𝟝𝟘

274 18 46
                                    

Son teint devient tout pâle, livide, et elle déglutit. Elle pince l'arête de son nez avec ses doigts et des petites rides se creusent sur son front.

— J'ai... J'avais seize ans, j'étais seule, mes parents n'avaient rien... J'étais incapable de subvenir à mes besoins et encore moins à ceux d'un enfant. J'ai beaucoup hésité mais... Je pensais t'offrir une meilleure vie de cette manière.

Je fronce les sourcils. Mon estomac me brûle. J'ai l'impression que mon corps va exploser dans ma poitrine.

— Une meilleure vie ?

Mon pouls s'accélère. J'ai la respiration courte. Alexie tourne la tête vers moi et ses yeux bleus cherchent les miens. J'ai chaud, j'ai froid.

— Noah, respire, me dit-elle doucement.

Je secoue la tête en passant ma main libre sur mon visage. Mon sang boue. J'ai envie de retourner la table et de casser les trois verres qui sont dessus. Elle ne me répond pas et baisse les yeux.

— C'était qui mon père ?

J'ai les mains moites et la gorge sèche. J'ai envie de partir. Un léger sourire étire ses lèvres et elle prend une profonde inspiration.

— Tu lui ressemble tellement... Il s'appelait Alexandre, il était magnifique. Je l'ai rencontré en vacances et on a passé nos deux mois entiers ensemble. On était jeunes et pourtant, on s'est aimés très fort. Puis il est reparti chez lui et moi chez moi. Et je me suis rendu compte qu'il ne m'avait pas laissé seule. J'étais pas prête à m'occuper de to, je voulais t'assurer le meilleur avenir, murmure-t-elle.

— Un meilleur avenir ? Pour vous ou pour moi ?

Ses lèvres s'entrouvrent mais aucun son n'en sort. Mon poing tape contre la table. J'ai du mal à respirer.

— Je suis pas tombé dans une famille de parents aimants qui souhaitaient juste avoir un enfant. Je suis pas tombé sur les parents adoptifs parfaits. J'ai pas eu l'enfance que je méritais. Alors j'aimerais bien savoir, il a ressemblé à quoi votre avenir, votre vie après m'avoir abandonné dans un putain de foyer ?

Elle soupire et passe ses deux mains sur son visage.

— Je pensais bien faire, souffle-t-elle.

Je secoue la tête et mon poing se resserre sur lui-même si fort que mes ongles s'enfoncent dans ma peau.

— Répondez-moi.

Elle relève la tête vers moi

— Pour... Pour tout te dire, j'ai... Je me suis marié et j'ai eu trois enfants.

Je ris nerveusement en fronçant les sourcils. À côté de moi, Alexie ferme les yeux quelques secondes. L'air coupable, elle les ouvre de nouveau et regarde en face d'elle.

— Des enfants ? demandé-je.

Elle hoche la tête et j'ai envie de vomir. Mes oreilles bourdonnent. Je ne peux pas y croire. Pourquoi ne pas m'avoir gardé si c'est pour fonder une famille par la suite ? Parce que j'allais la ralentir. Parce que j'allais lui gâcher sa vie. Alors il valait mieux gâcher la mienne.

Si Alexie n'avait pas été là, je serais déjà parti depuis longtemps. Mais elle est là, ses doigts enlacés dans les miens et elle croit en moi. C'est bien la seule.

— Et vous vivez dans un petit pavillon avec le jardin et la piscine, c'est ça ? Et votre mari, il est quoi ? Comptable, avocat, ingénieur ?

— Médecin, rectifie-t-elle en baissant les yeux.

loving can hurt | tome unOù les histoires vivent. Découvrez maintenant