Épιѕode 28 : ɴoυѕ voιcι, eɴ cнαιrѕ вαlαғreeѕ eт eɴ oѕ !

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Épisode 28 : Nous voici, en chairs balafrées et en os !

Les hyacinthes violettes de Rosamond furent la première image qui se dessina lorsque j'ouvris les yeux, sortant d'un sommeil épuisant. Elle passait beaucoup de temps à la serre des Déméter, à en cultiver le plus possible. Pour des raisons connues d'elle seule, tout naturellement. La créature la plus complexe sur Terre n'était qu'un grain de sable à côté de Rose. La Colonie était devenue une hécatombe de hyacinthes à cause d'elle : de la Grande maison en passant par le Réfectoire, elle en mettait même là où l'on jugeait la chose impossible.

En couronne de fleurs sur la tête empaillée du léopard de Mr. D, par exemple.

Je sentais un poids sur mon bras, ce qui me fit réaliser dans quelle position je reposais : allongée sur un lit de camp aussi confortable qu'une paillasse dans l'écurie. Nous étions rentrés ? La deuxième image, en tournant la tête à ma droite, fut une touffe blonde salie par du terreau, en train de baver sur la couverture rose en polyester.

Mon coeur loupa un battement. Un râle sortit de ma gorge à la place d'un mot. Mon coeur loupa un second battement. L'absurdité de la situation arriva en pleine face, façon boomerang. Les souvenirs revenaient à l'expéditeur, comme un film à l'envers en accéléré. Je me redressai d'un coup, prise d'une panique sans pareille, réveillant brusquement Rose. Elle me regarda avec ses grands yeux clairs, et posa délicatement ma tête contre son épaule.

« Maxime, a-t-elle chuchoté derrière mon oreille, vivante.

Deux mots, une position, radicalement efficaces. Je la serrai fort à la taille avec mon bras valide, m'accordant le droit de pleurer à chaudes larmes, et profitant de ce parfum floral mêlé à la transpiration acide. Son odeur, que je n'avais jamais pris la peine de noter auparavant, à cause de l'habituelle cohabitation dans notre petite chambre aux lits superposés du bungalow 11.

Je ne voulais plus la lâcher.

Si je la lâchai, cela signifiait que l'on me renverrait à l'autre bout du pays, sans but, sans moyens, seule et délaissée. Si je la lâchai, il n'y avait aucune garantie de la revoir, aucune garantie de notre lendemain.

Au bout d'un temps infiniment long, elle dut me forcer à la laisser s'asseoir sur le lit, et me rallongea de force en continuant de tenir ma main. Une douleur en haut du buste me fit comprendre que mon bras avait été mis en écharpe pour faciliter la guérison de mon épaule. Pourquoi avais-je la sensation d'avoir avalé un rocher ? Rose pouvait lire la panique sur mes traits.

— Ton état est hors de danger, louée soit Sadie.

Autour de nous, d'autres lits étaient occupés, cachés en partis par de longs rideaux blancs tendus. Nous entendions des ronflements ou quelques gémissements. Je fronçai les sourcils, lançant une question muette.

— Oh, Sadie a été promue vice-cheffe de l'infirmerie, expliqua Rose. Tu te souviens de la petite au bandana vert qui coupait les cheveux des autres pendant leur sommeil ? (je refronçai des sourcils) Oui, elle ! Figure-toi que c'est elle qui a recousu ton... enfin, tu vois ?

Pourquoi une gamine comme elle s'occupait des patients ? Pourquoi avais-je eu besoin d'être recousue ? Rosamond, aussi extraordinaire qu'à l'accoutumée, me devança :

— L'infirmerie à la Grande Maison est complète, les Apollon sont tous à fond. On a eu une vague de blessés, donc quand vous êtes arrivés, on vous a placé dans l'annexe, à côté de l'arène.

Je portais la main à ma gorge, effleurant du bout des doigts l'énorme bandage qui serrait les compresses stériles pour protéger les points de suture. Je frissonnai, comme si la présence de Ladon était soudainement apparue.

ғαll [percy jαcĸѕoɴ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant