Chapitre 20

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Un bruit perçant me tira des bras de Morphée. La tête engourdie, je me retournais pour en percevoir l'origine. Ma tante c'était infiltrée dans notre chambre, deux appareils à la main. Voyant que j'étais réveillée, celle ci s'approcha de moi :

" Tiens Elisa, me dit elle en me tendant l'objet, voici ton talkie walkie. J'ai fait des essais et tout fonctionne à merveille. Je vous ai branché sur la même fréquence donc tout est bon. Je te le pose a côté de ton oreiller. Fais de beaux rêves, à demain.

- Merci, bonne nuit, susurrai je encore dans mon sommeil"

Je l'entendis vaguement discuter avec Maxence puis elle repartit. Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était mais à en juger par le "fais de beaux rêves" lancé par ma tante, il devait être encore tard. La tempête s'était calmée. Ne restait seulement que de gros nuages noirs par parcimonie. C'est sous ce silence harmonieux que je me rendormie.

Je tournais la tête à gauche, à droite afin de détenir l'origine de ses cris qui bourdonnaient dans ma tête. De lourdes paroles virevoltaient dans mon coeur et d'un seul coup, plus rien. Le néant. Etais je partie ? Je ne voyais rien, ne ressentais rien mais surtout, je ne savais rien. Je restais encore et encore seule, dans l'obscurité pure et dure...

Une secousse me réveilla de mon cauchemar. La sueur dégoulinait le long de mon front. A ma grande surprise, un amas de personnes logeait tout autour de moi, la mine noircit d'inquiétude. Lorsque ma tante s'aperçut de mon réveil, celle ci se précipita à mes côtés. Elle tenait un verre contenant une substance de couleur trouble. Agathe me tendit son verre et me dit précipitamment :

" Tiens, bois ça d'une seule traite !

- Qu'est ce que c'est ? Demandai-je intriguée par cette couleur détestable.

- Un remède contre les vomissements. On ne sait jamais."

J'approchais dangereusement le verre aux bords de mes lèvres et y but la matière sous les regards admirateurs de mes compagnons. La saveur était extrêmement amère et avait la même substance que de la boue. Lorsque je finis de boire, une grimace se dessina sur mon visage. Alors que Tom rigolait de mon expression faciale, ma tante me lança, inquiète :

" Qu'est ce que tu as vu ?

- Rien. Répondis je

- Comment ça, rien ? renchérie t elle étonnée

- Je n'ai rien vu."

Rien. Rien était en effet le bon mot pour désigner mon rêve. C'était ce rien qui décrivait le tout. C'était également ce mot qui désignait mon état intérieur. Rien. Comme vide. A voir la tête de ma tante, celle ci n'avait pas l'air de me croire. Elle me laissa tout de même tranquille sur ce sujet et repartit se coucher. Mes camarades firent pareils et nous tombâmes à nouveau dans un profond sommeil. 

Cette fois ci, la raison de mon réveil était bien la bonne. C'était l'heure. L'heure de se battre. J'avais la gorge nouée ce matin : le stress, rien de plus. Jade me manquait tellement que si j'avais pu, je serai directement partie. Or, les risques étaient majeurs et comme l'avait dit Tom hier, nous ne voulions pas d'autres blessés. Je me levais en silence et m'enfermais dans la salle de bain. Je contemplais mon reflet dans le miroir un long moment avant de me rendre compte que l'heure tournait et qu'il fallait que je me dépêche. J'enfilais des vêtements propres, me lavais le visage ainsi que mes dents, nouais mes cheveux en une queue de cheval puis sortis de la salle de bain enfin prête. Lorsque je descendis les marches du château, tout le monde se tut. Cette absence de parole me mit mal à l'aise. Je déclarai alors :

" Bonjour, vous êtes prêts ?

- Oui, on attendait plus que toi. Me répondit mon frère."

Après avoir répété maintes et maintes fois le plan, nous étions enfin prêts à partir. Agathe nous accompagna jusqu'à la porte et nous glissa, les larmes aux yeux :

" Soyez prudents. Ne vous mettez pas en danger, je vous en supplie. Je suis obligée de rester à la maison pour m'occuper de Tante Lydia mais en cas de problème, connectez-vous à la fréquence 70.7 et je viendrai vous aider. Je vous aime fort."

Suite à cette parole, nous nous enfonçâmes dans la forêt endormie. La lune était toujours cachées par les épais nuages d'après tempête. Cette absence de lumière rendait l'atmosphère encore plus lugubre. Au bout de quelques minutes de marche, Noé s'arrêta. Il se retourna vers nous et susurra, d'une voix quasiment inaudible :

" C'est ici."

Le bâtiment n'avait rien d'exceptionnel. Il était vieux, en ruines et paraissait sale. Je ne pus m'empêcher de penser que, malgré son apparence, ce bâtiment débordait d'histoire. Noé s'approcha de moi et me demanda :

" Prête ?

- Prête, lui répondis je"

Maxence me lança un regard inquiet avant de me dire :

" Sois prudente.

- Je le serai, conclus je"

Je suivis mon cousin jusqu'à l'entrée du bâtiment. L'adrénaline battait son plein. Noé s'arrêta soudainement, me montrant la sortie de secours. La porte était en bois et tout comme le reste du bâtiment, elle était cassée. Maxence, qui se chargeait de faire le garde sur cette partie de la façade, s'arrêta là. Je pris une profonde inspiration et continuais d'avancer. Des frissons parcouraient mon corps. La brise matinale, rien de plus. Nous atteignîmes la façade sud de l'édifice et trouvâmes la fameuse porte d'entrée. Jumelle à celle de la sortie de secours, celle ci était toute aussi vieille. Noé hocha la tête en signe de départ et je poussais délicatement la porte. Un bruit strident s'échappa de celle ci. Je m'arrêtai, pétrifiée, et me retournais vers mon cousin. Après avoir trouvé un peu de réconfort dans son regard, je poussais encore plus délicatement la porte. Un vent glacé me submergea. Une odeur d'humidité empestait la pièce. Les toiles d'araignées recouvraient les murs et la moisissure rongeait le parquet. Avec prudence, j'avançais. Aucun bruit ne se faisait entendre. Comme prévu, Noé s'occupa de vérifier les deux dernières salles de la rangée de droite tandis que moi, je m'enquis de vérifier l'unique salle de la rangée de gauche. Le talkie walkie caché dans ma poche, j'entrais dans la pièce. Je ne voyais rien. La pièce était plongée dans l'obscurité totale. Je chuchotai :

" Jade, tu es là ?"

Aucune réponse, aucun signe de vie. Je rebroussais mon chemin lorsque je vis Noé, tout aussi dépité de ne rien avoir trouvé. A présent, il ne restait plus que deux pièces à explorer. J'ouvris alors la porte menant à la salle du fond, priant pour que ma soeur soit à l'intérieur. Un sentiment de danger se joignit à mon angoisse. Je ressentais le danger. Le médaillon surchauffait contre mon cou mais je ne fis rien pour stopper cette douleur. La pièce dans lequel je venais de m'infiltrer était grande et vide. Ou peut être pas. Une forme était pliée sur elle même, éclairée par la lumière extérieur, filtrée elle même par un petit trou dans le mur.

" Jade ? L'appelai ai je à haute voix" 

La forme releva la tête. Je courus en direction de ma soeur et la pris dans mes bras. Avec ses mains attachées dans son dos, ses pieds enlacés et sa bouche scotchée par un épais adhésif, celle ci avait mauvaise mine. Je fus notamment alertée par son inquiétante maigreur. En effet, Jade avait maintenant l'aspect physique d'un squelette. Où était passées ses grosses joues bien dodues qui lui donnaient son charme naturel ? Mais surtout, où était passé son sourire si enfantin et innocent ? Son regard terne laissait percevoir une dure réalité, celle de la terreur, de la douleur et du coeur brisé. Le seul espoir sur lequel je pus compter était celui de ses larmes de joie qui perlaient le long de ses joues creuses. Seul indice m'indiquant qu'elle était toujours en vie.  



Les enfants au médaillon d'argentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant