A la faveur de la fin du mois de mai, les températures avaient remonté et rendaient possibles un déjeuner en terrasse. C'était justement l'activité à laquelle nous nous adonnions, mes parents et moi, faisant face à notre jardin. Sa végétation luxuriante donnait à l'espace une allure de campagne. Sur le côté gauche, les poules faisaient un vacarme qui renforçait cette impression. Au début, nous avions peur que les voisins n'apprécient guère ce voisinage, mais elles avaient été aussitôt acceptées par ces citadins amateurs de nature. Cet accueil ne froidissait pas même à l'heure du déjeuner, qui se faisait pourtant en fanfare aujourd'hui car l'une d'elles en profitait pour pondre, cachée dans le poulailler.
Mon père claqua la langue dans le vain espoir de les faire taire. Entre celle qui souffrait dans son action et les autres qui l'encourageaient, on avait droit à une bonne musique...
Soudain, mon portable vibra. La fourchette pleine de nourriture qui montait à ma bouche et s'apprêtait à franchir la barrière de mes lèvres vit sa course brutalement stoppée. Je jetai un regard à l'écran de mon téléphone, qui faisait d'ailleurs presque tache dans ce décor.
-- Tu ne devrais pas l'avoir à table, me sermonna ma mère en y jetant machinalement un coup d'œil. Intéressant. Qui est donc ce Lucas, Anaïs?
Son ton avait brusquement changé : elle désirait recevoir des informations. Le problème ? J'était bien incapable de lui en fournir. L'identité de ce garçon était facilement explicable, bien sûr. En revanche, cette légère excitation qui s'emparait de moi lorsque je lisais son nom sur mon écran l'était beaucoup moins. J'ignorais la raison de cette sensation et je n'avais pas franchement envie de la découvrir. D'autre part, expliquer la situation à ma mère, si inquisitrice, ne pouvait être une bonne idée si je ne désirais pas en parler régulièrement avec elle.
-- Un ami du club.
À la manière dont ma mère prononça l'onomatopée qui me servit de réponse, il ne m'était pas difficile de comprendre que son intérêt ne retombait pas le moins du monde. L'ignorant et tâchant de ne pas non plus considérer l'étonnement suscité par ce message, je déverrouille l'écran de mon téléphone. En effet, je ne pouvais m'empêcher de m'interroger sur la raison pour laquelle il m'avait écrit : aucune conversation n'était en cours. De plus, nous allions nous voir cet après-midi puisque j'allais voler et qu'il était de garde. En effet, tous les jeunes qui arrivaient à l'aéro-club des Hélices grâce au BIA* y passaient un dimanche par mois. Si cela pouvait sembler ennuyant à première vue, il s'agissait en réalité d'une opportunité exceptionnelle de s'intégrer, de se former au contact des plus anciens et de vivre de formidables expériences telles que partir en navigation vers d'autres pistes. Comme les personnes qui fréquentaient notre monde se connaissaient souvent bien, même sans fréquenter les mêmes clubs, cette promenade pouvait parfois se solder par un petit verre entre amis pris à destination. Je l'avais personnellement vécue à mon arrivée et ce moment demeurait un des meilleurs souvenirs de mes premières expériences en l'air.
« A quelle heure viens-tu voler ? J'ai besoin de toi. »
Une nouvelle fois, un léger emballement s'empara de mon ventre. Je le réprimai aussitôt. Lorsque je remarquai qu'aucun smiley n'ornait la fin de la phrase de Lucas, il disparut de lui-même.
-- Que se passe-t-il ? demanda ma mère.
Je remarquai que mon père nous regardait sans prendre la parole, beaucoup moins curieux que sa femme, ce que j'appréciais. On aurait dit qu'il comprenait ma situation, mon envie de garder un jardin secret et la respectait. Peut-être voyait-il également le comportement de sa femme et souhaitait contraster avec cela. Je le savais ouvert si jamais un jour je ressentais le besoin de lui parler, ce qui n'était jamais arrivé et à mon avis ne surviendrait jamais, mais il ne ferait pas le premier pas, ne me mettrait pas mal à l'aise à ce sujet.
-- Rien du tout. Penses-tu que tu pourrais m'emmener plus tôt aux Hélices?
-- Aucun problème, répondit ma mère.
Le clin d'œil que je perçus dans son ton m'exaspéra.
« Je serai là pour 15 heures. Un problème ? »
Je terminai rapidement le repas, ne participant que mollement à la conversation, mon esprit tourné presque exclusivement vers Lucas qui ne me répondait pas. En revanche, je savais qu'il avait lu ce que je lui avais envoyé. Que pouvait-il bien se passer ? Il ne m'envoyait pas uniquement ce message parce qu'il voulait me voir, n'est-ce pas ? Ce n'était pas que l'idée me déplaisait, peut-être au contraire d'ailleurs remarquai-je, mais la formulation m'étonnait. Avais-je raison de m'interroger ? Ou ne le faisais-je que parce qu'il s'agissait de Lucas ? Si c'était Gaétan ou Florian, ressentirais-je le même questionnement ?
J'avais beau n'avoir découvert sa personnalité que très récemment, et ce de façon encore plutôt limitée, il comptait pour moi. Partager sa passion avec quelqu'un créait indéniablement de bons liens amicaux.
Une fois le repas terminé, je me rendis dans ma chambre, hésitant sur la personne à qui expliquer la situation afin qu'elle me donne l'avis dont j'ai besoin. Florian ? Le point de vue d'un garçon serait constructif mais, en songeant à ce que me répétait Juliana à son propos, je préférais m'abstenir. D'ailleurs pourquoi aller chercher plus loin... ?
«Salut ma belle »
J'hésitai une nouvelle fois, ne sachant pas comment expliquer la suite. Je l'écrivis de manière purement factuelle, lui confiant mon problème et ma peur. Sa réponse ne tarda pas à arriver.
« Sérieux, Ana ? Tu es vraiment en train de flipper pour un smiley absent ? Déjà, il a pu l'oublier. De deux un garçon n'est pas un romantique la plupart du temps. Ils n'ont pas l'habitude d'exprimer leurs sentiments. Alors vu qu'il te disait que tu lui manquais, il n'allait pas en rajouter. »
Son message me rassura et je choisis de ne pas creuser davantage. Je me posais sans doute bien trop de questions à son sujet et je n'avais pas l'habitude de m'interroger autant. Le stress demeurait décidément un compagnon bien trop souvent présent à mes côtés, même sans cause valable.
En revanche, il me paraissait à présent évident que si Gaétan ou Florian avait écrit le même texte, ils n'aurait pas provoqué chez moi la même réaction. Cela dit, je les appréciais depuis bien plus longtemps, les connaissais mieux. Ceci expliquait cela !
J'accomplis consciencieusement mes devoirs pour le lycée puis préparai mon sac vers quatorze heures trente. Dix minutes plus tard, j'étais partie. Tandis que ma mère conduisait la voiture sur l'éternelle route nous menant au club, je ne pensais qu'au plaisir de voler et de revoir les pilotes, notamment Lucas. J'étais impatiente que l'été arrive et, avec lui, la liberté et les barbecues innombrables face aux avions, les verres en terrasse et les heures au bar à rire d'anecdotes rapportées de voyages dans le ciel. L'épisode survenu quelques heures plus tôt était à présent bien loin de mon esprit.
J'ai essayé de raccourcir, c'est peut-être trop ou pas assez, j'ai besoin de vos avis pour trouver la bonne longueur s'il-vous-plaît!
Vos avis sur le chapitre? Contents de retrouver Ana?
Pareil pour le média, j'ai été guère inspirée, il risque de changer. Si vous avez une idée, je la lirai avec plaisir.
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A portée d'ailes
أدب المراهقينAnaïs, 16 ans, vient d'atterrir dans le monde de l'aviation qui la passionne grandement. Elle y vit des moments inoubliables d'exploration du ciel, d'admiration des paysages de notre belle planète . Au milieu de ces nouvelles expériences, se trouve...