Chapitre 12

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Nous emboitâmes le pas, hystériques à l'idée d'avoir enfin passé cette première étape de notre long périple. Une rangée de sapins nous indiqua la fin de la forêt. Nous franchîmes cette barrière et atteignîmes la fameuse clairière. Je m'approchais en courant et bus une longue gorgée de son eau, d'une clarté éblouissante. Le liquide rafraîchit l'intégralité de mon corps et me remplit d'énergie. L'eau était si claire qu'elle laissait apercevoir les nombreux poissons, peuplant son territoire. J'aurais beaucoup aimé laisser mon corps se ressourcer lui aussi mais le temps passait et il fallait traverser le cours d'eau le plus rapidement possible. C'est alors que Pauline s'avança vers moi, m'annonçant :

- Je vais fermer la marche. Occupe toi de tracer ta route. Rien ne doit t'arrêter. Si les membres de la CEP nous arrêtent, promet moi de continuer à avancer. Ne te retourne surtout pas.

- C'est absurde, déplorai-je. Il est hors de question que je vous laisse tomber.

- Il le faut Elisa, intervint soudainement Maxence. Si tu étais la dernière en vie ou, du moins en capacité de détruire celui qui a déjà tout détruit, promet moi de tous nous venger.

- Vous resterez avec moi, c'est tout, conclus-je d'un ton autoritaire qui les rendit bouches bées."

Avant qu'ils ne puissent renchérir, je m'enfonçais dans la rivière, l'eau remontant jusqu'à mes genoux. Le courant m'attirait sur le côté mais je résistais, bloquant ma respiration à chaque avancée. Mon équilibre devenait instable en raison des nombreux rochers, dérapant sous mes pieds. La posture que j'épousais était ridicule, j'en étais consciente, mais au dépit de mon manque d'équilibre, c'était le seul moyen pour moi d'éviter la catastrophe. Mon rythme cardiaque s'accéléra au moment ou je me retournais, prenant conscience que l'on était au milieu de l'eau, seuls. Maxence s'écria :

- Ne te retourne pas Elisa !

- J'essaie, lui lançai je."

Je fis une pause d'une demie seconde, l'histoire de reprendre mon souffle. Certes la terre ferme était encore bien loin de nous mais il était devenu impossible de faire marche arrière. Cela prendrait trop de temps. L'eau remontait de plus en plus, s'attaquant à mon bassin. J'eus une lourde pensée aux jumeaux, dont la source devait maintenant s'attaquer à leurs poitrines. Une forte envie de me retourner me parcourut l'esprit mais je me rétractais aussitôt lorsque j'aperçus au loin des épis de blé, d'un jaune d'or. Un sourire se dessina sur mes lèvres. J'accélérais le pas lorsqu'un cri hystérique retentit. D'un geste réflexe, je tournai la tête en arrière et aperçus un homme s'avançant à une vitesse folle dans le courant. Je lui donnais 40 ans minimum. Je me mis à penser qu'il s'agissait d'un des membres de la CEP, près à nous emmener chez nous mais, en me retournant, je vis qu'il n'était pas vêtu de leurs habituelles blouses blanches, mais de simples habits. Cela ne pouvait pas être eux et pourtant, il nous voulait du mal. Je le ressentais. Je courais presque, dans l'eau devenue semblable à une tornade. Mes jambes fléchirent sous le poids de mon sac à dos et je tombais à la renverse, buvant la tasse. Mes poumons crachotaient et l'eau dévalait de mes narines. Je ne ressentais plus rien à présent. Mes jambes étaient tellement lourdes qu'elles couraient toutes seules, en un mouvement mécanique. Sous les cris de panique de mes compagnons, j'avançais la larme à l'oeil. Je savais que quelque chose de grave était en train de se passer juste derrière moi mais je m'interdis de me retourner. On me l'avait interdit. Mes larmes se mêlaient à l'eau glacée de la rivière. La terre ferme était à quelques mètres de moi à présent et le seul espoir auquel je me raccrochais était celui du bruit de pas qui ralentissait petit à petit derrière moi. 

Les deux pieds posés sur la terre ferme, je m'écroulais au sol, crachotant comme un fumeur. Mon souffle était irrégulier mais je ne m'en préoccupais pas. Je me retournais et aperçus Maxence, Pauline, Maxyne et Tom en pleurs. Ma tête s'agitait, cherchant Jade du regard. Maxence désapprouva de la tête et un goût d'amertume me remonta à la gorge. Je me tournais sur le dos et couvrit d'hémoglobine le sol rocheux. Mon ami s'agenouilla à mes côtés et me prit dans ses bras, séchant mes larmes et me murmurant ses plus plates excuses au creux de mon oreille. Il m'expliqua, haletant :

" Je suis désolé Elisa, il l'a emporté de force.

- Qui était ce ?

- Je ne sais pas. Pas un membre de la CEP en tout cas, poursuivit il, je crois que c'était une autre personne. Une personne qui nous voulait du mal. 

- Pourquoi ? 

- Je ne sais pas. Il a prit Jade comme ça, sans rien nous dire de plus. J'ai essayé de l'aider mais il était bien trop fort.

- C'est un cauchemar, déplorai-je

- Je te promet qu'on la retrouvera, tenta Maxence de me réconforter.

- Comment, m'énervai-je, on a aucuns moyens de la retrouver !

- Ne t'inquiète pas, il reviendra. Je ne pense pas qu'il voulait juste Jade. 

- Je suis la pire des grandes sœurs irresponsables, me lamentai-je.

- Non Elisa, ajouta Maxyne. C'est moi la grande sœur irresponsable, pas toi.

- C'est la faute de personne les filles, renchérit Tom la mine noircie par la peur. Cet épisode devait arriver et je connais Jade plus que personne d'autre sur Terre, c'est une battante, une guerrière. Elle s'en sortira, j'en ai aucuns doutes. Mais le chemin n'est pas finit, il faut continuer notre périple."

Un sourire fier se dessina aux coins des lèvres de Maxyne. Pauline nous regardait, les larmes dévalant sur ses joues. Elle ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose mais la referma aussitôt, voyant Maxyne et Tom se blottir contre Maxence et moi. Elle se joignit à nous. Mes sanglots cessèrent et nous décidâmes de continuer la route. Les épis de blés recouvraient l'entièreté de mon corps. Nous avançâmes sans dire un seul mot, le cœur lourd et la tête remplie de remords. Malgré la peine, il fallait que nous avancions. C'était la seule solution. Nous ne savions pas pendant combien de temps Jade resterait en vie mais nous ne savions pas non plus quand aurions nous la même opportunité de se rapprocher autant du tueur. Le soleil ressortait petit à petit des nuages et les insectes nous sautaient dessus à la moindre occasion. Je priais pour que cet enfer prenne fin quand tout à coup, la montagne apparue, plus verte que jamais. Elle était d'une taille plutôt moyenne se qui signifiait que nous atteignions la fin du voyage. Gravir celle ci était l'avant dernière étape. Pauline s'arrêta et nous expliqua:

" Il faut que vous vous changiez sinon les gens du village vous reconnaîtrons. J'ai pris quelques accessoires. Tenez !"

Elle nous tendit de nouveaux vêtements, plus aptes à se fondre dans la masse ainsi que des perruques. Nous les enfilâmes et reprîmes la route pour la dernière fois aujourd'hui. Mes cheveux étaient devenus d'un blond scintillant. Mes camarades rigolèrent un long moment, prétendant que la perruque me donnait une drôle d'allure. La montée était difficile à gravir mais je mettais tout de même la totalité de mon énergie pour en voir la fin. Le village apparut petit à petit, après une bonne heure d'effort. Nous étions tous au bord du malaise. La perruque me chauffait la tête et me grattait le haut du front. Soudain, on pouvait apercevoir des tas de maisons mitoyenne construites à base de pierres. L'ambiance était calme, paisible. Tom lut dans mes pensées et déclara :

" On dirait Orphésya."




Les enfants au médaillon d'argentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant