Tracy

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Assis dans la salle d'attente, les yeux fixant le plafond, Castiel ne porte guère attention à ce qui se passe autour de lui. Johnson n'a pas l'effervescence des autres hôpitaux qu'il a fréquentés dans le passé. Pas de personnel médical qui court dans tous les sens, pas de cris, pas d'appels intempestifs au micro... Exceptées quelques voix qui s'élèvent et, de temps à autre, la sonnerie d'un téléphone, le calme règne entre ces murs. Une forme de sécurité qui l'apaise.

Sibien qu'il ne la voit pas venir vers lui.

"Bonjour. "

Il sursaute sur son siège, les doigts contractés au bord de l'assise.Il croise deux grands yeux bleus plongeant dans les siens et ce bonheur simple qui ne semble jamais vouloir quitter ce visage.

La jeune patiente de la salle de rééducation est là. Devant lui.

"Bon... bonjour ", répond-il en se reprenant.

Elle est assise dans un fauteuil roulant électrique, son unique main posée sur le joystick de direction.

"Depuis le temps que l'on se croise, je me suis dit qu'il était peut-être temps de faire les présentations ", en tendant la main vers lui. " Je m'appelle Tracy Davis ", la gardant en suspens.

Il hésite un instant avant de lui rendre son sourire et de saisir sa main.

"Castiel Novak. "

"Enchantée ", en détournant les yeux sur ses prothèses. "Je devrais avoir les miennes d'ici jeudi. Je suis tellement impatiente ", s'emballe-t-elle.

Castiel ne sait pas quoi lui répondre ; il se contente de la fixer.

"Vous attendez quelqu'un ? " renchérit-elle.

"Effectivement, et vous ? " incapable de résister à l'aura positive émanant de ce corps déchiré en deux.

"Mon frère. Il ne devrait plus tarder... Le pauvre va devenir fou à force de courir de l'hôpital à sa boutique ", en riant avec plus de retenue cette fois. " Ça sera plus facile quand je pourrai me débrouiller par moi-même ", en tapant sur l'accotoir de son fauteuil.

Elle se met à parler autant pour elle que pour lui. C'est une bavarde dans l'âme et ce depuis toujours. La guerre n'y a rien changé.

Les mains ballantes entre ses cuisses, il l'écoute raconter ses séances de kiné, de méditation (qu'elle lui conseille fortement )et ses essais de prothèses.

"Purement esthétique pour mon bras ", souligne-t-elle en pointant son moignon à hauteur d'épaule avant de poursuivre.

Elle s'est fixée plusieurs objectifs qu'elle compte bien tenir, dont un retour sur les bancs d'école.

"Je vais reprendre mes études de droit... Je veux devenir avocate, spécialiste dans le droit familial ", en repoussant une mèchede ses cheveux derrière son oreille. " Et vous ? "

"Quoi moi ? ", en tiquant.

"Vous avez déjà une idée de ce que vous voulez faire de votre vie ?"

"Déjà y mettre de l'ordre ", impassible.

"On dirait que vous avez déjà bien avancé dans le rangement ", en lui indiquant ses prothèses.

"C'est vrai ", admet-il, amusé et vaincu.

"Donc ? ", repliant son bras à la recherche de celui disparu, prête à les croiser dans un geste fantôme du passé.

Il perçoit le voile qui ternit son regard quand elle réalise la portée de son geste avorté.

Le chasseur et le soldat : Les invisiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant