" Comment te sens-tu depuis tout ce qu'il s'est passé avec Charles ? demandai-je à Jade avant de nous assoir sur les chaises de la terrasse.
- Bien, me répondit-elle en détournant le regard.
- Et si tu me répondais en étant honnête Jade, proposai-je . Je suis ta sœur, tu peux tout me dire. Ce qui est dit ici restera entre nous. Tu peux compter sur moi.
Elle leva les yeux aux ciel, jouant avec l'une de ses mèches de cheveux cachant avec rebellion une partie de son visage d'ange. Enfin, elle soupira et finit par avouer d'une voix brisée :
- Je me sens perdue. Et détruite. La nuit, je revois son visage, je l'entends crier. Et j'ai peur. Quand je me douche et que je contemple mes plaies, je me sens fragile et rien que le frottement du savon contre ma peau me fait mal. J'ai peur d'être cassée pour toujours. Je le suis Elisa ?
- Non, bien sûr que non, approuvai-je bouleversée par ses mots. Tu n'es ni cassée, ni bizarre. Tous ses sentiments sont normaux et passagers. Moi aussi, je pensais être détruite pour toujours tu sais ? Et puis, j'ai appris à me reconstruire, petit à petit. Et plus le temps passait, plus les failles dont je pensais être une faiblesse sont apparues comme une force. Et même si des fois la lumière ne transperce pas les entailles, elle mérite que l'on se batte pour aller la chercher. Le temps est ton allier Jade. Il faut que tes plaies physiques et mentales prennent le temps de cicatriser et le meilleure remède pour cela, c'est justement le temps. Peut être que cela mettra des semaines, des mois voir même des années mais lorsque tu seras reconstruite, tu verras que tout ce temps que tu auras passé pour te renforcer ne sera que du bonus. Crois moi.
- Je te crois, assura t elle. Mais qu'est ce que je fais maintenant ? Est ce que souffrir fait partit de cette thérapie ?
- Bien sûr que non ! Je pense que cette partie là, tu l'as déjà bien connue. Une fois que tout ce désastre sera passé et lorsque tu seras prête, je t'emmènerai parler à quelqu'un. Un professionnel qui te permettra d'avancer.
- Mais je ne suis pas malade, déclara t elle
- Mais tu n'es pas obligée d'être malade pour demander de l'aide.
- Tu as raison, reconnue Jade. Merci pour tout Elisa. Tu ne répèteras rien aux autres hein !
- Non, c'est promis.
Elle me tendit son petit doigt. Je mimais le geste et nous nous serrâmes l'auriculaire en signe d'accord. Ma petite sœur avait les larmes aux yeux. Elle me prit dans ses bras et me murmura au creux de l'oreille:
- Je me réparerai avec toi."
Puis elle s'en alla, séchant ses larmes. Je me levais de ma chaise et partit retrouver Agathe au fond du jardin. Un sac poubelle à la main, celle ci s'apprêtait à désherber la plante donnant naissance aux fleurs de Lysis. Je lui filais un coup de main puis il fut temps pour Maxence et moi de partir se cacher en forêt. Le cœur battant, nous répétâmes pour la énième fois le plan avant de nous séparer. Personne n'était réellement sûr de ce qui allait suivre. Et si Charles devenait trop violent ? De plus, la vision que j'avais eu le matin même sur le banc me hantait l'esprit. Si quelqu'un devait mourir, il mourrait tout à l'heure. Je fis une accolade à ma famille puis nous partîmes en direction du manoir. Maxence, concentré, tenait à la main un marteau avec lequel nous étions censés détruire la puissante machine. Le soleil commençait à se cacher derrière les montagnes, ne laissant qu'une simple brise fraiche animant les feuilles dansant sur leurs branches. La forêt nous paraissait si familière à présent que même le cri persan d'un lointain animal ne nous effraya pas. Nous continuâmes à avancé sagement sans que quelqu'un ne dise mot. Alors que le manoir n'était plus qu'à quelque mètres de nous, je sentis la main de Maxence rejoindre la mienne. Je demandai :
" Il faut continuer d'avancer où c'est ici ?
- On va s'arrêter là. Lâcha t il essoufflé"
Il m'entraina derrière un arbre, loin du chemin autrefois emprunté, puis commença la garde. D'interminables minutes s'écoulèrent avant l'arrivée de Charles, me faisant regretter l'idée d'avoir vulu venir s'avancer dans les bois en avance. Voyant mon impatience fasse à cette longue attente, Maxence me répéta :
" On l'a fait pour qu'il y ait le moins de danger possible. Tu peux tenir. Je crois en toi."
