Une vague de bien-être me vient alors que je traverse la porte d'entrée de mon appartement que je n'ai pas vu depuis ce qu'il me semble être une éternité. Rien n'a changé d'ailleurs ; la table pas débarrassée, l'évier remplie à ras-bord, et tous ces poils sur mon canapé...
Les loups vont entendre parler d'établissement de règles interdisant de se métamorphoser dans mon salon !
Soulagée de rentrer enfin chez moi, je tente d'avancer, mais, encore maladroite avec l'instrument qui me permet de me déplacer, je fais cogner la roue gauche contre le pied du porte-manteau.
-Je hais ce truc. je déclare à l'attention du fauteuil roulant dans lequel je suis assise.
Danail vient à mon secours, froissant mon ego au passage. Il nous fait entrer dans le salon. Puis il fait le tour du fauteuil et vient s'accroupir à ma hauteur.
-Je sais que ce n'est pas facile pour toi. Mais dans quelques jours tu te seras habituée et tu te sentiras mieux. me réconforte t-il.
-Je ne veux pas m'y habituer.
Après la nuit terrible que l'on a passée dans le laboratoire secret, au sous-sol de l'hôpital de Navarre, Danail m'a de suite emmenée au centre hospitalier. Les médecins ont réussi à me sauver la vie, mais...
Je secoue la tête, les yeux embrumés par les larmes qui menacent de couler. Lorsque les griffes de l'ultime métamorphe ont traversé l'épiderme de mon dos, elles ont causé de graves lésions au niveau de ma moelle épinière. J'ai passé des jours allongée sur un lit d'hôpital en attendant désespérément que l'usage de mes jambes reviennent, mais je me voilais la face.
Je suis paraplégique, il faut l'accepter, m'a annoncé un médecin.
-Danail, à propos de cette histoire d'hybride...
-C'est toujours non. gronde t-il d'un ton ferme.
À l'hôpital, lorsque j'ai enfin réalisé que l'usage de mes jambes n'allait pas revenir un beau jour, j'ai eu une discussion - ou plutôt un monologue puisque Danail n'a pas eu l'air de vouloir m'écouter - avec mon âme-sœur. Nous deux connaissons un moyen de guérir ma paralysie, mais Danail s'y oppose sévèrement. Pourtant, c'est ce que je veux, moi. Ne plus pouvoir marcher est pour moi un bien trop grand sacrifice.
Et s'il faut que je devienne hybride pour sortir de ce fauteuil, alors j'accepte !
-Ce n'est pas à toi de décider si je reste humaine ou non. Ce choix m'appartient, à moi ! C'est moi qui suis bloquée dans ce fauteuil pourri, j'estime avoir le droit de choisir si je souhaite ou non être hybride.
Danail grogne. Il s'éloigne, passe ses mains dans ses cheveux qu'il tire sans douceur.
-J'ai tous les droits sur toi. Tu es mon âme-sœur ! Devenir hybride, c'est quelque chose que l'on ne souhaite à personne. C'est une malédiction, pas un miracle ! s'écrie t-il.
Mais je suis déterminée, je ne changerai pas d'avis.
-S'il te plaît, Danail, comprends-moi. Je suis psychiatre, je cours partout dans les couloirs d'un asile pour m'occuper de mes patients, et je suis entourée de loups-garous qui adorent courir dans les bois. Qu'est-ce que ça te ferait si un jour, tu ne pouvais plus faire de course dans la forêt ?
-La même chose qu'il t'arrivera à toi si je te transforme en hybride.
Je secoue la tête. J'ai le réflexe de vouloir me lever pour m'approcher de lui ; le constat de ne pas réussir à me mettre sur deux pieds me remplie d'amertume.
-Je suis consciente que ce doit être atroce de devenir mi-humain mi-métamorphe, mais, Danail, dans cet état, je ne suis qu'un poids dans ta vie.
VOUS LISEZ
Neslomimiyat Vulk
Loup-garouMarley Seliní est psychiatre dans le nouvel hôpital de Navarre. Mais suite à quelques soucis professionnels, son quotidien est soudain bouleversé par la venue d'un nouveau patient. Danail lui répète qu'il est un loup-garou, qu'il n'est pas fou, et d...