6 ans plus tôt...
— Merci d'être venus, monsieur et madame Evans. Asseyez-vous, je vous en pris.
Jean et Aline Evans prirent place derrière le bureau de madame Gautier, la principale du collège où étudiait leur fille aînée, Lyanna. La femme croisa ses mains, les coudes posés sur son grand bureau sombre. Elle fixa les deux parents qui lui faisaient face et elle décela un brin d'inquiétude.
— Je voudrais vous parler de Lyanna... annonça-t-elle calmement. La trouvez-vous... différente à la maison ?
Aline et Jean Evans se regardèrent, de leurs yeux cernés des nuits blanches à nourrir et calmer les jumeaux qui venaient d'arriver dans leur vie. Trouvaient-ils leur fille différente ? Comment pourraient-ils le savoir, eux qui avaient la tête dans le guidon à s'occuper des nouveaux nés jours et nuits ? Ils n'avaient pas tellement eu le temps de s'occuper de leur fille... À cette idée, Aline Evans laissa quelques sanglots s'échapper. Plusieurs larmes coulèrent sur ses joues creusées. Aussitôt, son mari la pris contre lui. Il avait l'habitude de ces pleurs incontrôlés depuis la naissance des jumeaux. Les hormones, parait-il...
— Je suis une terrible mère ! pleura Aline, se sentant démunie avant même de savoir ce qu'allait leur dire la principale.
— Mais non, voyons ! lança Jean, un peu bourru, impuissant face au trop plein d'émotions de sa femme.
— Il se trouve que plusieurs professeurs m'ont communiqués leurs inquiétudes concernant votre fille, reprit madame Gautier. Nous la connaissions discrète et effacée mais depuis quelques jours, elle se fait beaucoup remarqué...La femme marqua une pause, laissant sa phrase en suspend, cherchant les bons mots. LE couple était pendu à ses lèvres, la mère reniflant toutes les cinq secondes, se retenant de fondre à nouveau en larmes.
— Elle répond à ses professeurs et ... déclenche des bagarres dans les couloirs et les récréations à la moindre réflexion d'un camarade.
Les parents semblèrent abasourdis. Lyanna, cette petite fille si calme et douce qui déclencherait des bagarres ? Non... Ils refusaient d'y croire.
Poliment, ils remercièrent madame Gautier et quittèrent l'établissement pour rentrer chez eux. Ils avaient laissé les jumeaux et Lyanna à leur voisine le temps de la réunion. En arrivant, ils trouvèrent leur salon sans dessus dessous et la voisine dans tous ses états. En les voyant entrer, elle prit ses affaires à toute vitesse et quitta l'appartement en jurant que jamais elle ne reviendrait. Ils apprendraient plus tard que leur fille avait fait une crise de nerfs ingérable et avait tout envoyé valser en hurlant que tout était de la faute des jumeaux.
Aline se rendit dans la chambre de son adolescente et, d'une voix calme et posée, lui demanda comment elle allait.
— Tu sais, la principale voulait nous voir car ils s'inquiètent pour toi.
— Ça en fait au moins quelques uns comme ça, répondit sèchement la jeune fille, brisant le cœur de sa mère.Cette dernière ne reconnut pas sa fille. Même physiquement ses traits s'étaient endurcis.
Les jours passèrent et rien ne s'arrangea, bien au contraire. Le comportement de Lyanna au collège se fit de plus en plus violent, et il en était de même dans le cadre familial. Un mercredi après-midi, alors que les jumeaux avaient bien grandis et se déplaçaient maintenant à quatre pattes, la petite Emy trouva une Barbie appartenant à sa grande sœur. Mais encore trop petite pour jouer avec la poupée, cette dernière avait été décapitée et mâchouillée. Il se trouvait que la matière à la fois dure et molle des poupées Barbie était très agréable sur les gencives sensibles des bébés dont les dents sortaient.
— Mais qu'est-ce que tu as fait ? hurla Lyanna en arrachant des mains de sa petite sœur les deux parties de sa Barbie. T'es conne ou quoi ?
C'est alors que, hors d'elle, l'adolescente leva la main, prête à la laisser tomber sur la joue de la petite.
— LYANNA ! cria sa mère derrière elle avant d'accourir prendre Emy, en pleurs, dans ses bras.
Encore sous le choc de ce qu'elle venait de voir, Aline Evans ne trouva rien à dire et Lyanna, sans demander pardon, fila dans sa chambre. Les jours et les mois passèrent et Aline préféra se dire qu'elle avait mal interprété le geste de sa fille et n'en parla jamais à son mari.
À la fin de son année de quatrième, la situation ne s'était pas améliorée. Il y avait eu du mieux parfois, mais ces moments se comptaient sur les doigts d'une main quand tous les excès de colère, eux, se chiffraient par centaine.
— Écoute Aline, je pense vraiment qu'elle devrait consulter un spécialiste. Cela ne peut plus durer, j'en ai peur pour les jumeaux !
Jean avait fait cette confidence à sa femme, couchés dans leur lit conjugal, impossible de fermer l'œil, pour l'un comme pour l'autre. Jean s'était fait une raison : leur fille avait un problème et avait besoin d'aide. Difficilement, sa femme accepta et ils prirent le premier rendez-vous disponible chez un psychiatre.
On détecta chez leur enfant un trouble de la personnalité. On leur annonça que leur fille était instable psychologiquement et c'est ainsi qu'on expliqua aux parents, qui nageaient en pleine incompréhension, les accès de rage et les sautes d'humeur à répétition de leur fille. On leur expliqua également que ceci pouvait être dû à un choc émotionnel subit par l'enfant. Aline pensa alors à la naissance des jumeaux, qui semblait coïncider avec le changement radical de comportement de Lyanna. À cette idée, le sentiment de malaise de madame Evans qui se sentait comme la pire mère du monde, s'accentua. Enfin, on leur conseilla un séjour de quelques mois dans le service psychiatrique de la clinique qui se trouvait près de chez eux. Bien sûr, en l'apprenant, l'adolescente avait extrêmement mal réagit et en était même venu aux mains avec ses parents, les insultants de tous ce qui lui passait par la tête, confortant les deux parents dans leur choix.
Lyanna resta quatre mois dans cette clinique et manqua sa rentrée en troisième. On l'autorisa à sortir lorsqu'on estima qu'elle avait une meilleure maitrise de ses sentiments et surtout de sa colère. Toutefois, pour l'aider, on lui prescrit des médicaments pour les moments où elle sentirait qu'elle n'y arriverait pas seule. Elle suivit sa prescription à la lettre les premiers mois. Mais les calmants la shootaient trop et elle finit par arrêter son traitement, sans jamais le dire à ses parents, qui pensaient encore que leur fille prenait bien les cachets prescrits, il y a quatre ans de ça.
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Soupçons [TERMINEE]
General FictionHugo, 30 ans, professeur au lycée. Lyanna, 17 ans, fille populaire, prête à tout pour avoir ce qu'elle désire. "- Savez-vous pourquoi vous êtes ici aujourd'hui ? - On m'accuse de harcèlement. Et de viol." Que s'est-il passé pour en arriver au procès...