J'hochai la tête en signe d'approbation puis le silence revint. Le soleil avait laissé sa place à une pleine lune plus menaçante que jamais. Le ciel était d'une obscurité totale. Sans nuage. Seules les étoiles dansaient dans le ciel. Combien de temps s'était-il écoulé sans que je n'ai eu à les contempler ? Trop longtemps... Ça, j'en avait la certitude. A l'instant ou j'allais m'assoir dans l'herbe fraiche, une silhouette se dessina dans l'obscurité. Je me relevais aussitôt et fus poussée par une dose intense d'adrénaline. Maxence fixa l'homme et approuva d'un hochement de tête. Il s'agissait bel et bien de Charles. Mais Maxence ne s'arrêta pas dans ses imitations. Il me fit les gros yeux et, avec sa main gauche, il mima un pistolet. Charles était armé et sa démarche déterminée me laissa penser qu'un désastre allait vite se dérouler. Nous attendîmes dans le silence le plus complet, attendant qu'il parte plus loin. Mon cœur tambourinait si fort que j'eus peur que Charles ne l'entende. Puis, au bout d'un certain temps, nous reprîmes la route en courant. Il fallait faire vite. Très vite. Puisque Charles était armé, nous pouvions avoir la certitude que le danger était plus que présent. Nous étions tellement pressés qu'une douleur aiguë fit son apparition dans mon ventre. J'avais une crampe. La douleur m'empêchait même de respirer mais je ne pouvais pas m'arrêter maintenant. Petit à petit, Maxence ralentit et nous pûmes apercevoir le fameux manoir de Continbourg. Nous entrâmes dans le vieux bâtiment humide et sale. L'odeur était nauséabonde et le sol grinçait sous nos pieds. L'endroit était bien plus abimé que la fois ou j'avais sauvé Jade. La moisissure avait recouverte l'entièreté de la tapisserie et du parquet. Nous avançâmes dans le noir complet, cherchant à tâtons des poignées pour ouvrir les différentes portes. La première fut Maxence qui l'a trouva, sans succès. La machine n'était pas là. L'aiguille de ma montre tournait inlassablement. Je pris alors la sage décision de m'aventurer seule dans le bâtiment. Le grincement du parquet abimé et le craquement des murs souffrant sous cette encombrante moisissure me donnèrent la chair de poule. A chaque mètre, ma tête s'agitait à droite, à gauche, guettant la source de ma peur. Soudainement, une douleur me transperça la chair de mon bras, me tirant les larmes des yeux. D'un geste reflexe, ma main vint se poser sur ma plaie. Un liquide chaud dégoulinait le long de mon épaule avant de s'échouer goutte par goutte sur le sol. Je tâtais de mon autre main l'objet m'ayant transpercé la peau. Celle ci se posa agilement sur une surface glacée aux aspects arrondies. Les bordures de ce fameux dôme de fer étaient coupant comme du verre.
Le sang dégoulinant toujours, je tournais l'objet de la même manière que pour ouvrir une porte. Un clic sonore retentit et résonna dans l'espace vide. Par un coup de chance ultime, lorsque je poussais le dome, une porte s'ouvrit. Je m'aventurais dans cette pièce, les poings et la mâchoire crispées par la peur. Des frissons parcoururent l'entièreté de mon corps. Je collais ma main contre le mur et avançais le long de celui ci lentement, de peur de me cogner contre la machine. Ma blessure continuait de saigner inlassablement. Ma main coulissait contre le mur froid de cette pièce monochrome. Je n'entendais plus Maxence. La simple mélodie lassante de mon souffle s'échouant dans l'air brumeux du soir faisait vibrer mes tympans. Un de mes pieds percuta une sorte de meuble. Je m'arrêtais net et utilisais mon sens du toucher, essayant une fois de plus de visualiser la chose qui venait malencontreusement de me percuter. Le volume était semblable a celui d'un frigo. Une plage avant siégeait contre le meuble. Mes doigts effleuraient eux aussi la surface. Une sorte de dessin était encré dans la matière, formant un creux de quelque millimètre dans celle ci. Le doute se réveilla et j'interpellais Maxence, dont je n'avais pas eu de signe de vie depuis de longues minutes déjà. Son nom résonnait dans l'habitacle mais je n'avais aucunes réponses de sa part. Le sol était étonnement silencieux. Pas le moindre signe de vie de mon copain. J'avais beau répéter son nom en hurlant de plus belle, Maxence n'apparaissait pas dans l'encadrement de la pièce. J'avais laissé mon copain tout seul et je l'avais livré à la mort. A cette pensé, mon poing heurta l'un des quatre murs m'entourant. La rage prit possession de mon petit corps. La douleur physique et mentale se mêlèrent et je m'accroupis au sol, entourant mes bras autour de mes genoux. Ma tête se posa dans le creux de mon corps, permettant a celui ci de former une sorte de boule. Les larmes dévalaient sur mes joues transpirantes. Des tremblements me faisaient grelotter. L'espoir était partit. Loin. Très loin...
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Les enfants au médaillon d'argent
AdventureUn meurtre, un médaillon d'argent, des inscriptions mystérieuses et deux familles un peu différentes des autres. Mais, quel est le point commun entre tous ces mystères ? Que cache cette étrange famille et qui est ce jeune garçon ayant lui aussi soif...