A portée d'ailes

Senteurs d'été (3/5)

" Salut, Anaïs, est-ce que tu peux venir mercredi pour le Retour d'Expérience ?"

Lucas venait de m'envoyer ce message. Ignorant le dernier texto de Clélia, je consultai mon emploi du temps. Malheureusement, deux devoirs surveillés programmés pour le jeudi matin me narguaient sur le papier et un programme plus que chargé s'annonçait d'ici là. J'aurais aimé être présente pour lui durant la réunion mais cela se révélait malheureusement impossible.

"Désolée, Lucas, mais j'ai deux gros contrôles le lendemain dès huit heures et réviser avant va être difficile, les profs nous ont surchargé de devoirs. Clément pourra peut-être ?"

Envoyant ce message, un sentiment de culpabilité m'envahit, me morigénant de ne pas lui porter assistance. Mais les cours et la réussite avant tout, non ? Surtout dans ces conditions... J'étais en Première Scientifique sans réellement savoir dans quelle branche je voulais poursuivre mes études. Je visais une classe préparatoire pour l'excellence de l'éducation reçue et pour ne pas être la seule de mes cousins à ne pas passer par ces années de dur labeur dont on sortait grandi et qui nous démarquait des autres. Impossible d'envisager une autre voie, je me sentirais honteuse sinon. Il me fallait montrer que j'en avais dans le ventre, moi aussi. Ou alors médecine peut-être ? La Première Année Commune aux Etudes de Santé était une excellente manière de le prouver et je rêvais de donner de mon temps pour les autres, mettre mes capacités au service de l'amélioration de leur vie. Je voulais un métier qui me permettrait de me sentir utile, de dédier mes efforts à la société. Sauver des vies en devenant urgentiste et lutter pour les victimes des attentats terroristes ainsi que les accidentés de la route ou alors Médecin sans Frontière car les soins médicaux devraient à la portée de chacun. L'injustice qui existait entre les gens en fonction de l'endroit où ils avaient eu le bonheur, ou le malheur, de naître me révoltait.

"Ne t'en fais pas, tu as raison, tes contrôles doivent être ta priorité. Je vais demander à Clément."

Je me mordillai la lèvre. Ce que je venais de faire me déplaisait.

"Désolée, vraiment. J'aurais aimé t'aider."

"Pas de souci, c'est quelles matières ?"

"Anglais et SVT. Tu me diras si Clément peut."

Je répondis ensuite au message de Clélia qui poursuivait la discussion entamée et dans lequel elle appuyait sa position. Connaissant mon amie, je devrais probablement faire attention à son comportement pour éviter toute situation embarrassante avec Lucas.

Durant la semaine, les conversations tournèrent régulièrement autour de la soirée. Gaétan, Florian et Léo menaçaient en plaisantant d'y mettre un sacré fouillis. Les connaissant, je savais que derrière leurs blagues se cachait une part de vérité. Par conséquent, j'avais demandé aux garçons de faire attention à la consommation de notre "mezzaneur", comme nous aimions l'appeler. Celui-ci avait d'ailleurs avoué ne conserver qu'un très léger souvenir de sa tentative de plongeon et semblait embêté chaque fois que nous expliquions aux autres la raison de son surnom. Cependant, il s'y était habitué et en riait aujourd'hui avec nous lorsque nous en parlions en petit comité.

Malgré son côté festif, je l'appréciais beaucoup et n'avais pas hésité une seconde avant de l'inviter, même si la fête se déroulait chez moi sous la surveillance discrète de mes parents. Je me demandais d'ailleurs si la présence de ma mère, qui connaissait chacun d'eux pour les avoir croisés dans les couloirs ou eus en cours, refroidissait certains de mes amis. La situation devait leur sembler plutôt particulière même si elle était très appréciée en tant que professeurs et que bon nombre d'entre eux étaient déjà venus. Je n'avais personnellement jamais dû suivre ses leçons et je m'imaginais difficilement avoir à le faire. Je devais malgré tout avouer ressentir une certaine curiosité à l'idée de devoir me retrouver dans cette situation. Dans tous les cas, cela aurait sans doute au moins le mérite de retenir un peu Léo bien que, hormis pour le Nouvel An, je ne l'avais jamais vu dans un état semblable. De plus, il était clair que je pouvais compter sur le côté raisonnable de Florian et l'énergie de Gaétan pour empêcher les dérives. Tout irait bien sur ce plan, c'était une certitude.