Chapitre 7: La soirée partie 3

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- Elle est toujours sûre de ne rien ressentir envers les garçons... Un jour, il faudra que tu m'expliques pourquoi tu ne veux jamais rien avec eux, soupira Clélia. On va finir par croire que tu aimes les filles, plaisanta-t-elle.

Je tentai de cacher mon trouble. Mon amie ne voyait que les apparences. Je ne leur parlais pas de mes situations amoureuses car je n'osais pas. Lucas représentait en réalité le premier garçon pour qui mes sentiments étaient tels que je me les avouais à moi-même. La peur du rejet, de l'engagement, la honte d'être la seule à éprouver une émotion spéciale me faisaient toujours fuir. Une fois de plus, je regrettai mon adolescence difficile qui avait laissé en moi une trace indélébile : ma timidité, autrefois maladive, que je devais encore aujourd'hui perpétuellement combattre pour tenter de m'en débarrasser. Les Hélices et les personnes merveilleuses qui m'entouraient là-bas m'y aidaient mais la lutte était loin d'être gagnée. Durant le temps que j'y avais passé, pourtant long à présent, le progrès n'avait été que très relatif. Mal à l'aise, j'adoptai aussitôt une attitude défensive :

- Et toi alors ? Tu es bien célibataire que je sache ?

- Oui mais moi c'est parce que cela ne se fait jamais. Quand un gars me plaît, tu es au courant. Je ne te mets pas en te le cachant. Et je me l'avoue à moi-même.

Je me tournai du côté de Juliana qui n'avait jamais eu de copain non plus, espérant qu'elle n'ait rien à répondre :

- Ne me regarde pas, tu sais très bien que rencontrer quelqu'un et flirter avec ne fait pas partie de mes priorités pour le moment. Je préfère me constituer un beau dossier pour entrer dans une excellente école plus tard. Si l'amour doit me tomber dessus alors il le fera mais pour le moment il n'y a pas de nuage dans mon ciel et je n'en cherche pas. Je suis désolée, Anaïs, mais ici tu es la seule à craindre tes sentiments. Je ne dis pas que ce problème ne se mettra jamais en travers de mon chemin mais pour le moment ce n'est pas le cas. Si tu veux mon avis, tu es sur une voie dangereuse : d'un côté si tu ne reconnais jamais que tu es amoureuse -oui, je te le dis- tu le regretteras et te demanderas si tu n'aurais pas dû le faire et, si un jour tu l'admets enfin, cela risque de tomber au mauvais moment et de te mettre dans une situation compliquée alors qu'elle aurait pu être très simple. Pose-toi les bonnes questions, fais l'effort nécessaire sur toi-même si besoin et tout ira bien.

- Merci, Ju ! lança Clélia- Tu viens de me donner une idée. On ne va pas laisser Anaïs avoir peur et on va illuminer sa soirée d'anniversaire ! Prête pour une petite enquête et tenter de percer à jour les envies de Lucas ? Est-ce qu'il veut juste une amie avec qui rire ou une partenaire pour tenter d'autres folies... ?

Le coup d'œil suggestif qu'elle me lança me fit rougir.

- Evidemment que je marche ! Mais ne t'inquiète pas ma belle, on ne révélera pas ton petit secret !

- Ce n'est pas de toi que j'ai peur, dis-je en lançant un regard appuyé à mon autre amie qui leva les mains en l'air comme pour prouver son innocence.

- Par rapport à ce que je te disais tout à l'heure, quand quelqu'un me plaît, tu le sais... eh bien là tout de suite c'est le cas ! Il est pas mal celui-ci..., chuchota-t-elle en désignant Leo d'un geste discret.

Juliana laissa échapper un hoquet de surprise.

- Ne joue pas les entremetteuses, Ana, ce n'est pas la peine. De même pour toi, Juliana. Mais tu vois que je disais la vérité.

- De toute façon, cela arrivera lorsque nous serons prêtes, conclut mon amie.

- Oui ! En attendant, j'aimerais bien apprendre le rock ! Quelqu'un pour m'aider ? lança Clélia à la cantonade.

Evidemment, les dernières mesures de The final countdown de Europa empêcha la majorité des invités de l'entendre. Ce ne fut cependant pas le cas de Leo qui se leva et se dirigea immédiatement vers elle. Lorsqu'ils se furent éloignés, Juliana se tourna vers moi, interloquée :

- Tu crois qu'il l'a entendue ? Leo ne danse jamais !

- Je sais mais c'est pourtant impossible : il était bien trop loin et de toute façon la musique couvrait ses paroles... et elle chuchotait !

Le morceau se terminant, Florian et Lucas ne tardèrent pas à revenir vers nous :

- Bravo, tu t'es bien débrouillé, le félicita le premier.

- Merci beaucoup ! On tente, Anaïs ?

Sa proposition me toucha en plein cœur, me serrant même les entrailles. Avait-il appris pour pouvoir danser avec moi ? Au petit coup de coude que Juliana me donna, je compris qu'elle envisageait la même éventualité.

Le jeune homme m'entraîna au centre de la pièce tandis que son ancien professeur prenait ma place sur le sofa et que les premières mesures de Partenaire Particulier retentissaient. Lucas commença à copier les pas qu'ils venait de découvrir mais il commit malheureusement une erreur dès les premiers si bien que nous nous percutâmes.

Il éclata de rire et je me joignis à lui, trouvant naturellement ma place en léger appui contre son bras gauche. Il ne me repoussa pas. En cet instant, j'avais la sensation de le connaître et de l'apprécier depuis toujours.

- On réessaie ? suggéra-t-il.

Nous reprîmes notre danse. Mes mains dans les siennes éveillaient dans mon ventre  des papillons dont j'ignorais l'existence, sa peau était douce et ses pas, bien que mal assurés, trouvaient aisément le rythme. Je l'aidais quand il le fallait.

Il se trompa plusieurs autres erreur ce qui nous faisait glousser toujours davantage. Pour la première fois de ma vie, l'expression "le temps s'arrêtait" prenait du sens à mes yeux. Je ne voyais plus les minutes passer et j'aurais souhaité que cette complicité demeure toujours, que ce léger contact, innocent mais pourtant si fort à mes yeux, ne se brise pas. Peut-être ressentait-il les mêmes émotions car nous enchaînâmes plusieurs morceaux sans que je ne prête  attention aux titres. J'avais depuis longtemps perdu la moindre conscience du regard que les autres posaient sur nous.

Après diverses tentatives, il parvint à me faire réaliser un enroulement et posa sa main sur ma hanche, comme le demandait la danse.

J'avais beau savoir pertinemment que c'était un geste comme les autres, qui faisait partie du rock, j'espérai de tout mon cœur qu'il en avait aussi envie que moi. Cette chorégraphie n'avait jamais revêtu à mes yeux la moindre sensualité -j'aimais au contraire le dynamisme que Florian lui insufflait- mais en cet instant rien ne me comblait plus que la douceur maladroite dont Lucas faisait preuve. Je n'aurais pas souhaité d'autre partenaire que lui, d'autre contact que le sien.

A portée d'ailesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant