« Ne bouge pas ! Si jamais ils te voient, tu vas te faire disputer ! »
Manon, surprise, se tourna précautionneusement vers la source de cet ordre qui ne venait apparemment pas de Valdi.
À côté d’elle se tenait un petit bonhomme, haut comme trois pommes, qui devait avoir environ 6 ans, la peau brune, les cheveux noirs, et dont le seul vêtement était un pagne réalisé en feuilles, resserré autour de la taille par un morceau de liane.
« Tu les as déjà espionnés ? » Chuchota le petit garçon.
Ne sachant trop de quoi il parlait, elle répondit non d’un signe de tête.
« Moi je fais ça tous les jours, comme ça quand je serai grand, je saurai comment il faut s’y prendre ! » Continua t’il.
Puis il reprit son activité, tapit derrière une énorme feuille d’arbre qui le masquait presque entièrement !
Manon, intriguée, regarda dans la même direction que lui, prenant garde de rester invisible derrière le tronc monumental qui s’élevait devant elle.
Et ce qu’elle vit l’impressionna au plus haut point.
Elle se trouvait sur les rives d’une étendue d’eau immense. Ce n’était pas la mer parce qu’elle était loin d’être bleue. Elle tirait davantage sur le marron ! Ce n’était pas un lac parce que même si elle parvenait à distinguer au loin, la rive opposée, elle n’en voyait ni le début ni la fin. Et elle devait se trouver très loin de chez elle parce que les arbres qui poussaient ici, elle n’en avait jamais vu ailleurs ! Ils étaient tous si grands, si touffus, d’un vert si vif, c’était étourdissant. Cela ressemblait à une forêt, mais pas une forêt comme elle avait l’habitude de s’y promener. Celle-ci était bien plus bruyante, assourdissante même. D’ailleurs si son petit compagnon n’avait pas été là, elle aurait certainement été terrifiée par ces espèces de cris, de râles, de chants, de craquements qui l’entouraient. Mais si lui était calme, elle n’avait aucune raison de paniquer…
« Je m’appelle Paquito ! Et toi ? »
« Manon. »
« Et eux ce sont mon père et mon grand frère ! » L’informa t’il en montrant du doigts deux hommes debout au bord du rivage.
Elle ne les avait même pas vu tant ils étaient discrets, et tant elle avait été absorbée par tout ce qui l’entourait.
Manon en resta bouche bée.
« Mais qu’est ce qu’ils font ? »
« Ils viennent de prendre leur bain du matin et finissent de se préparer ! »
« Ah. »
Elle avança légèrement la tête comme pour y voir mieux.
De l’autre côté des feuillages, se trouvaient en effet deux hommes, l’un bien plus âgé que l’autre. Le premier lui sembla déguisé comme pour une fête. Il avait en effet apporté un soin particulier à sa coiffure : deux tresses épaisses décorées de cordons aux couleurs chatoyantes lui encadraient le visage, tandis que sur sa nuque tombait une longue queue-de-cheval parée de plumes de toucans rouges et jaunes. Enfin, une épaisse frange coupée à raz des sourcils lui couvrait entièrement le front et une sorte de très large bandeau, peut être réalisé avec des laines rouges, jaunes, bleues et noires maintenait le tout en place. Et ce n’était pas tout, dans les lobes de ses oreilles, il avait enfilé un long tube de bambou rehaussé de motifs gravés au feu, d’un enchevêtrement de plumes et d’une longue mèche de cheveu. Il avait le torse nu et portait une sorte de jupe bleue ornée de motifs multicolores.
De l’air le plus sérieux du monde, il était en train de dessiner des détails géométriques sur le visage du frère de Paquito à l’aide d’une tige trempée dans une écuelle en bois remplie d’un liquide noir. Ce dernier, qui était habillé comme son papa, portait également sur la tête un bandeau similaire mais en plus touffu et qui semblait avoir été réalisé à l’aide de petites plumes de diverses couleurs.
« Vous préparez une fête ? » demanda Manon excitée à la perspective de participer à un événement inédit.
« Non, pourquoi ? »
« Ils se maquillent et s’habillent comme ça tous les jours ? »
« Oui ! Surtout que mon papa est le Shaman de notre village ! Et mon frère sera bientôt un adulte ! Alors c’est important ! » Expliqua t’il avec fierté.
« C’est quoi un shaman ? »
« C’est lui qui explique à tout le monde ce qui va se passer et qui guérit les maladies. »
« Ah ! Mais ton frère, il n’a pas l’air si grand que ça pour devenir un adulte ? »
« Si quand même, il va avoir bientôt 11 ans ! »
« Oh là là ! Vous êtes adulte très jeune ici ! »
« Il faut bien qu’il apprenne à chasse, pêcher, poser des pièges et combattre nos ennemis ! »
« Combattre vos ennemis ? Mais vous êtes en guerre ? » Demanda Manon prise au dépourvu.
« Pas vraiment, mais il faut faire attention. Pas de panique, ma tribu est très forte. C’est elle qui a la plus grande collection de têtes réduites d’Amazonie ! »
« La quoi ? » Interrogea Manon terrifiée.
« Oh, mais ne t’inquiète pas, les Jivaros ne font ça qu’à leurs ennemis, et toi tu n’es pas une ennemie ! »
« Non ! bien sûr que non ! » s’empressa d’acquiescer Manon.
« Mais qu’est ce que vous faites là ! » Interrogea une voix grave pleine de reproches.
Ils étaient découverts. Manon fut très impressionnée. Le papa de Paquito les toisait l’un après l’autre de son regard noir.
« Encore à nous espionner Paquito ? Tu n’as donc rien de mieux à faire ? Pour la peine, rejoins ton frère et allez à la pêche sur le fleuve… Et emmène ta nouvelle amie avec toi. Si elle est aussi curieuse qu’elle le laisse supposer, ça lui plaira ! » Ordonna le Shaman d’un ton autoritaire qui ne supposait aucune réplique.
Tandis que ce dernier s’enfonçait dans la forêt, Paquito prit Manon par la main et l’entraîna vers le rivage.
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L'amour se multiplie, il ne se divise pas...
PertualanganManon, jeune fille de 9 ans, est un peu perdue au sein de sa "trop grande" famille recomposée. Un soir, tandis que tout le monde dort, elle envisage de fuguer, et se retrouve, comme par magie, propulsée aux quatre coins du monde, pour vivre en compa...