Le dégoût. L'amertume. L'horreur. Le regret.
Mes yeux balayent ce tableau monstrueux et ces mêmes émotions destructrices m'envahissent.
Le dégoût de soi. La culpabilité qui me ronge. L'humiliation de ne pas avoir su me retenir. Tout se bouscule, comme un tourbillon de sentiments dans lequel s'ajoute la traîtrise.
Ça me donne envie de vomir.
Tous ces corps entassés, éparpillés, réduits en charpie, une véritable boucherie qui redécore le village.
C'est de sa faute. C'est aussi de la mienne.
Ceci est notre œuvre.
Mon regard se repose inéluctablement sur le tapis de membres ensanglantés. Je revois mes crocs s'enfoncer dans leur chair délicieuse, mes griffes percer, déchirer leur peau délicate. Je me rappelle avoir arraché le bras de cet homme, je me souviens de cet enfant que j'ai égorgé et laissé s'étouffer avec son propre sang. Et cette tête, c'est à une femme enceinte que je l'ai tranchée.
Il n'a eu aucune pitié.
Ces pairs d'yeux remplis d'horreur me hantent. Je souhaite les voir brûler, que leur regard ne porte plus l'immondice de cette bêtise.
Ce n'est pas moi. C'est son acte.
Mais je suis coupable.
Le jour est à peine levé lorsque j'entends une mélodie résonner au loin. Le silence des morts me glace le sang. Mais les sirènes se rapprochent.
J'ai entendu une petite joggeuse passer par ici tout à l'heure. Mon cœur s'est serré à l'entente de son effroyable hurlement. Je n'ai pas eu la force de l'arrêter. Je ne doute pas qu'elle a prévenu les autorités, puisqu'ils arrivent maintenant.
Les véhicules s'arrêtent non loin. Les portières claquent et des voix s'élèvent. Enfin, je semble me reprendre.
Il faut que je parte. Personne ne doit savoir que je suis ici.
Je pousse sur mes jambes qui se mettent à trembler. En fait, tout mon corps tremble. Mes forces me quittent et je m'écroule, genoux à terre. Je n'ai pas besoin de lever la tête pour savoir que les hommes sont à présent sur les lieux.
C'est trop tard maintenant.
Les pas de ces hommes se rapprochent. J'entends l'écho de leur voix.
-Eh, petit ! me hèle l'un des agents.
Il jette un regard circulaire au paysage sanglant et grimace de dégoût.
-Qu'est-ce que tu fais là ? Que s'est-il passé ici ?
Je contemple mes mains tremblotantes. Les larmes me brouillent la vue.
-Ce n'est pas moi. Il les a tués. Il les a tous tués. je sanglote.
L'agent fait signe à son collègue de ne rien faire, puis s'approche prudemment de moi.
-C'est de la faute de ce satané loup. Mon loup. C'est lui, il est fautif. je répète comme un fou, plus à moi-même qu'à ces hommes.
Je suis fautif.
-Appelle un médecin. ordonne le policier à son coéquipier. Je crois bien que ce gamin a subi un sérieux traumatisme. termine t-il d'un rire jaune.
Mes sens cessent un instant de fonctionner. Je ne vois plus rien, juste ces images horrifiques. J'entends les hurlements des pauvres victimes. Je ressens encore leur sang venir éclabousser mon pelage. L'odeur des morts s'accentue.
Jamais je ne me le pardonnerai.
Satané loup.
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Neslomimiyat Vulk
WerewolfMarley Seliní est psychiatre dans le nouvel hôpital de Navarre. Mais suite à quelques soucis professionnels, son quotidien est soudain bouleversé par la venue d'un nouveau patient. Danail lui répète qu'il est un loup-garou, qu'il n'est pas fou, et d...