Chapitre 1: Le messager

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 Le regard fixe, attentif, la jeune fille s'appliquait à ne pas manquer une seconde de la scène qui se déroulait à ses pieds. Se dissimulant derrière un pilier à l'extrémité est de l'immense salle du trône, Cirseï se fascinait pour cet elfe messager en séance pour son roi. Bien qu'il s'agissait de la première fois qu'elle en voyait un en chair et en os, elle devinait ses origines facilement grâce à sa tenue typique du royaume sylvestre, à sa gestuelle gracieuse et à sa démarche distinguée. Il portait une tunique en soie blanche retombant très bas sur un pantalon en lin. Ses bottes serrées lui remontaient un peu au-dessous du genou et une longue, plate et soyeuse chevelure noisette chutait derrière ses oreilles pointues jusqu'au haut de son dos. Pas un épi dans les cheveux, tâche ou plie sur les habits ne gâchait son apparence. Il correspondait parfaitement aux représentations d'elfe qu'elle avait pu voir auparavant.

Tandis qu'il s'avançait vers la reine, Circeï le suivit en se volatilisant de nouveau pour réapparaître derrière un autre pilier, cette fois-ci plus près du messager. Lorsque l'elfe se déplaçait, ses pas aériens lui prêtaient la légèreté d'un oiseau. Brulante d'apercevoir son visage, elle s'avança de nouveau. Il détenait, à sa grande déception, un visage quelconque. Ni beau, ni repoussant. Pourtant, on ne pouvait pas passer à côté de la saisissante finesse de ses traits ou du bleu profond de ses yeux.

S'inclinant relativement bas pour montrer son respect, l'elfe salua la reine avant de se redresser. Il prit un instant pour admirer les deux imposantes statues de marbre qui cernaient le dais, avant de reporter son attention sur le trône en forme de lotus, dont les délicats arceaux de bois s'entremêlaient en guise de parure.

- Au nom de mon peuple, permettez-moi de vous transmettre nos plus sincères hommages, reine Anastride, dit-il d'une voix blanche. Ce premier contact formel est pour nous un honneur et une occasion de créer une amitié durable entre nos deux peuples.

Tiens, pensa Cirseï, cela venait sûrement de lui écorcher la bouche. Sa requête ne pouvait être que de première importance. Les elfes ne s'étaient jamais rabaissés à demander de l'aide auparavant. En fait, ils n'avaient même jamais pris la peine de répondre aux messages de la reine. Mais Anastride était tout aussi fière après tout.

La reine leva la main jusqu'à son cou et caressa sa peau dorée. Tout en jaugeant le messager du regard, elle croisa ses jambes en prenant soin de ne pas faire de plie sur sa robe. Elle n'avait clairement pas l'air enchantée par cette visite. Une petite veine ressortait sur son front, discrète, mais pulsante.

- Bienvenue sur notre île, elfe. Je ne puis dire au combien nous sommes tous surpris de rencontrer officiellement une personne, quelle qu'elle soit, du royaume des bois. Plus encore après ces centaines, que dis-je, ce millier d'années sans réels échanges. Pour qu'une telle chose se produise, j'eus pensé à un terrible danger, mais alors le roi lui-même serait venu et nous pouvons tous témoigner qu'il n'en est rien.

Le messager eut l'air vaguement insulté et agacé l'espace d'une seconde, mais l'instant d'après son visage reprenait son air impassible.

- Notre vénérable roi Aldaron est accablé par toutes les problématiques du royaume à régler. S'il avait pu se rendre jusqu'ici, le roi l'aurait fait. Toutes mes excuses si ce fait vous a offensé, reine Anastride.

- Peu-importe, du moment qu'il a de quoi payer nos services, fit la reine en balayant ses propos de la main. Que veut-il exactement ? Que je puisse décider de ce que je désire en échange.

- Bien entendu, reine Anastride. Il s'agit là d'un problème survenu il y a peu. Deux pleines lunes, tout au plus. Comprenez-vous, notre roi entretien par oiseau voyageur une relation avec son frère, le roi des elfes de cendres. Une fois toutes les deux périodes synodiques, son frère lui envoie un des rares aigles Handa qui peuvent trouver le destinataire que vous désirez sans même le connaître ou avoir appris sa position. Une sorte d'animal magique et divin.

Cirseï l'exiléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant