Chapitre 24

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Lundi 8 février – 17 heures.

Lyanna fière de son petit coup, ne se défaisait pas de son sourire satisfait. Hugo ne s'approcha pas, mais elle pouvait voir tous ses muscles tendus, elle imaginait parfaitement sa tension monter et son cœur accélérer et elle se délectait de ce sentiment de puissance qu'elle avait sur lui. Il avait voulu mettre un terme à leur petit jeu, l'empêcher d'accéder à la vie dont elle rêvait ? Il en paierait le prix ! Plus rien ne lui importait à présent, que la destruction de cet homme qui avait piétiné son cœur.

— Tu n'as rien contre moi, Lyanna, gronda le trentenaire, acculé contre la porte, se contenant de toutes ses forces pour rester loin.

La jeune fille se leva et d'une démarche de hyène s'approcha de son ancien amant, qui changea de direction pour garder un écart conséquent entre eux.

— Mais qu'est-ce que ta parole, contre celle d'une pauvre mineure abusée par son professeur ? dit-elle, feignant des sanglots avant de retrouver son visage diabolique.

La mâchoire d'Hugo se contracta, ses poings se fermèrent, incontrôlable. Il se retourna pour ne plus faire face à la jeune fille au sourire espiègle.

— Eh bien, Hugo, ça ne va pas ? demanda-t-elle, faussement inquiète.

Le jeune homme, croyant devenir fou, attrapa sa tête fermement, agrippant ses cheveux, essayant de boucher ses oreilles. La voix de Lyanna autrefois si envoutante lui était aujourd'hui insupportable. Elle le sentait, et jouait avec ses nerfs, refusant de se taire.

— Tais toi... supplia Hugo, d'un murmure.
— Ma voix ne te plait plus, mon amour ?
— Ferme-la ! hurla-t-il en se retournant finalement, le visage déformé par l'aversion.

Lyanna eu un mouvement de recul. Elle ne l'avait jamais vu ainsi, si énervé, transformé par la colère. Bien sûr, elle l'avait déjà vu excédé à cause d'elle, mais aujourd'hui il semblait entièrement habité par la haine, comme si toute humanité l'avait quitté pour laisser un monstre emplit d'animosité à la place.

Il s'avança, enragé, tandis qu'elle reculait, apeurée.

— Je t'assure que si tu ne fermes pas ta petite bouche de peste je vais te faire comprendre comment ça se passe !

Il avait complètement perdu le contrôle de lui-même. Lui, d'ordinaire si calme et patient ne supportait plus d'être dans la même pièce que l'adolescente qu'il avait tant chérie.

Lyanna se retrouva bloquée par le mur et Hugo continuait de s'avancer, menaçant. Avant qu'il n'ait eu le temps de resserrer d'avantages l'écart entre eux, un policier vint l'attraper et le menotter, mains dans le dos. Hugo se laissa faire, les yeux pleins d'une nouvelle ardeur, plantés dans ceux de l'adolescente qui semblait regretter ce qu'elle avait entrepris par vengeance. Mais elle savait aussi que le comportement que venait d'avoir son ancien professeur de mathématiques jouerait contre lui. Elle refusait de faire marche arrière.

De retour en cellule, Hugo ne parvenait pas à se calmer. Il tournait en rond, sentant son être si chamboulé qu'il ne se reconnaissait même pas. Décidément ! Cette adolescente avait eu trop d'effets différents sur lui. Et à cause d'elle, il ne pourrait plus exercer son métier pour les prochains mois. À cette pensée, sa tension remonta en flèche et il mit un coup de poing dans le mur, à la surprise des ses deux compagnons de cellule qui s'éloignèrent de lui, l'air de rien. À présent, ses deux mains le faisaient souffrir et il n'était guère plus avancer.

Lyanna rentra chez elle avec la ferme intention d'aller jusqu'au bout. Hugo comprendrait, quoiqu'il en coute, qu'elle ne faisait pas partie de celles que l'on jette lorsqu'on n'en veut plus. Elle valait mieux que ça, elle en était intimement persuadée.

— Lyanna ! Tu vas bien ma chérie ?

Sa mère se jeta sur elle alors que l'adolescente venait tout juste de passer le pas de la porte. Évidemment, tous les parents des élèves du lycée étaient au courant du drame survenu le matin même. De plus, Aline Evans avait conseillé à sa fille d'aller porter plainte, la veille. Lyanna posa son sac dans l'entrée et prit un air affecté.

— Oui, ça va maman, répondit-elle d'une douce voix, la tête basse.

La veille, elle était sortie de sa chambre, les yeux rougis par les larmes, en pleine crise d'angoisse. Des marques rouges sur les bras, comme si quelqu'un les lui avait tenu fermement, le maquillage dégoulinant, accentuant l'aspect dramatique de cette situation. Affolés, ses parents avaient renvoyé les jumeaux dans leur chambre pour que leur grande sœur s'installe sur le canapé. Agenouillés face à elle, Aline et Jean Evans avaient écouté leur fille relater les abus et les harcèlements qu'elle subissait depuis septembre par son professeur de mathématiques. Elle leur avait décrit les mains baladeuses sous la table pendant les cours, les propositions incessantes, tous ces moments où il l'avait gardé après le cours pour être seul avec elle, jusqu'à ce jour où il était allé jusqu'au bout de ses envies, contre son gré. Elle avait fondu en larmes à ce moment-là de l'histoire. Ses parents ne pouvaient pas douter d'elle, la jeune fille semblait si bouleversée et mal d'avoir contenu tout ceci tant de temps. L'histoire avait été si rondement menée que Jean lui-même avait appelé le bar pour prévenir de l'absence de sa fille dans les prochains jours, puis il l'avait immédiatement emmenée au commissariat pour y faire un dépôt de plainte. Elle avait donné tant de détails, versé tant de larmes, qui aurait pu remettre en cause son récit ?

Mardi 9 février – 10 heures

Caroline arriva au pas de course au commissariat de banlieue dans lequel se trouvait Hugo. Elle était accompagnée d'un ami avocat en qui elle avait pleinement confiance. Elle retrouva son ex compagnon dans une salle vide de toute autre présence, excepté celle d'un garde.

— Hugo ! s'exclama Caroline, mettant de côté toutes ses rancœurs envers lui et se jetant dans ses bras.

Hugo resserra son étreinte, fermant les yeux, savourant chaque seconde de ce contact. Malgré leur rupture dans les cris et les pleurs, Caroline avait une place toute particulière dans le cœur du jeune homme. Huit ans de relation ça ne laisse pas indifférent.

Caroline prit le visage d'Hugo entre ses mains pour vérifier qu'il allait bien. Ses traits étaient tirés, ses yeux cernés de noir. Il n'avait pas dû dormir de la nuit. Elle allait prendre ses mains mais aperçut ses bandages, sur chacune d'elles. Elle leva un regard inquiet vers Hugo qui la rassura d'un sourire fatigué.

— Ne t'inquiète pas. Deux petits coups de colère, voilà tout.

Tous deux s'assirent à une table où l'avocat qui accompagnait Caroline était déjà installé.

— Je te présent Fabrice. Il te défendra si cette histoire va jusqu'au procès.

Hugo lui fit un signe de la tête, lui montrant sa reconnaissance. Puis, il commença à expliquer la situation à ses deux visiteurs. Lorsqu'il évoqua sa liaison avec Lyanna, il plongea ses yeux suppliants dans ceux de Caroline, demandant silencieusement qu'elle ne le juge pas trop hâtivement. Lorsqu'il eut fini, un silence pesant s'installa entre eux. Caroline ne savait que penser de toute cette histoire. Elle ne reconnaissait pas celui qu'elle avait connu et aimé dans ces mots. Elle était à la fois déçue qu'il n'ait pas su se contenir et profondément triste de le voir dans cette situation.

— Tu me crois, n'est-ce pas ? demanda Hugo, brisant ainsi le silence.

Si elle ne le croyait pas, aucun juré au monde ne serait de son côté. Il avait besoin d'un soutient pour ne pas s'effondrer. Caroline lui fit un sourire compatissant puis attrapa délicatement les mains du jeune homme.

— Bien sûr que je te crois, Hugo. Fabrice et moi ferons tout notre possible pour te sortir de là.

Les deux anciens amantsse firent une dernière étreinte avant que Caroline et Fabrice ne quittent lapièce et qu'Hugo soit raccompagné en cellule pour ses dernières heures de gardeà vue.

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