Chapitre 7 : La soirée partie 2

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Cette opportunité ne lui fut pas donnée car vingt heures avaient sonné et avec elles l'ensemble des invités qui arrivèrent au compte-gouttes. Le dernier fut Gaétan qui passa par le jardin de derrière car il était venu en bicyclette. Après avoir rencontré des difficultés à le garer du fait de la végétation abondante dans mon jardin, il s'installa avec nous.

 - Désolée, j'aurais dû te prévenir que passer par le jardin était difficile en vélo, m'excusai-je. On a droit à une véritable forêt vierge, il aurait mieux valu que tu passes par la cour, comme les autres.

- Je n'aurais pas dit qu'elle était vierge justement ta forêt... Au moins, j'ai dit bonjour aux poules.

- C'est ça ! C'était bien ta séance de toute à l'heure ?

- Oui, on a pédalé à toute vitesse sur les sentiers de forêt, j'ai adoré ! Merci, Amina, tes baklavas sont excellents !

- Il ne fallait pas t'embêter avec cela ! m'exclamai-je en en choisissant un à mon tour parmi ceux que la jeune fille me tendait.

- Je voulais t'aider pour te remercier de l'invitation. Cuisiner ceux aux pistaches me fait toujours très plaisir, cela me rappelle la cuisine de ma grand-mère.

- Où habitait-elle ? tentai-je doucement.

Je n'avais pas oublié que ce sujet demeurait sensible pour l'adolescente mais, si elle avait préparé un plat de son pays, je supposais qu'en parler lui posait peut-être moins de problèmes que par le passé.

- En Algérie, Je sentis l'amour dans sa voix. Mes parents sont nés en France, ajouta-t-elle précipitamment.

- Inutile de le préciser. Si tu étais née au Maghreb, cela ne changerait rien pour moi, dis-je, désireuse de clarifier les choses au plus vite.

- Peut-être mais ce n'est pas forcément ce que pense la majorité des gens.

Je serrai les lèvres, ne sachant que dire. D'un côté, je devais avouer comprendre les personnes racistes dans le sens où les attentats survenus dans le monde et surtout dans l'Hexagone horrifiaient. Cependant, de ce fait, des adolescents tels qu'Amina avaient honte de leurs origines et ce à tel point qu'ils préféraient les taire. Ce n'était pas une option envisageable non plus.

- En tout cas, Anaïs, je tenais à te dire que nous ne nous connaissons peut-être pas bien mais Gaétan et Florian tiennent à toi et ils comptent beaucoup pour moi. Tu es donc une personne que j'aimerais apprendre à mieux connaître. Je suis très touchée que tu m'aies invitée et contente d'être là ce soir.

- Sache que c'est réciproque, répondis-je émue en effleurant son bras en un geste voulu affectueux.

A mon grand plaisir, Florian m'emmena très vite danser notre rock habituel sur  " Would I lie to you " de David Guetta, faisant rire la jeune Arabe qui se mit à nous filmer. N'ayant cette fois pas bu le moindre verre, je pus donner toute mon énergie et n'eus aucun mal à bien conserver mon équilibre. En renouvelant cette expérience, je compris que la tentative du réveillon n'avait pas été aussi réussie que je le croyais alors. Régulièrement, je percevais le regard de Lucas posé sur nous et, chaque fois que je lui souriais, je voyais son visage s'illuminer légèrement et ses yeux me donnaient l'impression de briller.

Florian et moi pûmes enchaîner les enroulés et les tours doubles. Dans le feu de l'action, il voulut me faire effectuer un renversé et mon pied glissa sur le parquet ciré. Je manquai tomber mais, comme tout bon cavalier, il parvint à me retenir in extremis, conservant lui-même un équilibre précaire. Cet incident nous fit éclater de rire. Du regard, je me rendis compte qu'Amina pouffait également. Lorsque notre duo eut terminé et retourna au canapé, Lucas, assis dessus, s'exclama :

- C'était génial votre danse !

