Le chasseur et le soldat : Les invisibles

Baker's house

Il est près de 22 heures quand on frappe légèrement à la porte de la chambre. Dean quitte sa chaise à regret, perclus de courbatures et de fatigue.

Après la dernière crise de Castiel, il s'est refusé à quitter la pièce. Il a téléphoné au réceptionniste qui lui a confirmé que le déli livrait bien le motel avant, sous l'insistance de Dean, de bien vouloir daigner donner leur numéro de téléphone.

Un jeune motard emmitouflé dans sa veste, visière du casque relevée, se tient sur le seuil, sac en papier dans un bras et facture à la main. Il tend les deux à Dean qui lui glisse un pourboire avant de lui refermer la porte au nez.

Il entend le livreur le remercier à travers celle-ci et, même s'il s'en veut de s'être montrés aussi grossier, il ne trouve pas le courage de lui répondre.

Il pose le sac sur la table. Deux bières, une bouteille d'eau, deux cafés et deuxs andwichs. Il s'assied et, tout en gardant un œil sur Castiel, se force à manger entre deux gorgées de bière.

Il se remémore la scène qui s'est déroulé quelques minutes plus tôt.

Castiel s'est laissé faire sans réagir, telle une poupée de chiffon. Les bras ballants, tremblant. Dean l'a recouvert d'un essuie sec avant de le soulever en prenant appui, dos contre la porte de la salle de bains. La tête de Castiel a basculé vers l'arrière et le cœur de Dean s'est littéralement cassé en deux en croisant leur reflet dans le miroir : une pauvre caricature de la piéta.

À ceci près que Castiel est toujours vivant.

Il l'a étendu sur le lit et, même si la curiosité lui tordait les tripes, il a refusé de baisser les yeux sur le corps meurtri. Il l'a glissé sous les draps avec la serviette.

Castiel a gardé les yeux ouverts tout du long, hanté par il ne savait quels cauchemars ou souvenirs.

Dean s'est ensuite assis à ses côtés, doigts se tordant entre ses genoux jusqu'à ce que Castiel tourne la tête vers lui. Dean lui a souri, a levé une main et l'a posée sur sa joue.

" Dors... Je veille sur toi. "

Les paupières se sont closes et, depuis, Castiel dort...

Tout en laissant la porte de la salle de bains grande ouverte, Dean prend une douche, enfile vite fait un pantalon pyjama et retourne dans la chambre.

Il s'installe sur son lit et s'adosse au mur, les jambes tendues et croisées. Le café est tiède et l'émission qui passe en sourdine sur l'écran sans intérêt.

Il finit par s'endormir à son tour.

Comme c'est le cas après chaque crise, Castiel met quelques minutes, voire quelques heures, à émerger. Il cligne des yeux. Derrière ses paupières, des reflets lumineux et sporadiques.

Il a tôt fait de comprendre que ceux-ci proviennent de la télévision. Il se redresse sur son lit à la force des bras et,là, s'aperçoit qu'il est presque nu.

Dean...

Dean l'a vu... Il a tout vu.

Il panique en levant le drap et note qu'il porte toujours le boxer noir qu'il a enfilé la veille. D'une main hésitante, il enlève l'essuie de bain et l'observe, perplexe.

" Quand tu seras prêt, okay ? ", répond Dean à sa question muette. " D'ici là, ma curiosité malsaine et moi, on va se tenir à carreau ", en s'étirant avant de basculer sur le bord de son lit pour faire face à celui de Castiel.