Chapitre 12

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J'ai décidé de partir m'éclipser seule, près du lac afin de digérer tout ce flot d'informations. Je m'attendais à tout sauf à ça lorsque je lui ai ouvert ma porte l'autre jour. Aurais-je agi différemment si je pouvais revenir à ce moment-là ? J'aimerais vraiment dire oui mais cela ne me rendrait pas mes parents, je n'aurais eu personne pour m'épauler à travers cette terrible épreuve et... j'aurais été morte dans la semaine. Quoiqu'au moins, maintenant que je suis au courant, j'aurais été au paradis, en train de me la couler douce avec ma famille. Mais bon, de toute façon, les anges (déchus ou non) ne sont pas capables de remonter le temps.  Enfin... je crois. C'est donc inutile de se pencher là-dessus.

Je n'en reviens toujours pas. En l'espace de quelques minutes seulement, j'ai gagné un père lamentable qui veut ma mort, une mère décédée et j'ai découvert tout un monde dont j'ignorais complètement l'existence.

Arrivée au bord du lac, je m'y assieds. Ce paysage réussit directement à m'apaiser. Je m'oblige à prendre de profondes respirations, afin de diminuer mon rythme cardiaque élevé.

Je suis la fille d'un ange déchu à la tête d'une espèce de royaume d'autres anges déchus. Je ne comprends pas pourquoi il devrait me tuer, je n'en veux pas de son armée moi. Peut-être que si j'allais le lui dire, il me laisserait tranquille ? Sauf s'il a la gâchette facile. Étrangement, malgré tout cela, je me sens rassérénée. La présence de ces trois garçons, et du paysage qui nous entoure me procure une telle sensation de bien être que j'en oublierais presque les derniers évènements et ça, je ne m'en plains pas. Quelqu'un s'assied à côté de moi.

–Tu vas bien ? me demande Samaël.

Je l'observe et lui débite d'une traite :

–Je viens d'apprendre que mes parents n'étaient pas mes véritables parents. Que ma vraie mère est décédée et était un archange / ange déchu. Que mon vrai père est un ange déchu à la tête d'une grosse organisation que, je ne sais pour quelle raison, je suis censée reprendre à mes vingt-deux ans. Et qu'en plus de ça, c'était le mec en costume qui m'a poursuivie dans les bois. Tout va bien. Ma vie ne vient pas du tout de s'écrouler en quelques heures. Je pète la forme !

Un petit rire nerveux m'échappe. Je me demande comment je vais me sortir de cette situation inextricable.

–Pourquoi devrais-je être obligée de reprendre son armée ? Il y a un code de conduite d'une armée d'anges déchus ?

–Non. C'est encore une histoire compliquée à expliquer. Est-ce que tu es vraiment prête pour ça ?

–On n'est plus à ça près.

–Tu n'es pas sans savoir qu'il n'existe pas qu'une seule sorte d'anges.

Je fronce les sourcils.

–Bien sûr. J'avais cours sur les divinités entre mon cours de math et celui de français, lui réponds-je sarcastiquement.

Il lève les yeux au ciel et pose sur moi un regard désapprobateur.

–Donc, parmi les nombreuses sortes d'anges se trouvent ceux qui peuvent voir des bribes du futur. Un des bras droits de ton père était doté de cette capacité. Lorsque ta mère était enceinte de toi, il a eu une vision et l'a racontée à ton père.

–Et je suppose que c'était à propos de moi.

Il acquiesce.

–Dans sa vision, le jour de tes vingt-deux ans, tu tuais ton père et tu reprenais son armée.

–Ceci explique cela, conclus-je en m'allongeant.

Il exhale bruyamment, en même temps que moi.

–Il doit payer pour avoir tué mes parents. Mais son armée, il peut la garder.

Surpris, il me dévisage.

–Quoi ? lui demandé-je.

L'air contrarié, il m'adresse sèchement :

–Tu ne peux pas te venger. Si je suis là, c'est pour que tu passes le cap des vingt-deux ans sans mourir et ainsi contrer la prophétie. Si tu veux te venger, alors tu lui prouveras qu'il a raison et il t'éliminera. Et crois-moi, il le fera, Aemiliana.

Je me relève en m'époussetant.

–Tu ne m'empêcheras pas de venger la mort de mes parents.

Il lâche un petit rire.

–Tu ne te rends donc pas compte. Je dois te faire une démonstration de tous les pouvoirs que je possède en tant qu'ange déchu, en sachant que je viens de l'être et que lui, qui l'est depuis des centaines d'années, est mille fois plus puissant que moi juste pour te dissuader de la connerie que ça serait ? Tu n'es rien par rapport à lui. Une fourmi de plus à écraser dans son plan machiavélique.

Je dois admettre qu'il n'a pas tort.

–Mais... Il ne peut pas s'en sortir comme ça ! Pas après m'avoir pris les deux personnes qui m'étaient le plus cher !

Les larmes commencent à couler sur mes joues sans que je ne puisse rien y faire. La douleur revient en force. Je n'arrive pas bien à réaliser qu'ils soient bel et bien partis. Cela devrait pourtant un peu me consoler de savoir qu'ils sont tout de même bien lotis là-haut. Samaël se lève, s'approche de moi et m'enserre de ses bras. Je pleure à chaudes larmes. Je déteste être faible, surtout en compagnie d'autres personnes. Je me fais la promesse que ce sont les derniers pleurs avant un moment. Je me dois d'être forte. Je vais survivre à mes vingt-deux ans, et après, j'irai moi-même lui botter les fesses !

–Je dois rester chez vous jusqu'à la semaine prochaine alors ?

–Oui, murmure-t-il.

Je me décroche de lui et plante mon regard dans le sien.

–Es-tu sûr que je sois en sécurité ici ?

Il hoche la tête positivement, entoure mon visage de ses mains et me dépose un baiser sur le front.

–On rentre ? Il commence à faire froid ici, me propose-t-il.

J'opine du chef et je le suis en essuyant rageusement mes larmes. Nous faisons le trajet en silence. Arrivé à la maison, il ouvre la porte et se dirige vers le salon. Une fois dans la pièce, il s'arrête net et je lui rentre dedans. Il passe un bras autour de moi afin de me ramener derrière lui.

–Eh ! Qu'est-ce que tu fais ?

Au lieu de la voix séduisante de Samaël, c'est une voix plus profonde et sombre qui me répond. La même que j'en ai entendue ce matin, dans les bois.

–Bonjour, chère progéniture.

Je me fige instantanément dès que je me rends compte de qui il s'agit.

Mon ange [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant