Chapitre 1

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Ce moment passé en dehors du cadre familial m'a fait énormément de bien. Je n'avais pas pour habitude de voyager. Lorsque l'année scolaire tirait sa révérence, je restais aux côtés de mes parents. Pas de distraction pour moi, il fallait aider aux champs. Mais cette fois, certainement parce que j'ai décroché le premier diplôme universitaire, mon père m'a permis de passer une petite partie de mes vacances chez son petit-frère à Bouaké. Même s'il ne me l'a pas dit, je savais qu'il était fier de moi. J'étais le premier de ses enfants à être allé aussi loin dans les études.

Passer du temps chez mon oncle m'a permis de changer d'air. Néanmoins, j'avais tout de même hâte de retrouver ma famille. On aura beau les moyens de s'en aller où on veut, on restera toujours rattaché à l'endroit d'où l'on vient.

Je n'étais plus qu'à quelques pas de cette cour familiale qui m'avait vu grandir. J’avais des palpitations. Je sentais l'adrénaline monter. Je n'aurais jamais imaginé que ces terres rouges poussiéreuses sur lesquelles étaient construites ces cases en état de délabrement avancé m'auraient autant manqué. J'étais si heureux d'être de retour dans mon petit village.

J'aperçus au loin une femme portant sur sa tête une bassine remplie d'eau. Cette démarche élégante avec laquelle elle se pavanait avec un objet aussi lourd sur la tête ne pouvait appartenir qu'à une seule personne : ma maman chérie. Dès que je la reconnus, j'abandonnai toutes mes affaires sur la route. Puis, je courus aussitôt me jeter dans ses bras. Toute l'eau qu'elle avait durement transportée arrosa toute la voie.

─ Aboubakar, tu es incorrigible ! Je pensais que ce séjour chez ton oncle t'aurait permis de devenir un peu plus mature, lança ma génitrice.

─ Pardon maman mais j'étais trop content de te revoir.

─ Vu que tu es si content, viens m'accompagner alors !

─ Où ?

─ Au puits du marché bien évidemment ! Tu as versé toute l'eau que je transportais.

Je fis quelques pas en arrière. Je n'avais aucune envie d'y aller.

─ Tu n'as pas entendu ce que j'ai dit ? Allons au puits !

─ Euh maman, j'ai laissé mes affaires derrière. Je vais les récupérer, puis, je te rejoins. Devance-moi !

Je retrouvai mes valises dans l'état où je les avais laissées. Un enfant exemplaire serait par la suite revenu sur ses pas dans le but de raccompagner sa pauvre mère au puits. Mais, je n'étais pas ce genre d'enfant. Oh non ! Moi j'ai préféré aller dans le sens inverse. J'allais mettre plus de temps avant d'atteindre ma cour. Mais, c'était mieux que de me rendre à ce vulgaire puits de pacotille. Je détestais cet endroit car il me rappelait à quel point puiser de l’eau était un exercice que je n’appréciais guère.

- Aboubakar, Aboubakar ! Mais où est-ce que tu t'en vas ? hurla ma mère. Reviens ici !

Je fis mine de n'avoir rien entendu. Je continuai ma route priant Allah Le-Tout-Puissant qu'elle ne me poursuive pas. Sur mon chemin, je croisai un groupe de filles. Mes yeux s'illuminèrent aussitôt. C'était en effet, les personnes avec qui je passais le plus clair de mon temps libre dans ce village. Je n'avais pas d'ami de sexe masculin. Moi, je ne marchais qu'avec les filles. Ma personnalité de fou collait mieux avec elles qu'avec le sérieux des garçons.

Il y avait Aminata, Ténin, Noura et Fatoumata. On avait pratiquement le même âge. Mais, contrairement à moi, elles avaient toutes arrêté l'école en cours de chemin. Ténin et Noura s'étaient même déjà mariées. C'est dire comme les choses vont vite dans ce village.

— Bouba, tu n'as fait que deux semaines à Bouaké mais regarde comment tu as grossi !

Je retirai aussitôt mon t-shirt pour prouver à mon amie que je n'avais pas pris de kilo en trop.

BOO BAH !BxB! Où les histoires vivent. Découvrez maintenant