« — Mademoiselle Evans, jusqu'à présent, rien dans vos témoignages n'attestent votre déposition contre monsieur Daniels pour harcèlement, et encore moins pour viol. Souhaiteriez-vous revenir sur votre plainte ?
Mais Lyanna ne broncha pas. Elle savait ce qu'elle disait, elle savait ce que cela entraînerait. Elle ne reculerait pas. Elle n'avait pas encore joué toutes ses cartes, et la prochaine devrait plaire à Hugo.
Elle vrilla ses yeux dans ceux de ce dernier, autrefois tant désiré. Elle y lu des suppliques. Il l'implorait en silence de cesser toute cette entreprise. Mais c'était mal la connaître. Elle étendit ses lèvres en un imperceptible sourire mesquin que seul Hugo perçut, puis lança sa prochaine carte.
— Non, monsieur le juge. Je maintiens tout ce que j'ai dit jusqu'à présent. Et il y a d'ailleurs quelqu'un qui pourra en attester.
Et alors, comme dans un film, les portes du tribunal s'ouvrirent sous les regards curieux de l'assistance qui vivait un rebondissement inespéré dans ce genre d'affaire. Mais Lyanna ne s'intéressait qu'à une seule et même personne : Hugo, dans les yeux duquel elle pu lire une réelle incompréhension lorsqu'il vit entrer Charlène. »
Samedi 21 décembre – 21h15.
Hugo n'avait pu s'empêcher d'aller à la poursuite de Lyanna. Il avait vu la peine derrière la colère quand il était arrivé au bar, Charlène à son bras. Il ne souhaitait faire de mal à personne. Lui-même se sentait si perdu qu'il n'arrivait plus à penser clairement.
— Lyanna ! héla-t-il tandis que la jeune fille s'éloignait de son lieu de travail.
Elle se retourna, désireuse d'entendre ce qu'il avait à dire, lui qui s'était tant ouvert la veille, qui lui avait fait miroiter qu'ils avaient une réelle complicité. Ils s'étaient mis à l'écart du pub, pour ne pas risquer d'être perçut par le petit groupe d'enseignants. Lyanna croisa les bras sur sa poitrine, le regard noir, le visage sévère.
— Ecoute ... commença Hugo, cherchant ses mots pour ne pas la blesser. Mais face à Lyanna, il perdit ses moyens. Hier soir, notre discussion, c'était très sympa, mais tu es mon élève...
Il insista sur ce dernier mot, aussi bien pour l'adolescente, qu'elle n'oublie pas leurs statuts social, que pour lui, qui devait absolument se souvenir d'à qui il avait à faire. Il aimait trop son métier pour tout risquer. Mais cette adrénaline qu'il ressentait en ce moment même, le souvenir de la veille qui l'avait hanté toute la journée, ce sentiment d'être enfin lui... Tous ces éléments l'empêchèrent de mettre un réel point final à ce que Lyanna et lui créaient.
L'adolescente qui avait d'abord voulu tourner les talons quand Hugo lui avait rappelé leur situation, perçut une lueur dans les yeux de son enseignant. Elle savait que c'était surtout lui qu'il essayait de convaincre avec ces paroles. Elle laissa ses bras retomber le long de son corps et, ses pupilles plongées dans celles d'Hugo, elle s'approcha doucement.
— Regarde-moi et dit moi que tu ne veux pas continuer cette soirée autrement... susurra-t-elle, aussi sensuellement que possible.
Elle se retrouva bientôt plus qu'à quelques centimètres de l'objet de toutes ses convoitises. Il n'émettait aucune résistance, mais son souffle se fit plus rapide alors que Lyanna maîtrisait parfaitement ses émotions et ne laissait rien paraître. Elle se hissa sur la pointe des pieds pendant qu'Hugo tentait désespérément de regarder au loin. Il sentit la main de la jeune fille se glisser dans la poche de son jean, tout en murmurant :
— Arrête de te mentir. Laisse-toi aller.
Puis, comme une ombre, elle disparue dans son dos pour retourner au bar, alors qu'Hugo était littéralement figé sur place, à chercher à quel moment tout avait dérapé. Il ne pouvait clairement plus faire marche arrière. Toute leur relation prof/élève était en échec, et même s'il ne poursuivait pas, tout serait différent à la rentrée.
