Juste un au revoir

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Clarence ne décroche pas un mot de tout le déjeuner, se contentant de picorer dans son assiette et d'écouter Rufus et Dean lui expliquer en quoi consistera son futur séjour à Johnson. Rufus tente bien de l'intégrer à la conversation, mais il n'a droit qu'à des regards fuyants et d'exceptionnels hochements de tête.

"Et pour... pour la chambre ? ", l'interroge Dean.

Clarence se crispe sur sa chaise. Son couteau heurte le bord de son assiette, attirant le regard des deux autres.

"C'est réglé ", se contente de répondre Rufus en prenant sa serviette en papier.

Il s'essuie la bouche, lentement, et les observe. Dialogue muet entre deux silences.

Dean tourne la tête vers Clarence, tout en jouant avec un morceau de viande du bout de sa fourchette.

"Quelle chambre ? ", sur la défensive. " De quoi parle-t-il ? ", en s'adressant à Dean, ignorant volontairement la présence de Rufus.

"D'un logement de transition ", en abandonnant son couvert pour s'enfoncer sur sa chaise.

"Un logement de transition ? ", agité.

"Ni l'hôpital ni Dean ne sont en mesure de vous loger, Clarence", statue Rufus.

Il sent Dean le foudroyer du regard, mais ne décroche pas le sien de Clarence.

" L'un parce qu'il ne fournit de chambres qu'aux cas d'extrêmes urgences, ce que vous n'êtes plus...L'autre parce qu'il n'en a pas les compétences quand bien même il en aurait la volonté ", énonçant les faits comme une évidence.

Il lève la main pour faire taire Dean qui s'apprête à réfuter ses arguments.

" Baker's house accueille des vétérans depuis plus de 15 ans, vous serez entre de bonnes mains avec eux et n'aurez à vous inquiéter de rien. Tout est pris en charge :les repas, les soins jusqu'aux transferts entre la pension et l'hôpital... Vous aurez juste à payer la location de la chambre."

À ces mots,il voit Clarence se rencogner sur sa chaise.

" Cass ? ", l'interroge Dean encherchant à capter son regard.

" Comprenez-moi bien, Clarence ", renchérit Rufus au grand damne de Dean." Vous êtes en droit de refuser... Nous sommes ici pour vous aider, aucunement pour vous contraindre à faire un choix qui ne vous conviendrait pas. Je sais que tout ce qui se passe depuis deux jours doit vous paraître surréaliste... Croyez-moi, je suis passé par là ", en se penchant pour planter ses orbes sombres dans les siens. " Ne cherchez pas à savoir pour quoi ou pour qui... Dites-vous seulement que vous y avez droit et que vous le méritez... Vous avez assez donné à ce pays, Cas..stiel... assez sacrifié pour sauver ce qui pouvait l'être ", le faisant sursauter au rappel de son prénom. " Il est temps de penser à vous. "

Dean les observe. Il ne peut prétendre comprendre ce qui se passe en cet instant. Si le parcours de ces deux hommes a été différent, la douleur et les cicatrices qui en ont résulté sont les mêmes.

Cette souffrance que seuls ceux qui ont partagé le même enfer peuvent comprendre. Celle dont il sera exclu à jamais. Celle dont Rufus lui a parlé et qu'il entend enfin.

" D'accord ", finit par opinerClarence, après ce qui a paru durer une éternité à Dean.

" Parfait ", rétorque doucement Rufus en se redressant sur sa chaise. " Je vais faire en sorte que tout soit prêt pour quand vous vous présenterez au Johnson et chez Baker ",les traits détendus. " Vous avez encore accès à votre compte bancaire ? ", avec appréhension, mesurant ses propos.

Le chasseur et le soldat : Les invisiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant