Chapitre 1

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Le jour est levé depuis peu, et il n'est que sept heures du matin, pourtant mes paupières sont déjà ouvertes comme s'il m'est impossible de dormir plus. Et il faut me comprendre. Cette journée s'annonce excitante. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'à la fin de la journée, je serais en congé pour deux semaines. Voilà environ un an et demi que je travaille au Nouvel Hôpital de Navarre en tant que psychiatre confirmé. J'ai mis du temps à faire mes preuves, mais j'ai pu réaliser mon rêve : devenir enfin la fierté de mon père, car même si celui-ci n'a jamais douté de moi, je veux absolument réussir quelque chose qu'il appréciera vraiment : ma vie.

Je me remémore un instant la petite fille qui essayait tant bien que mal de réussir un équilibre parfait, ou encore de réussir à monter les cinquante mètres du mur d'escalade, mais la seule chose qu'elle savait lui rapporter de bien était au final un excellent bulletin scolaire.

Je soupire longuement, maudissant ma conscience de faire ressurgir ces souvenirs d'enfance. Je n'aime pas trop réfléchir à mon passé, mais c'est comme si quelqu'un d'autre que moi a la télécommande de ma mémoire et repasse en boucle mes souvenirs comme un vieux disque rayé.

Et moi, j'essaye en vain de la reprendre pour mettre sur mute.

Lassée, je pousse la couette et sors du lit. Une quarantaine de minutes plus tard, je suis déjà devant la porte d'entrée habillée, coiffée, et l'estomac plein. Je jette un coup d'œil sur mon portable : sept heures cinquante-neuf.

De toute façon, ce n'est pas comme si mon patron allait me reprocher d'arriver en avance.

J'attrape mes clefs et sors.

Avant, j'habitais à Elbeuf, dans la Seine-Maritime, je cohabitais avec ma mère et j'allais presque tous les jours me rendre à l'université de Rouen. Depuis, j'ai emménagé ici, à Evreux, où je peux aller travailler quasiment tous les jours sans devoir prendre de bus, de train, ou de voiture. Dix minutes de marche suffisent pour me rendre à l'hôpital de Navarre.

Je sens mon portable vibrer dans la poche arrière de mon jean. Je le sors et le déverrouille.

Bonne chance pour ton dernier jour de travail !

C'est Jaelyn, l'une de mes meilleures amies avec qui j'ai gardé le contact depuis la fin du lycée. On se dit presque tout, et elle est donc au courant que, dès ce soir, je vais prendre des vacances.

Aussi, c'est avec elle que je vais passer ces deux semaines de repos.

Je réponds rapidement à son message avant d'éteindre mon portable. La grande bâtisse se tient devant moi à présent. Je me rappelle la première fois que je suis venue ici, le bâtiment m'a tellement impressionnée ! Mais maintenant, j'ai pris l'habitude de le voir, et sa grandeur ne me fait plus aucun effet.

Une dizaine de minutes plus tard, je rejoins la salle de repos équipée de ma blouse blanche. C'est là-bas que les salariés se retrouvent lors des pauses. Mais, comme tous les matins, à huit heures, il n'y a pas grand monde.

-Bonjour, monsieur ! je salue le directeur.

Christophe Ackel, mon patron, me salue en retour, le sourire aux lèvres comme chaque fois qu'il me voit. Je crois bien que ce quarantenaire m'apprécie.

-Encore en avance à ce que je vois. Ça tombe bien, il faut que je te parle.

Je fronce légèrement les sourcils, mais lui fais signe de poursuivre.

-Je sais que tu devais prendre des vacances dès ce soir, mais...

Il marque une pause.

-Depuis quelque temps, l'hôpital manque d'argent, et on a dû renvoyer un bon nombre de salariés. Seulement, maintenant, nous sommes débordés. Ça m'arrangerait beaucoup que tu puisses nous aider.

J'ouvre la bouche, mais reste muette, incapable de prononcer un mot.

-Je sais, c'est injuste de te demander ça, mais...

-Ne vous en faites pas, monsieur. Je peux très bien reporter mes vacances à plus tard. je le rassure.

Je me frappe mentalement. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris d'accepter. À présent, il est trop tard pour revenir en arrière.

Jaelyn va me tuer.

-Merci, Marley ! Par contre, tu vas devoir t'occuper d'autres patients, en plus de ceux qui te sont attribués quotidiennement.

-Ah oui ?

Je sautille légèrement sur mes pieds, trépignant d'impatience. Cela fait longtemps que je n'ai pas eu de nouveaux patients.

Le directeur me tend un dossier que je prends avant de me souhaiter une bonne journée, et de partir vaquer à ses occupations. Une fois qu'il est parti, je m'installe sur un des nombreux fauteuils et ouvre le dossier. Je commence aussitôt la lecture des fiches, mais je me stoppe dès la première.

Nom : Aleksandar
Prénom : Danail
Âge : 31 ans
Sexe : masculin
Lieu de naissance : Sliven, Bulgarie
Trouble psychique : en cours...

Mes sourcils se froncent tandis que mes yeux relisent encore et encore la même ligne.

Merde, comment ça " en cours " ?

Neslomimiyat VulkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant