec Mark. Je pris cette dernière et regardai son visage. Il semblait heureux, un garçon dans chaque bras. Je pouvais entendre son rire derrière le papier glacé. Instinctivement, je laissai courir mes doigts, traçant les traits de son visage. Mon geste sonna comme un rappel à l’ordre. Troublée, je reposai le cadre, refermai la porte et rejoignis ma chambre. J’avais oublié l’espace de quelques minutes que je n’étais qu’une étrangère, je n’avais pas ma place dans leur vie. En plus du café, c’est d’une bonne douche dont j’avais besoin. Après, au travail ! Excellent remède pour un retour à la réalité !
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L'ombre D'une Autre
RomansaAvril 1996. Deux fillettes de neuf ans disparaissent à quelques heures d'intervalle. Melinda, dans l'état du Montana. Samuelle, dans celui du Wyoming. Seule Samuelle sera retrouvée quatre jours plus tard. Amnésique et souffrant de profondes contusio...