À la fin de la journée, je posai la question sitôt que ma mère fut rentrée à la maison. Face à son enthousiasme, je confirmai aussitôt à Gaétan, Florian et Juliana et me dépêchai de rédiger la liste des personnes que je souhaitais inviter.
Evidemment, je prévins comme promis Amina. Nous n'étions pas complices mais, au regard du comportement dont elle avait toujours fait preuve envers moi et de la façon dont Gaétan la considérait, je lui soupçonnais un très bon fond. J'espérais que cette fête serait l'occasion de mieux la découvrir, comme celle du 31 décembre s'était retrouvée inefficace en ce sens.
J'hésitai un instant avant de proposer à Lucas et à Clément. En effet, ils ne connaissaient personne et je n'étais moi-même pas proche du second. Mais je savais que mes amis les intégreraient naturellement et, surtout, je ne me voyais pas fêter un lâcher solo sans qu'aucun des adolescents avec qui j'aimais partager ma passion ne soit là. Leur présence m'apparut donc très vite comme une évidence. Au total, ils seraient une bonne vingtaine à investir le salon très prochainement.
Je créai donc un groupe sur le réseau social Snapchat pour les rassembler, songeant que, plus vite une conversation démarrerait, plus vite Lucas et Clément seraient à l'aise (même si je ne me faisais guère de bile concernant le premier). Ainsi, l'ambiance enjouée et festive qui régnait dans les bonnes soirées s'installerait d'autant plus rapidement. Mes amis proches m'annoncèrent leur venue dans l'heure qui suivit et, sur l'ensemble des invités, très peu déclinèrent l'invitation.
« Je ne savais pas que tu connaissais Lucas, petite cachottière !», fut le message qui s'inscrivit bientôt sur mon écran de téléphone. Il venait de Clélia. J'ouvris la bouche devant ma bêtise.
Comment avais-je pu ne pas y penser plus tôt ? Lucas m'avait bien précisé qu'il étudiait au lycée Michel-Ange, situé à environ dix minutes à pied du mien... comme Clélia. J'aurais donc dû penser que mon autre amie d'enfance et lui se croisaient régulièrement et s'entendaient peut-être bien. Je la connaissais depuis environ autant de temps que Juliana mais les voyais toujours séparément car elles étaient très différentes.
Durant toute mes maternelle et primaire, j'avais été plus proche de la première. Puis, elle était partie dans un autre établissement scolaire tandis que je suivais la seconde dans le collège privé voisin. A compter de cette rentrée, Juliana et moi nous étions considérablement rapprochées. Clélia avait malgré tout toujours conservé une grande importance dans mon cœur. Lucas et elle étaient tous les deux en section Scientifique, comme nombre de mes amis d'ailleurs.
"Je suis vraiment bête de ne pas lui avoir parlé de Lucas. Mais leur style diffère tant en même temps. Clélia reconnaît toujours qu'elle est trop féminine et douce pour avoir beaucoup d'amis garçons...Nous sommes contraires, en fait, vu que j'ai vraiment un côté brute de décoffrage et donc des points communs avec eux..." songeai-je, partagée entre la tristesse que m'infligeait ce dernier constat et le plaisir de partager des bons moments avec des représentants de l'autre sexe.
Nous partagions effectivement le même goût du sport et du dépassement de soi, le même manque d'apprêtement...
"Bien sûr, je généralise, certains jeunes hommes ne correspondent pas le moins du monde à cette description et grand bien leur fasse. Ces caractéristiques ne dépendent absolument pas du genre ou de l'orientation sexuelle." me repris-je aussitôt.
Réduire les personnes à des cases, juger, était à mon avis la pire chose possible car nos différences nous apportaient toujours beaucoup.
"Mais la plupart des garçons qui n'ont pas ces penchants-là ne sont pas très masculins..."
Cependant, je ne pouvais pas non plus me positionner à l'opposé de Clélia, laquelle prêtait une bien moins d'attention à sa tenue vestimentaire que Juliana par exemple.
Après une rapide réflexion, je répondis au message de Clélia :
« Je n'avais pas réalisé que vous vous connaissiez peut-être, désolée haha. Vous vous entendez bien, j'espère ? »
« Il a son caractère mais cela ira le temps d'une soirée, ne t'en fais surtout pas. Et je ne te dirai pas qui inviter ou non, surtout à ton anniversaire. Mais je veux tout savoir, vous êtes proches ? »
Cette affirmation me décontenança. Clélia donnait souvent son avis sur tout, et j'adorais d'ailleurs son honnêteté, mais elle n'émettait que très rarement des remarques négatives sur quelqu'un quand on ne l'y incitait pas. Si la jeune fille ne mettait que peu de temps à les noter en son for intérieur, se forgeant ainsi rapidement un avis généralement sûr à propos d'un nouveau venu, elle ne les extériorisait que rarement.
« Son caractère ? »
Je commençai à faire mes devoirs en gardant mon téléphone sur vibreur et à portée de mains, espérant que Clélia ne tarderait pas à m'expliquer sa position. Je savais que conserver cette source de déconcentration sur le bureau ne permettait pas un travail efficace mais comprendre cette phrase et en apprendre plus sur ce pilote m'apparaissait comme nécessaire. Je n'avais pas noté de réel défaut chez lui et nous paraissions avoir tant de points communs...
Heureusement, son texto ne se fit pas attendre bien longtemps.« Je ne sais pas trop comment dire mais il aime se mettre en avant et parler de sa vie. Je pense qu'il a une très bonne image de lui et voudrait qu'on le voit de la même façon. Après, je ne le connais pas très bien donc ce n'est peut-être qu'une impression... mais je ne suis pas la seule à l'avoir. Enfin bon, je te connais depuis un sacré bout de temps, tu ne demandes pas un avis sur quelqu'un sans une bonne raison, tu dois bien l'aimer... Laisse-moi deviner, tu tiens plusieurs manches ? Pff, je te pensais plus innocente !"
La dernière phrase était ponctuée d'un clin d'oeil. Je ris de bon cœur, légèrement rougissante face à la question de Clélia. Cela représentait si bien sa personnalité, décomplexée et drôle. Parmi mes amis, elle seule, s'exprimait parfois de cette manière. Je lui répondis par messages vocaux sur notre conversation Snapchat, ne voulant pas passer dix minutes à rédiger une réponse convenable à sa suggestion. La lenteur à laquelle avançait mon exercice de mathématiques, pourtant à préparer pour le lendemain matin, ne me paraissait gère étonnante.
« Donc en gros ton but de la soirée c'est passer à l'action, rassure-moi ! »
« Je ne sais pas, Clélia. Enfin, c'est plus "je ne pense pas"... Où j'en suis par rapport à lui est une bonne question et ce qu'il veut n'est pas clair non plus. "
Sa réponse, en vocaux également, me parvint presque immédiatement. Elle s'exprimait sur un ton excité et aussi espiègle que pouvait l'être celui de Gaétan :« Ok, tu te fiches de moi, là. Tu parles vraiment en bien de lui. Je sais que tu as peur de te mettre en couple mais, ma fille, vu comme tu es, tu auras peur toute ta vie. Et tu veux mourir entourée de chats ? Ok ils sont mignons mais à un moment tu auras envie d'autres poils... Je dis ça je dis rien. En plus, un couple de pilotes, c'est sexy tout plein. Juste pour info, un mec qui t'appelle au secours ça ne se croise pas à tous les coins de rue et cela veut dire quelque chose. Cela te correspondrait tellement bien en plus, il te fait confiance pour ne pas être la princesse en détresse que tu détestes."
"Dis donc, tu changes vite d'avis ! "
"Je parlais mal de lui mais je ne savais comment il était avec toi. Et puis il peut être merveilleux avec toi et un con avec d'autres, comme tout le monde en fait. De toute façon, je me ferai une idée à ta fête. Parce qu' il vient bien sûr."
" Je ne lui ai pas encore dit... Je le ferai en face samedi prochain."
"Mais oui, tu hésites juste, je te connais. T'es incurable. Ose me dire qu'autre chose que ta peur te bloque..."
Je ne répondis pas, sans m'avouer que c'était plus parce qu'elle avait raison que pour éviter une conversation animée. Évidemment, mon amie ne me lâcherait pas d'ici la soirée. Clélia n'avait jamais eu de copain car elle ne se sentait pas prête et manquait de confiance mais pour autant, elle encourageait au maximum ses amis à sauter le pas. Il me parut clair qu'une profonde évolution s'était opérée en elle récemment car, par le passé, des propos aussi affirmé ne seraient pas sortis de sa bouche. Si douce, elle représentait, jusqu'à peu, l'innocence et la pureté mêmes sur ce genre de sujets. Je me surpris à espérer que ce changement survienne également chez moi.
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A portée d'ailes
Teen FictionAnaïs, 16 ans, vient d'atterrir dans le monde de l'aviation qui la passionne grandement. Elle y vit des moments inoubliables d'exploration du ciel, d'admiration des paysages de notre belle planète . Au milieu de ces nouvelles expériences, se trouve...