J'ai toujours eu un avis un peu vague sur le fonctionnement de la vie. Est-ce le destin ou la chance qui la fait varier ? Moi, je crois aux deux sans y croire. Les choses peuvent arriver pour une bonne raison, comme ça peut être le contraire. Mais si vraiment nous avons une destinée, j'ai un peu de mal à comprendre ce qu'il en ait.
Nous sommes en possession d'une formule afin de se débarrasser de la menace qui pèse pour nous, mais celle-ci nous barre actuellement la route avant même que nous ayons pu préparer l'injection.
Alors, sommes-nous donc destinés à débarrasser la Terre de cette infâme créature, ou tout simplement à crever comme des chiens ?
Danail me pousse derrière lui en grognant contre l'ennemi qui se tient seul au milieu du couloir. Chris nous bloque l'accès à la sortie. Il croise les bras sur son torse et nous toise, mécontent.
-Encore dehors ? Vous n'êtes qu'une bande d'emmerdeurs, ma parole !
Il secoue la tête.
-Tu connais pourtant les règles, Danail. Un métamorphe rebelle est un métamorphe mort. Vous auriez dû rester dans votre cellule improvisée.
Je sens les vibrations du corps de Danail contre mes mains lorsque celui-ci gronde plus fort.
-Az sum neslomimiyat vulk. Personne ne me dictera ce que je dois faire. déclare t-il avec fierté, les iris à moitié doré.
Puis il jette un regard attendri dans ma direction avant d'ajouter :
-À une exception près.
Les joues rouges, je cache mon visage contre le tee-shirt du loup. Cette déclaration est, certes, très mignonne, mais ce n'est réellement pas le moment pour ces choses-là.
-Très bien. Tu ne me laisses donc pas le choix.
Je m'écarte légèrement sur le côté pour voir Chris sortir une seringue de la poche de sa blouse. Il relève la manche de son bras droit. Il retire le capuchon de protection, approche l'aiguille de sa peau et lui fait transpercer l'épiderme de son membre. Mon rythme cardiaque augmente au rythme du piston qui pousse le liquide.
Nous sommes fichus.
Quelques secondes - qui nous paraissent interminables - plus tard, le corps de Chris se met à convulser. La seringue se fracasse sur le sol, l'aiguille brisée en deux dont une partie doit encore se trouver enfoncée dans sa chair. Les jambes du directeur se mettent à trembler, et finissent par ne plus tenir. Ses genoux rencontrent le carrelage sans douceur. Un crac retentit et son bras prend un angle anormal. Sa métamorphose vient de commencer. Je détourne les yeux, dégoûtée.
-Marley, va préparer l'injection, on risque d'en avoir besoin dans les plus brefs délais. Maël, accompagne-la. Nous, on va essayer de... le distraire. nous ordonne Danail, le teint livide.
Paniquée, je n'ose pas quitter Danail qui tonne aux autres de se transformer.
-Je ne veux pas te laisser ! Je ne veux pas que tu y laisses ta vie ! je lui crie, au bord de la crise d'angoisse.
À quelques mètres, Chris est à la fin de sa métamorphose. Son corps est velu de poils bruns, son nez s'est allongé et a pris la forme d'un museau de canidé, des crocs immenses et pointus brillent à la place des habituelles dents plates des humains et ses oreilles se sont étirées et dressées sur son crâne. Ses mains se sont changées en de monstrueuses pattes griffues, ses jambes se sont allongées et ont triplé de volume. C'est un homme voûté, poilu, très musclé, avec une tête de loup et des griffes.
Un véritable loup-garou se tient devant nous.
-Nous perdrons tous la vie si nous n'arrivons pas à le détransformer. souffle Danail qui tente de cacher sa peur devant l'homme-loup, sans résultat.
J'hésite. Je ne veux pas les quitter. Mais ils ont besoin de moi. Alors je fais demi-tour, Maël sur les talons.
Derrière nous retentit un hurlement puissant et bestial, trop différent de ceux des métamorphes pour être celui d'un loup de la meute. Nous courrons, Maël, moi et une petite boule de poils rousse, vers le laboratoire secret. Dans les couloirs retentit le bruit des impacts violents entre les loups qui se battent. Dans leur chambre, enfermés à double tour, les patients de l'hôpital s'agitent. Nous n'y prêtons pas attention. Nous descendons les escaliers qui mènent à la cave, passons la porte d'entrée du labo qui semble vide. Nous ne croisons aucun agent, aucun médecin. Nous n'entendons que les fracas du combat, les cris paniqués des patients humains de l'hôpital psychiatrique, et les plaintes des métamorphes enfermés dans ce sous-sol. Ce dernier constat révèle en moi un fait important.
Il faut libérer les métamorphes.
Comprenant mes intentions avant-même que je ne les énonce, Maël se porte volontaire pour se charger de cette tâche importante.
-Toi, tu dois surtout t'occuper de ce... truc qui ramènera ce... monstre à son état normal.
J'acquiesce et nous nous séparons, la petite Lylou sur les pas de mon ami. Je me précipite dans les couloirs, cherchant désespérément la salle où les autres médecins ont préparé les produits qu'ils ont ensuite injectés aux métamorphes.
Mais au détour d'un couloir, le plafond s'effondre. Un nuage de poudre blanche se répand dans l'air et me pique les yeux. Des grognements sauvages me parviennent aux oreilles. Lorsque le nuage se dissout, je vois l'ultime métamorphe, dressé devant moi, aplatir un loup au sol. Aussitôt, deux autres arrivent à sa rescousse. L'un des deux me remarque. Le loup gris aux yeux dorés me fait signe de déguerpir, ce que je fais.
Je m'engage au pas de course dans le couloir de droite. Un couinement retentit et le corps d'un loup brun file sous mes yeux, manquant de me balayer au passage. Le corps de l'animal se fracasse contre un mur à présent détruit. J'écarquille les yeux. Le mur révèle une pièce équipée du matériel de chimiste, tout l'équipement dont j'ai besoin. Je grimace en jetant un coup d'œil au combat acharné qui se déroule derrière moi.
Ils sont trop près, je risque de mourir avant d'avoir réussi à préparer la solution.
Une louve au pelage blanc cassé passe près de moi. Toute la meute a rejoint les autres au sous-sol. Reni me fixe, les crocs à découverts.
-Il n'y a qu'ici que je peux préparer le sérum, mais vous êtes trop près. La majorité du matériel est en verre, si vous le brisez, je ne pourrai plus rien !
Je ne sais pas si la louve me comprend. Elle secoue la tête et repart à l'assaut en poussant un hurlement.
Eh merde ! Il va falloir que je me débrouille seule on dirait.
J'entre dans la salle en passant par l'énorme trou dans le mur qui a été causé par le choc de tout à l'heure. Les mains tremblantes, je sors la feuille contenant les instructions à suivre. Je réunis le matériel nécessaire le plus vite possible et commence la préparation. Je ne prends pas le temps de m'équiper de gants et de lunettes.
Tant pis si ça me pète à la gueule.
De gestes rapides mais étudiés, je suis les instructions à la lettre. Au fond de la salle en face de moi, le mur se fracasse une nouvelle fois. Je sursaute, renversant quelques gouttes d'acide citrique sur la table en ardoise. L'ultime métamorphe atterri avec violence sur le sol, mais se relève aussitôt, la bave aux babines. Un métamorphe se jette sur lui, mais l'ennemi le balaye d'un coup de bras. Le loup se cogne contre un meuble en acier, secoue la tête, sonné, et repart au combat. Je remarque que les loups de la meute sont affaiblis, sévèrement blessés pour certains.
Ils ne tiendront pas longtemps.
J'essaie de continuer ma préparation sans leur prêter attention. La solution une fois prête, je la transvase dans une seringue. J'inspire profondément. Le sérum est terminé...
Maintenant, il faut lui injecter.
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Traduction :
Az sum neslomimiyat vulk = je suis l'indomptable loupÀ plus les loulous,
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Neslomimiyat Vulk
WerewolfMarley Seliní est psychiatre dans le nouvel hôpital de Navarre. Mais suite à quelques soucis professionnels, son quotidien est soudain bouleversé par la venue d'un nouveau patient. Danail lui répète qu'il est un loup-garou, qu'il n'est pas fou, et d...