- Tu veux apprendre ? lui proposa immédiatement mon partenaire.

Le jeune homme ne se le fit pas dire deux fois. Il prit la main de Florian et le suivit jusqu'au centre de la salle. Clélia, qui avait été avec lui jusqu'ici, vint s'installer à mes côtés tandis qu'Amina se dirigeait vers Gaétan.

Tout en regardant mon meilleur ami effectuer les premiers pas – qui constituaient en un déplacement latéral – puis montrer à Lucas comment faire tourner sa partenaire plusieurs fois d'affilée, je demandai :

- Que penses-tu du fameux pilote, finalement ?

Ils formaient vraiment un couple particulier : mon meilleur ami et le garçon qui me plaisait. J'avais craint une certaine rivalité de la part du premier et celui-ci me surprenait au contraire en intégrant le second du mieux qu'il le pouvait, lui enseignant même le rock. Les yeux de Clélia fixaient les mêmes personnes que les miens.

- Je suis maintenant sûre que les rumeurs que j'ai entendues sont vraies, répondit-elle lentement comme si elle choisissait ses mots avec soin. Lucas est vantard soit en l'affichant clairement en blaguant soit en feignant la modestie. Mais je dois aussi reconnaître que ton coco est bien plus sympathique et agréable que je ne le pensais. Et ce avec tout le monde. Tu sais, Ana, personne ne peut être parfait. La seule question que tu dois te poser c'est de quelle  façon tu le vois et, quelle qu'elle soit, si c'est réciproque.

- Il est plus qu'un ami mais elle ne l'admettra jamais. A elle peut-être mais pas à nous, c'est sûr. Et elle ne fera rien, déclara Juliana qui arrivait. Désolée, j'ai entendu la fin de la conversation.

Clélia tourna la tête vers moi. 3lle voulait sans doute savoir si le fait que la nouvelle venue ait compris de quoi nous discutions me dérangeait et quelle était ma réaction face à son avis. Je ne lui rendis cependant pas son regard. J'avais détourné mes yeux du centre de la pièce -où Florian venait visiblement d'enseigner l'enrouler car Lucas se trouvait bloqué contre son corps- pour dévisager Juliana, presque blasée.
De toute manière, celle-ci était certaine de ce qu'elle avançait et je n'avais plus la foi de la corriger.

En réalité, je ne croyais même plus réellement en les paroles que je devrais prononcer pour la reprendre. En voyant Lucas danser, mes sentiments pour lui m'avaient soudain paru indéniables et cela me désarçonnait totalement. Je me trouvais tellement démunie, sans savoir comment me comporter. Souhaitait-il la même chose ? Voyait-il en moi ce que je percevais en lui ? Cette maturité, cette légèreté couplée au sérieux dont il faisait preuve lors des vols et qui le rendait excellent dans notre discipline... Je ne résistais pas plus à ses  qualités qu' à  son charisme. Lucas ne me laissait pas de marbre. Il avait tout pour lui et devenait un alien tant il paraissait au-dessus des autres, se différenciant ainsi d'eux.

Impossible que je lui dise quoi que ce soit. Je ne me sentais pas de tenter un rapprochement et je n'imaginais aucune raison pouvant le pousser à le faire à ma place. Dans ces conditions, inutile de l'avouer à mes amies.

Comment m'envisageraient-elles si elles découvraient que j'éprouvais des sentiments forts pour un garçon qui ne me considérait pas de la même façon, pour qui je ne possédais rien de plus que les autres ? Ce serait leur admettre une faiblesse, briser la carapace que mon passé et mon manque de confiance avaient forgé pour ne rien obtenir en contrepartie. Je craignais leur jugement et bien davantage celui de Lucas si il comprenait ce qui se déroulait.

Et que dire de Florian ? Je tenais trop à lui pour risquer de lui briser le cœur pour rien. Si j'étais certaine que le résultat soit positif je n'y penserais pas même une seconde mais dans cette situation cela me paraissait bête.

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