Elle-Rhyne est une espèce d'ange extrêmement rare. Le Conseil Céleste ne peut la laisser en liberté, alors ils lui retirent la seule chose qui lui permet d'utiliser ses dons et l'envoie à l'Académie des Anges pour être certains de garder un œil sur...
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Échec et mat.
Un garde stoïque, à l'allure redoutable se tient devant l'Academie à moitié réduite en cendres. Un énorme nuage de fumée noire plane au-dessus de nous, gonflant sous les murmures des élèves. Le matin n'a toujours pas pointé le bout de son nez, mais ma petite crise de folie les a tous sortis du lit. Sur mon chemin, je peux entendre les élèves et professeurs encore en pyjama jurer tandis qu'ils me fusillent du regard. « Monstre », « bête de foire » et « démon » sont les insultes les plus récurrentes.
Niels nous crée un chemin parmi ma foule d'admirateurs en marchant d'un pas vif. De toute évidence, j'ai dû faire du grabuge La-Haut. Lorsque je sens soudainement un grésillement sur ma peau, je me rends compte que nous avons passé un champ de force.
Nous ne sommes pas tout à fait au Paradis, mais plus dans une sorte d'entre-deux. Un lieu suspendu entre le Purgatoire et le Paradis. C'est ici que sont enfermés les anges noirs en attendant d'être envoyés à l'Académie des Anges ou bien en enfer. Et c'est également dans cet endroit qu'errent les âmes égarées, envieuses de retourner sur terre.
En balayant le paysage du regard, je constate que tout est toujours exactement comme dans la dernière visite. Allant des montagnes où sont enfermés les anges noirs, à la plaine où se déplacent au ralenti des silhouettes éthérées représentant les âmes humaines. Je sais qu'elles agissent en bien dans l'espoir d'être réincarnées et renvoyées sur terre. Il arrive que certains humains préfèrent leur vie de mortelle à celle du Paradis, mais tous n'ont pas l'opportunité de retourner sur Terre. Les places sont limitées chaque siècle. Alors, ils sont envoyés ici en attendant d'être appelés pour une réincarnation.
Je n'ai jamais été autorisée d'approcher les âmes. Les gardes doivent croire que je m'empresserais de les informer qu'elles gâchent leur temps à essayer de plaire à des créatures divines qui n'ont aucune idée de comment vivre une vie normale.
Niels et moi rejoignons Brell, le chef de la Prison. Tout comme Niels, il porte une longue tunique bleu nuit qui ne cache pas grand grand chose de leur musculature et de leurs ailes majestueuses. Le pouvoir irradie en vagues de Niels et Brell, au point que n'importe quel être surnaturel pourrait le sentir. Et le plus jouissif, est le fait que je les terrifie. Les regards en biais qu'ils me lancent, leurs ailes repliées dans leurs dos, et leurs mains posées sur le manche de leur arme les trahissent.
— Elle est à vous, déclare Niels. Faites attention, elle est un brin plus sauvage qu'auparavant.
Je connais la procédure. Les bras tendus, j'offre mes mains à Brell pour qu'il me passe les chaînes.
— Je ne suis pas inquiet, répliqua Brell, me prenant par le bras. Nous avons nos propres méthodes pour la garder sous contrôle.
Je dois lutter contre l'envie d'échapper au contrôle de Brell. Je dois montrer patte blanche auprès des anges tant que je n'arrive pas à mes fins.
Les yeux bleus de Niels tourbillonnent paresseusement.
— Ah, c'est vrai. Vous préférez les paralyser pour qu'ils ne puissent même pas répliquer. Ce qui rend les choses bien moins amusantes.
Les anges sont plutôt ennuyeux. Même en ce qui concerne la torture.
— C'est plus efficace, rétorqua Brell. Certains d'entre nous ont des tâches plus importantes à accomplir que torturer des Bâtards.
— Bonne chance, dit Niels avant de se détourner et de retourner vers les montagnes.
Je serre les dents, sachant ce qui va suivre. Le sol spongieux s'écrase sous mes pieds alors que nous traversons une zone ouverte vers un bâtiment blanc nacré. Il rappelle l'architecture romaine et est tout seul, il n'y a rien autour. Je sais que la structure est bien plus vieille que celles qu'on retrouve sur terre. Il n'a pas l'air si grand vu de l'extérieur, néanmoins mes précédentes visites m'ont montré que l'intérieur est disproportionné.
Nous montons les marches de l'entrée et passons sous l'ouverture d'une arche. Il n'y avait pas de portes. Je me doute que les vols et le vandalisme ne sont pas un problème ici. Les murs blancs interminables, à la fois dedans et dehors, me donnent la migraine. Le simple manque de couleur et la lumière irradiante (qui semblait venir de nulle part) me font mal au crâne.
Brell me guide vers un banc de marbre installé au milieu d'une pièce caverneuse. Il récupère une paire de chaînes fixée au sol et commence à attacher mes jambes. Elles sont faites du même métal que les menottes qui retiennent mes poignets. Je peux sentir diminuer encore le peu de pouvoir qui est né en moi. Ma poitrine se sert, comme pour essayer de le garder en moi.
Le retour de mes pouvoirs doit être la raison pour laquelle ils prennent toujours des mesures de précaution supplémentaires. Je dévisage les cinq anges, quatre hommes et une femme, rassemblés derrière une table de marbre devant moi. Mes yeux se posent sur Nesta. Pas de sourire charmeur, ni de clin d'œil complice comme la dernière fois que nous nous sommes vues. Non. Cette fois-ci, elle a vêtu son visage officiel, son visage de membre du Conseil Céleste. Et elle le porte aussi bien qu'Ebose. Assis au centre de la table. Son visage est neutre, et dans sa robe blanche similaire aux autres anges, il est aussi immobile qu'au e. Le désir urgent de faire quelque chose pour le faire réagir s'empare de moi, mais je ne bouge pas. Pour la première fois de ma vie, j'ai quelqu'un de plus important à considérer que moi-même.
Brell termine d'entraver mes jambes et se dirige vers la table avec les autres anges. Il n'y a que des bancs pour s'asseoir – très probablement parce que toutes les différentes parties présentes ont des ailes et donc besoin d'espace. C'est bien la seule chose que je leur envie : leur aptitude à voler.
D'un coup de poignet de Nesta, un parchemin apparait sur la table. La Principauté s'en empare et le déroule. Elle parcourt le contenu des yeux un moment avant de prendre la parole.
— Elle-Rhyne Sans Nom, tu es amenée devant cette autorité divine pour rupture de ton contrat. Un accord que tu avais signé il y a neuf ans qui stipule que ta nature doit être tenue secrète. Que plaides-tu ?
Nesta lève la tête du parchemin. Je savais qu'un jour où l'autre, j'allais être convoquée par le Conseil Céleste pour répondre de mes actes. Mais je m'attendais à ce qu'ils me convoquent pour avoir mis le feu à la bibliothèque et non pour avoir révélé mon identité à Knox.
— Que plaides-tu ?
Je lève les yeux pour croiser leurs regards. Je fixe longuement les yeux gris d'Ebose avant d'annoncer :
— Allez vous faire foutre.
Cette fois-ci, Nesta m'offre un de ses sourires complices.
— Et bien, ça promet d'être intéressant, chuchote-t-elle.