Il plongea une main dans sa poche pour en ressortir le papier que Lyanna avait mit dedans. Il le déplia et y lu un numéro de téléphone. Elle venait clairement de mettre la balle dans son camp. S'il envoyait un message, il approuvait cette espèce de relation. S'il jetait le papier, il reviendra à une vie plus sûre et sans encombres.
Il remit le papier dans sa poche et retourna auprès de ses collègues. En se rasseyant, il déposa un baiser sur les lèvres de Charlène tout en jetant un regard en coin à Lyanna.
A deux heures, Lyanna invita les clients à quitter le bar car ils allaient fermer. L'endroit était encore bien plein, les gens avaient voulu profiter à fond de la soirée avant la semaine de fermeture, d'autant plus que rares étaient ceux qui travaillaient le dimanche.
La jeune serveuse se dirigea vers la table de ses professeurs pour la débarrasser et leur souhaiter de bonnes vacances. Elle échangea un regard avec Hugo. Tous deux se perdirent dans les yeux l'un de l'autre le temps de quelques secondes. Juste ce qu'il fallut pour que Charlène le remarque. Elle perçut le trouble dans le regard de son amoureux, qui ne l'avait jamais regardé ainsi. Elle se concentra ensuite sur Lyanna, espérant qu'elle avait imaginé cet échange silencieux, aidée par l'alcool. Mais le comportement de la jeune fille qui essuyait la table pour la troisième fois et dont le regard revenait sans cesse vers Hugo, lui confirma qu'il se tramait quelque chose entre ces deux-là. Elle sentit son estomac se nouer, soudain prise de nausée. Son cœur semblait être à bord de montagnes russes, provoquant brutalement un malaise dans tout son être, qu'Hugo tarda à remarquer.
— Ça ne va pas ? demanda-t-il enfin, lui prenant une main, se voulant réconfortant, sans savoir qu'il était la cause de son mal-être.
Charlène, dans un état second, comme sortie de son propre corps et contemplant la scène de l'extérieur, observa cette main posée sur la sienne. Elle ne savait pas quoi faire. Elle rêvait forcément, elle ne pouvait décemment pas concevoir que son petit ami flirt avec une de leurs élèves...
A cette nouvelle pensée, elle sentit tout l'alcool s'échapper de son estomac et remonter son œsophage. Elle porta une main à sa bouche et s'enfuit à l'extérieur du bar, où elle laissa tout ressortir sur le trottoir. Ironie du sort, Lyanna devrait nettoyer avant de rentrer.
Hugo jeta un dernier regard vers cette dernière avant d'aller auprès de Charlène. Julien et Jeremy qui n'avaient rien remarqué, remercièrent Lyanna et partirent à la suite de leurs collègues, s'assurer que tout allait bien. Lyanna les observa quelques instants. Sa prof d'anglais semblait vraiment aller mal. Dès qu'Hugo tentait un rapprochement, elle se reculait brusquement et refusait tout contact avec lui. Elle se fit raccompagner par Jeremy tandis que son amant et Julien partirent seuls de leur côté.
Le lendemain, Hugo se réveilla, la tête lourde, les oreilles bourdonnant et le corps engourdit. Les images de la veille s'entrechoquaient et se mélangeaient dans son esprit. Il se revoyait courir après Lyanna et la seconde d'après, il assistait au départ de Charlène dans les bras de Jeremy.
Tu as encore bien merdé... lui souligna sa conscience qui se délectait du mal dans lequel elle avait plongé le jeune professeur. Brusquement, il prit son téléphone et écrivit : « Salut ! Comment ça va depuis hier ? » Il relut le message au moins cinq fois, se demandant si les mots étaient bien choisis et surtout, était-ce la bonne démarche à suivre ?
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Soupçons [TERMINEE]
Fiction généraleHugo, 30 ans, professeur au lycée. Lyanna, 17 ans, fille populaire, prête à tout pour avoir ce qu'elle désire. "- Savez-vous pourquoi vous êtes ici aujourd'hui ? - On m'accuse de harcèlement. Et de viol." Que s'est-il passé pour en arriver au procès...