Je reste une dizaine de minutes assise sur ce tabouret, à attendre, ne sachant que faire. Après avoir rejoué la scène dans ma tête plusieurs fois, à me questionner sur ce que j'ai potentiellement fait pour l'éloigner, je ne comprends toujours pas. Je veille en permanence à avoir une bonne haleine grâce au paquet de pastilles que je transporte. Je ne l'ai pas forcé à venir m'embrasser. Je n'ai pas eu de mains trop baladeuses, non pas que ça l'aurait gêné, je pense. Je ne vois vraiment pas pourquoi il m'a repoussé de la sorte. Et il ose me dire de l'attendre après ça ?! Il en est hors de question.
Honteuse, je me lève avec l'envie de quitter cette maison le plus rapidement possible. Je déteste me sentir rejetée et encore moins utilisée au bon vouloir de quelqu'un. Je traverse les différentes pièces, désertes. Une idée me traverse l'esprit. Je saisis mon appareil photo et leur vole quelques clichés de la maison, afin d'être sûre de pouvoir me souvenir de cet endroit si magnifique. Je regarde une dernière fois autour de moi avant de m'engouffrer dans le hall, presque à regret.
J'ouvre la porte et me retrouve à nouveau face à ce panorama exceptionnel que nous offre le lac aux galets, entouré de la forêt. Je suis bien tentée de me poser au bord de celui-ci, et d'en admirer la beauté mais mon envie de m'en aller domine largement toutes les autres. Je ne souhaite néanmoins pas rentrer. De toute façon, il me faudrait activer le GPS de mon téléphone, n'ayant aucune idée de ma localisation. J'entreprends donc de longer le lac et de m'engouffrer dans les bois. Après tout, j'avais quitté la maison en espérant prendre de nouvelles photos. Je ne vois pas pourquoi cela devrait changer. Je marche dans la forêt qui me semble si paisible. J'immortalise l'instant. Je hume lentement l'odeur fraîche de la nature. Cette marche me fait un bien fou et me permet d'oublier ce qui vient de se dérouler. Ici, à l'ombre, il fait frais et je frissonne. Peut-être aurais-je dû mettre autre chose qu'un short noir à taille haute assorti à un top bordeaux, et cela sans veste. Je regarde mes converses basses noires. Elles, au moins, me tiennent chaud.
Je continue d'avancer et découvre une sorte de petit pré, comme ceux près de chez moi. L'herbe y est rasée, et je ne vois aucune vache à l'horizon. J'escalade donc la petite clôture et avance jusqu'à atteindre son centre. Une fois là-bas, j'ôte mon sac à dos. Je ne me rendais pas compte qu'il pesait si lourd, je suis contente de m'en être débarrassée. Je l'ouvre, bois une gorgée d'eau, remets la bouteille et le referme. Je m'allonge ensuite, la tête posée dessus et observe les cumulus dans le ciel. Même eux me semblent être en cet endroit majestueux. Ils sont constitués de plusieurs couches, ainsi que de différents niveaux de blanc. Je me croirais presque face à une de ces peintures angéliques exposées au Louvre dans lesquelles les nuages sont constamment si imposants et gargantuesques... Comme ceux-ci. Ils passent lentement, le vent n'étant pas décidé à les chasser. Tant mieux, cela me permet de bien pouvoir les observer. Mais... mon manque de sommeil à raison de moi et mes paupières se ferment doucement. Du moins, jusqu'à l'interruption inopinée d'une voix sombre et profonde.
–Rebonjour.
Au bord de la crise cardiaque, je retiens un cri. J'ouvre les yeux au son de cette voix que je reconnaîtrais parmi des centaines. Je me rassieds et le regarde.
–Tu ne m'as pas attendu, me reproche-t-il.
Ses yeux bleu océan m'observent à nouveau, de la tête au pieds.
–La faute à qui ? osé-je répondre.
Il hausse les épaules et s'installe à côté de moi, si près que nos bras se frôlent. J'aimerais me reculer, briser ce contact qui me fait tant de bien. Or, cela me semble impossible. Comme deux aimants que l'on tente de séparer, ça requiert bien plus de force que ce que je n'ai.
–Il ne faut plus que ça se reproduise, déclare-t-il.
Mon égo en prend un coup. Je n'ai même pas envie de lui demander la raison de son changement d'avis, de peur de sa réponse.
–Pourquoi es-tu là alors ? Pourquoi ne veux-tu pas me laisser seule ? Qu'attends-tu de moi ?
Il me regarde en prenant de grandes inspirations. Face à son mutisme, ma colère monte d'un cran. Je me lève, incapable de gérer ma frustration.
–Puisque c'est comme ça, je m'en vais.
Il me rattrape au poignet, et mes yeux s'ancrent à nouveau aux siens. Comme la première fois, son contact me brûle mais d'une façon plus qu'agréable. Une fois de plus, j'oublie ses mauvais actes et je ne souhaite que sa bouche sur la mienne. Pour la première fois, ma fierté s'envole au contact d'un homme. Il tire sur mon bras, ce qui me fait tomber à califourchon sur lui. Il prend mon visage dans ses mains.
–Tu es magnifique Aemiliana. N'en doute jamais. Et s'il te plait, ne considère pas mes actes comme un rejet.
Mes yeux s'agrandissent. Les siens aussi. Je pense qu'il se rend compte de l'étendue de sa bêtise. Je ne lui ai jamais dit mon prénom. D'ailleurs, personne sauf ma famille proche ne le connait.
–Comment connais-tu mon prénom ?
Nos regards ne se quittent pas. Il baisse ses mains et les passe autour de ma taille, afin de s'assurer que je ne m'enfuisse pas.
–Je sais beaucoup de choses.
–Sur moi ?
–Sur tout.
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Mon ange [terminée]
RomanceEmmy, 21 ans, fraîchement diplômée, s'apprête à arpenter le monde à la recherche des plus beaux clichés de la nature. Elle a tout pour être heureuse : des parents attentionnés et en bonne santé, un diplôme dans le domaine qu'elle préfère, une belle...