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Ennuis en bleu

« Ça vous fera 134 dollars, niaisa le caissier, on accepte plus les cartes bancaires.

Tirant les billets du porte-monnaie à contrecoeur, je les fourrai dans la petite assiette prévue à cet effet, sans oublier de donner la carte de fidélité à l'autre débile. Des bons d'achats en supplément, ça n'a jamais tué personne. Pendant que je rangeais les courses le plus vite possible dans les deux gros sacs, le mec m'attendait, ticket de caisse pendant négligemment du bout des doigts, en faisant éclater sa bulle de chewing-gum. Sans lui adresser une bonne journée, je lui arrachai le billet blanc des mains et empoignai les deux masses, direction la voiture garée sur le parking miteux. Chiron m'avait offert de passer le permis, que j'ai obtenu dès le premier essai. Il faut dire qu'un grand gaillard fan de voitures a déteint sur moi, à force.

Le trajet reliant l'appartement au supermarché m'était devenu automatique, j'étais dès à présent capable de rouler les yeux fermés, tout en me souvenant de l'emplacement des feux et panneaux de circulation, ainsi que des carrefours. Le quartier était plutôt du genre tranquille, la petite police du coin tenait les quelques délinquants à carreaux. Nous ne craignions pas grand chose, avec ma petite-amie, seuls les monstres sortis de mythologies à deux balles venaient importuner nos soirées marathon Harry Potter.

Toutes les deux avions conservé à la nuque nos colliers de perles en argile ; le temps avait passé, maintenant cinq billes formaient la collection des bons souvenirs. La perle de Rose avait une peinture d'un oiseau (pourquoi ? allez savoir !), et la mienne un carnet et un stylo en référence à la reprise des études (qui n'a d'ailleurs durée qu'une seule année, j'ai vite abandonné l'idée de les poursuivre en vain).

M'appuyant avec le coude contre la poignée de la porte d'entrée, je donnai un coup de pied sur le morceau de bois pour ouvrir le passage menant sur le hall, et par extension la cuisine-salle-à-manger. Deux en un ! À droite du hall se trouvait la chambre, communiquant sur la salle de bain. Les toilettes étaient à gauche du hall, sanctuaire de la tranquillité mis à part. Ce qui frappait le plus en rentrant dans notre petit chez-nous, c'était d'inhaler une forte odeur de thé vert aromatisé à quelques fleurs, presque imbibée dans les murs à force d'en préparer à longueur de journée. La petite touche d'humidité venait des dizaines de pots placés sur le parquet, suspendus, mis sous serre, dont s'occupait Rose. On se croyait dans un mini jardin botanique. Cet appartement parfait et pas cher, pas loin du centre-ville grâce aux bus, nous reliait facilement à nos lieux de travail. Sauf pour la Colonie, où nous nous y rendions en voiture pour les occasions.

Avant d'y aménager, nous vivions chez les Higgins, François le père de Rosamond et Salina, son incroyable belle-mère débordant d'énergie (à l'inverse de son époux) se faisaient un plaisir de nous héberger au début. Quand ils ont vu qu'on traînait de la patte, ils nous ont gentiment pressées vers la sortie et aidées à trouver cet appartement rêvé. Il était certes très petit, dans un immeuble décrépi, mais nous devions faire nos débuts dans la vraie vie. Puis nous n'étions pas à plaindre, vue l'aménagement confort des pièces.

Je me grouillai de mettre les courses au frais car j'avais acheté du poisson pour le repas de ce soir. Je risquais fortement pour ma vie si les aliments se gaspillaient ou n'étaient pas respectés.

Une jeune femme se tenait de dos dans la cuisine. Les rayons de soleil qui se déversaient sur ses longs cheveux blonds pouvaient nous faire penser qu'ils étaient blancs avant l'heure. Ses formes étaient, à mon plus grand regret, cachées par sa nouvelle robe midi à motifs floraux qui lui arrivait aux mi mollets. Je lui serrai la taille, enfouissant mon visage dans ses cheveux et sa nuque. Ne m'ayant pas vu arriver, Rosamond sursauta à cette étreinte de dos, mais se laissa faire en me reconnaissant. Notre week-end en tête-à-tête commençait enfin ! Les courses étaient faites pour la semaine entière, Rose avait bouclé tous les dossiers à rendre à ses professeurs, le verrou à la porte empêchait une quelconque intrusion. Conclusion : Éros lui-même aurait été fier de voir à quel point l'ambiance atteignait son apogée.

ғαll [percy jαcĸѕoɴ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant