Visibles

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Castiel fixe ses nouvelles baskets en baillant. Sa nuit a été courte. Il n'a pas réussi à se rendormir après l'énième cauchemar qui a alerté Jimmy. Jimmy avec qui il a partagé un premier café alors que la lune régnait encore en maîtresse des lieux. Depuis, la peur demeure. Elle lui fait mal, physiquement. Malgré tous les exercices de relaxation ou même de méditation, elle est là, insidieuse. Il en est à douter du bien fondé de ses démarches quand la petite Ford Ka d'Andréa Barr vient se garer face à lui. Elle lui ouvre la portière en se penchant dans l'habitacle et l'incite à s'asseoir d'une tape sur le siège passager.

Inspirer...Respirer.

S'il veut « rester », il doit se trouver...

Ce sont les yeux cernés, les traits tirés et les mains moites qu'il se tient devant l'entrée. Andréa lui raconte en quelques mots le destin de ce couple tout en poussant la porte vitrée.

La directrice, Molly McNamara, une ancienne Miss Dakota du Sud devenue mannequin, a tout abandonné pour suivre son mari, vétérinaire, dans cette folle aventure. De son passé, elle a gardé le port élégant et la grâce. Toute la beauté aussi, affichant fièrement ses quelques cheveux gris et rides au coin des yeux.

Elle se tient dans le hall, échangeant quelques mots avec une jeune femme qui ne cesse d'opiner. Dès qu'elle aperçoit Andréa, elle salue son employée et vient les accueillir, le visage rayonnant et la poignée de main chaleureuse. Elle les invite à la suivre.

Assis face à son bureau, Castiel l'observe, répondant du bout des lèvres à toutes ses questions alors qu'il brûle d'en savoirplus. Andréa parle pour deux, répond pour un. Molly ne semble pas s'en offusquer ou lui en tenir rigueur. Elle a croisé assez de Castiel entre ces murs pour comprendre la raison de cette prudence proche de la pudeur, mais surtout de ses craintes et ses espoirs mêlés.

Elle se lance alors dans un long monologue sur le fonctionnement du centre et son lien avec l'US Assistante Dogs International. La révélation de son mari. Le but de sa vie.

La mort d'un chien et le désespoir de son maître, un tétraplégique qui n'avait que cet animal comme compagnon.

Castiel écoute et garde le silence tout en laissant traîner ses yeux.

Sur le mur, des dizaines de photos. Certaines avec des célébrités locales. D'autres avec des hommes et femmes et leurs partenaires. Une bibliothèque sur le mur de droite, avec un nombre incalculable de livres qui s'accumulent dans un joyeux désordre. Une armoire en métal fermée avec des photos de chiens collées sur les portes. Un drapeau américain qui flotte à l'extérieur et passe comme un fantôme devant la fenêtre qui elle-même donne sur un jardin ombré par un énorme saule pleureur.

Il sursaute quand Molly se lève pour la visite des lieux. Ils quittent le bureau situé près de l'accueil pour entrer dans une pièce qui fait office de réfectoire,mais aussi, comme toutes les autres pièces de la maison, de lieu de sociabilisation et de mise en "condition".

Y sont présents un homme à l'âge incertain avec, assis à ses pieds, portant son harnais d'identification, un labrador chocolat.L'animal ne le quitte pas des yeux tandis que l'homme le caresse distraitement.

Face à lui, une autre homme dont les gestes, bien qu'affirmés, gardent quelque chose de peu naturel, et, couché, un border collie avec la même tenue que son compagnon canin.

Molly prend le temps d'échanger quelques mots avant de passer à la salle suivante. Un salon où sont réunies plusieurs personnes, femmes et hommes accompagnés de leurs compagnons à quatre pattes.

Le chasseur et le soldat : Les invisiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant