Chapitre 23

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Lundi 8 février – 9h30

— Monsieur Daniels, vous êtes en état d'arrestation pour attouchements sexuels sur mineur.

Hugo, une craie à la main, ne comprit pas ce qu'il se passait. La scène qui se jouait sous ses yeux et dont il semblait être l'acteur principal lui semblait irréelle.

Tous ses élèves étaient levés – pour une fois qu'un policier ne venait pas pour l'un d'entre eux – et une rumeur commença à parcourir la salle de classe, pour, bientôt, atteindre le couloir, où des portes s'ouvraient déjà.

Hugo, menotté, se laissa guider hors de l'établissement. À la grille, deux autres policiers attendaient aux côtés d'une jeune fille aux longs cheveux châtains.

— Est-ce bien lui, mademoiselle Evans ?
— Oui, sanglota Lyanna, un mouchoir en papier sur le nez.

Hugo força les officiers à s'arrêter face à la jeune fille, choqué par une telle prestation. Il se pencha vers elle, sentant une force le tenir par ses poignets.

— À quoi tu joues, Lyanna ? pesta-t-il contre cette dernière.

La concernée eu un mouvement de recul, l'air effrayé.

— Emmenez-le, monsieur l'agent, supplia-t-elle d'une toute petite voix. Cet homme me fait peur !

Hugo arriva au commissariat quelques minutes plus tard, toujours plongé dans l'incompréhension. On le plaça dans une salle d'interrogatoire, grise et froide, où il resta seul quelques minutes, comme un vulgaire criminel.

Puis, il entendit la porte s'ouvrir. Il redressa rapidement son corps qui s'était peu à peu courbé pour accueillir le policier qui entra, un dossier à la main. Une femme, à l'air sévère qui ne semblait pas prête à compatir.

— Bonjour, monsieur Daniels.
— Bon-Bonjour, bredouilla-t-il, souhaitant plus que tout pouvoir disparaitre en un battement de cil.

Il la fixa longuement pendant qu'elle farfouillait dans ses feuilles. Elle croisa ensuite ses mains en poing sur la table puis fixa Hugo de son regard froid, comme refusant une quelconque erreur dans cette affaire.

— Bien, monsieur Daniels, nous avons reçu une longue plainte contre vous de mademoiselle Evans, qui serait apparemment l'une de vos élèves, dit-elle en relisant ses notes, tandis qu'Hugo vacillait entre incompréhension et colère.

— Je... Oui, mademoiselle Evans est bien l'une de mes élèves.
— Elle vous accuse de harcèlement, monsieur. Et de viol.

Dans son ton, Hugo se demanda si elle-même ne le jugeait pas déjà coupable également. Le jeune homme sentit son rythme cardiaque s'accélérer à mesure que l'énervement montait en lui. Comment avait-elle osé ? Et qui le croirait, lui, le professeur trentenaire face à une adolescente visiblement très bonne actrice et encore mineure de surcroit ? Il était foutu, quoiqu'il dise, quoiqu'il fasse. Il avait quand même entretenu une relation loin d'être platonique avec une jeune femme légalement mineure. Il était hors la loi. Il le savait.

— C'est entièrement faux, dit-il, enfin, très calmement.

Il se concentrait pour ne pas exploser, il savait que cela ne servirait pas son intérêt.

— Pouvez-vous me le prouver ?
— Et vous ? s'emporta finalement Hugo, bien malgré lui. Pouvez-vous prouver les dires de cette gamine ?

Il se leva en tapant du poing sur la table, le regard assombrit par la rage. Ce comportement ne l'aiderait pas, il en était bien averti, mais il n'avait pu se retenir d'avantages. Lyanna lui avait fait vivre des journées affreuses depuis la reprise et il pensait s'être libéré de tout cela en la quittant. Or, il se rendait compte à présent qu'il n'avait fait qu'empirer les choses.

— Veuillez vous rasseoir, monsieur, ordonna sèchement l'agent de police, qui gardait un air intransigeant.

Hugo obtempéra sans un mot. Il avait regardé assez de séries policières pour savoir que cette femme n'était pas réellement seule avec lui.

— Écoutez, madame, je vais vous expliquer ce qu'il s'est passé.

