Dean ne dit rien. Il regarde défiler la misère humaine comme on regarde un vieux film à la télé... Irréel...
Ce décor semblable à tous ceux qu'il a croisés dans toutes les villes qu'il a traversées et auquel il n'a jamais réellement porté attention.
Il agit comme cet homme en costume, mallette à la main qui enjambe les corps étendus en faisant mine de les ignorer. Pour cet homme, ce vieillard endormi, c'est une part de son quotidien.Il le croise très certainement tous les jours, il doit même parfois lui offrir un de ces sourires timides empreints de maladresse.
Qui est-il pour le juger ? Combien de fois Dean n'a-t-il pas faitles mêmes gestes que cet homme ? Éviter la misère en l'esquivant.
Sauf qu'aujourd'hui, plus rien n'est pareil. Cette misère a frappé à sa porte et l'ouvrir lui fait un mal de chien. Imaginer Castiel dans son fauteuil roulant errant sur ces trottoirs entre ceux qui vocifèrent contre Dieu et le monde, ceux qui boivent pour se noyer et ceux dont les orbes restent fixés sur un monde connu d'eux seuls.
Un lent basculement dans la folie, un voyage jusqu'au bout de l'enfer dont peu reviennent.
Il sent le regard de Benny sur lui à chaque feu rouges. Coude calé sur la bordure de la vitre, tempe appuyée sur son poing, Dean n'a pas la force de parler, la gorge nouée quand il voit ce soldat assis à même le sol, serrant son paquetage entre ses bras comme le plus précieux des trésors, défiguré par une brûlure qui lui ronge la moitié du visage.
Ce soldat affiche à lui seul l'échec de tout un pays. Le sien aussi.
Les invisibles, comme les appelle Benny.
Cela fait plusd'une heure qu'ils parcourent les rues. Ils ont emprunté la voiture du docker connue des sans-abris. Elle attire, de ce fait, moins l'attention que l'impala.
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Quelques heures plus tôt, Dean s'est levé courbaturé du canapé dans lequel il avait fini par trouver refuge, réveillé en pleine nuit par la présence fantôme d'un homme au pied de son lit de camp de fortune.
Entre ce vétéran muet, droit comme un I, et les cris et gémissements parvenant des autres lits qui lui tordaient le cœur et les tripes, il n'a plus réussi à fermer l'œil. Il est parti trouver refuge dans la salle commune.
C'est là que Benny l'avait abandonné après lui avoir fait faire le tour du propriétaire.
Les douches où Dean n'est pas resté plus de 5 minutes. Y croiser un jeune afro-américain, tatoué de la tête aux pieds et ces orbes emplis de détresse et de questions sans réponses, lui en ont coupé l'envie.
Les vestiaires avec ces casiers individuels protégeant les maigres effets personnels des pensionnaires.
La buanderie avec ses deux machines à laver et son séchoir. Où seul un vieux soldat avec son drapeau peace and love lui drapant les épaules se tenait. Il n'a pas quitté du regard les roulements de tambour de la machine, ignorant tant Dean que Benny.
Le couloir avec ses bureaux, son infirmerie de secours et sa bénévole, une doctoresse à la retraite donnant de son temps libre à ces hommes qui, libres, ne le sont plus depuis longtemps.
Ils ont poursuivi vers le réfectoire avec ses tables bancs et sa cuisine ouverte. Au fond de la salle, quelques fauteuils et un canapé devant une table basse et une télévision éteinte. Il y avait là un homme en tenue militaire, les cheveux et la barbe longs, assis à même le sol, recroquevillé sur lui-même, fixant le mur en marmonnant des mots inintelligibles.
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Le chasseur et le soldat : Les invisibles
FanfictionUA Destiel. Il aurait dû passer à autre chose depuis longtemps, il le sait. Il a essayé, mais rien n'y fait ; ni les chasses ni ses soirées de beuverie... et encore moins le sexe...Ça le bouffe... Il se déteste pour ça.