A portée d'ailes

Chapitre 8 partie 2

Les événements qui m'attendaient me rendaient heureuse et j'étais si impatiente de retourner au club  que les journées passaient bien plus lentement que d'ordinaire. Seule ombre au tableau : les épreuves de Baccalauréat de français qui arrivaient à une vitesse affolante.

- Aide-moi à réviser ce texte, s'il-te-plaît, me supplia une Juliana très stressée le vendredi après-midi.
Nous étions installées autour  d'une table dans le hall sur des tabourets hauts.

Après avoir jeté un œil aux notes qu'elle me tendait, je m'aperçus qu'il s'agissait du poème "Voyage" de Charles Baudelaire. Cette oeuvre me posait quelques problèmes également, réviser avec elle me serait donc bénéfique. J'acceptai de ce fait avec entrain.

- Bien euh.. Charles Baudelaire est un auteur du...

- Eh bien ! Première et dernière fois que je verrai des S travailler du français ! rit gaiement Chiara en nous rejoignant.

Le regard noir de Juliana la refroidit aussitôt.

- Mais je peux vous laisser si vous voulez... s'empressa-t-elle d'ajouter, soudainement très mal à l'aise.

Avant que mon amie ait eu le temps de répondre, je souris à la jeune fille :

- Bien sûr que non, tu peux t'asseoir, viens ! Tu comprends c'est juste que nous sommes un peu stressées et devons travailler.

- À qui le dis-tu ! Pour le stress, ça va encore mais imagine la quantité de connaissances à avoir quand on est en L ! s'exclama Chiara qui paraissait désireuse de montrer qu'elle nous comprenait. Elle avait dans le même temps tiré un tabouret et s'était installée. Écoutez, je vais aussi apprendre mes leçons tout en ayant une oreille sur ce que tu dis, Juliana, comme ça je pourrai peut-être rajouter quelque chose que j'ai vu en classe qui t'aidera à faire la différence.

- Merci.

Le ton sec de Juliana montrait que sa reconnaissance était toute relative et me rendit perplexe un instant avant que je ne replonge dans mon travail d'examinatrice.

- Charles Baudelaire est un poète du XIX° siècle dont les œuvres démontrent son goût pour les auteurs classiques et romantiques. Ses textes sont également à la croisée entre le Parnasse et le symbolisme...

- Salut les filles !

La voix de Florian me fit tourner la tête. Il se tenait juste derrière moi, accompagné de Gaétan qui... embrassa Chiara. J'en restai un instant interdite : oui ils formaient un beau couple mais non je ne me serais jamais doutée que leur relation évoluerait. Vu l'intensité et la longueur de leur baiser, chacun d'eux devait en profiter au maximum.

En détournant les yeux, mon regard croisa celui de Florian qui avait lui aussi observé un instant nos deux amis. Un peu gênée sans trop savoir pourquoi, je m'empressai de me tourner vers Juliana. Elle fixait ses notes d'un air très concentré. Un observateur extérieur n'y aurait peut-être vu que du feu  mais, pour moi qui étais sa meilleure amie depuis des années, sa jalousie ne faisait aucun doute. Pourquoi ne se réjouissait-elle pas pour eux, elle ne m'avait pourtant jamais parlé de Gaétan en des termes autres qu'amicaux !

- Depuis quand...? chuchotai-je à l'adresse de Florian.

- Ta soirée. Enfin plus exactement la boîte, expliqua-t-il. Gaétan voulait te le dire mais je crois qu' il craignait trop que ça ne dure pas, fit-il précipitamment.

Je hochai la tête.

- Tant qu'on parle fêtes, j'organise un truc chez moi deux jours après les écrits. Tu viens bien sûr ?

- Sans hésiter. Hâte de rencontrer Layana !

- Freine ton enthousiasme, elle ne viendra pas.

Gaétan s'était enfin détourné de Chiara pour nous saluer. Je regardai Florian sans comprendre :

- Comme je te l'ai dit, elle est espagnole. Elle part passer l'été chez ses grands-parents à Séville direct après les épreuves. Moi aussi je suis déçu que vous ne vous croisiez pas, je suis certain que vous vous seriez appréciées l'une l'autre.

- Oui c'est dommage, je pense aussi que vous vous seriez bien entendues, confirma son meilleur ami. Juliana, tu viens chez Florian bien sûr ? Le groupe au complet !

La jeune fille releva la tête et le regarda un bref instant avant de répondre avec un sourire coincé :

- Pourquoi pas, oui.

- Je vois que vous révisiez, on devrait s'y mettre aussi non, Florian ?

Le jeune homme accepta aussitôt mais sa mauvaise grâce était visible.

- Le stressé qui ne veut pas bosser, c'est du joli, le taquinai-je lorsqu' il s'assit à ma gauche.

-  Dis-moi plutôt ce que tu sais sur la lettre 24 des Lettres Persanes ?

Le restant de l'heure de pause eut tôt fait de passer. Si Juliana sortit victorieuse du pari que Gaétan lui fit de réussir un oral sur "Voyage" il n'en fut pas de même pour moi qui eus du mal à expliquer à Florian le texte de Montesquieu.