Hugo relata les moindres détails de son histoire avec l'adolescente. La femme face à lui resta impassible. Elle ne semblait toujours pas le croire mais le professeur ne se démonta pas.
Lorsqu'il finit son récit, il souffla comme s'il avait été en apnée pendant tout le moment où il parlait. Il attendit une réaction de la policière, n'importe laquelle, mais rien n'arriva. Qu'aurait-il pu lui dire de plus ?

— Nous allons vous garder en garde à vue, annonça-t-elle enfin, en remballant ses fiches avant de se lever. Vous serez également défait de vos fonctions d'enseignant jusqu'à ce que la vérité sur cette histoire soit faite.

— Quoi ? s'exclama le jeune homme en se levant à son tour. Mais vous ne pouvez pas faire ça ! Je vous dis la vérité, bon sang ! Écoutez-moi ! s'énerva-t-il tandis que la jeune femme quitta la pièce sans un mot de plus.

Hugo, toujours menotté, mit un gros coup de poing dans la porte, sentant ses phalanges craquer sus le choc. Mais la douleur resta muette tant la rage prenait de la place dans sa tête et son corps tout entier.

Il se mit à faire les cents pas dans cette pièce exigüe. Il voulait hurler, frapper dans tout ce qu'il pouvait, mais ne souhaitait pas aggraver son cal, déjà mal parti.

Après quelques minutes qui lui semblèrent des heures, un nouvel officier vint le chercher pour l'emmener en cellule.

— Attendez ! lança Hugo en s'arrêtant, forçant l'homme à se stopper également. J'ai le droit à un appel, non ?

L'officier le guida vers un téléphone fixe et lui accorda trois minutes. Quelques sonneries s'écoulèrent avant que l'on ne décroche enfin.

— Caroline ? C'est Hugo. J'ai un gros problème.
— Hugo ? s'étonna la jeune femme au bout du fil. Qu'est-ce qui t'arrive ?
— Je n'ai pas beaucoup de temps pour t'expliquer. Tu pourrais venir me voir demain, au commissariat, avec le meilleur avocat que tu connaisses ?
— Qu-Quoi ? Co-Comment ça mon meilleure avocat ? questionna Caroline, perdue. Hugo, que se passe-t-il ?
— Je t'expliquerai tout demain, répondit-il hâtivement. Merci Caroline.

Puis, il raccrocha, se félicitant intérieurement d'avoir pensé à son ex compagne. Elle n'était pas dans le droit, mais avait beaucoup d'amis devenus avocats spécialisés dans toutes sortes de domaines. Hugo l'avait appris au cours des nombreuses soirées qu'il avait passé en leur compagnie à l'époque où il fréquentait Caroline. À ce moment-là, il n'avait pas prêté beaucoup d'attention à toutes leurs discussions juridiques et aujourd'hui, il s'en mordait les doigts.

Enfin, il arriva dans sa cellule, dans laquelle se trouvaient déjà une femme aux allures de prostituée et un jeune adolescent, probablement là pour vol à l'étalage.
La cellule était entourée des bureaux es différents agents du commissariat. Hugo s'assit à l'écart des deux autres et attendit. Quoi ? Il n'en savait rien, mais il n'avait de toute évidence rien de mieux à faire.

Son esprit l'emporta sans qu'il ne s'en rende compte dans son passé proche. Comment, lui, trentenaire calme et introverti, se retrouvait ? Il avait vécu de si bons moments avec Lyanna. Mais tout partait en fumée, soufflé par sa profonde colère envers cette manipulatrice.

— Monsieur Daniels, une visite pour vous.

Hugo fut sorti de ses pensées par un officier qui ouvrit la grille. Il le suivit jusqu'à une pièce à l'écart des bureaux, gardée par un agent. Hugo entra, précautionneusement, se demandant encore qui venait déjà le voir.

Lorsqu'il vit Lyanna, assise, tout sourire, à une table, il se retint de ne pas lui sauter à la gorge. Il resta d'ailleurs à bonne distance de l'adolescente et n'alla pas s'asseoir à ses côtés. Il refusait de donner aux flics une raison de le garder plus longtemps que nécessaire.

— Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-il si froidement qu'on aurait pu augmenter la température de la pièce de quelques degrés.

Lyanna garda son air vainqueur et répondit :

— Je t'avais dit que je te détruirai.

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