Épisode 30 : Le temps d'abattre ses cartes sur le tapis
L'âme lourde. Voici la seule expression réussissant à exprimer un millième de mon état actuel. Et, vue les têtes que tiraient les pensionnaires au repas du midi, je n'étais pas seule dans ce cas-là. Je le savais parfaitement. Mais je les ignorais tous, tout en sachant pertinemment combien leur coeur les pesait.
Cela signifiait le début de mon égoïsme, à ignorer la douleur des autres, et en me satisfaisant maigrement dans la mienne. Les ignorer, au final, revenait à m'ignorer. Je ne parlais plus, mangeais pour ne pas inquiéter d'avantage Chiron ou les ombres qui venaient prendre de mes nouvelles, dormais vingt minutes, pour me réveiller vingt minutes, pour me rendormir vingt minutes... les nuits se hachaient. Tout comme ma tête.
Quand Olivia avait le dos tourné, je m'infiltrais dans l'infirmerie prendre du paracétamol et une petite portion d'ambroisie. Les crispations dans mon corps ne se faisaient plus ressentir, le monde devenait moins pourri qu'il ne l'était déjà.
« Quelle blague. »
Je ne pouvais plus parler, et ce, huit jours durant. Le temps passait vite, lentement, se figeait, le Soleil jouait sur sa course journalière. Je ne distinguai ni la faim de l'ennui, ou l'ennui de la fatigue. Tout revenait au même. La douleur ne partait pas. Elle s'était logée une place dans ma gorge, ma poitrine, mon ventre, elle refusait d'en sortir. Comme un parasite, elle me rongeait de l'intérieur, prenant la place qu'elle désirait.
Même lorsque ma gorge fut totalement guérie, ne laissant qu'une profonde cicatrice en horizontal, la douleur ne s'évaporait pas. Elle restait, fixée là où Ladon, m'ayant pris pour son nouveau canapé, avait fait ses griffes.
En parlant de griffes, un petit matin de début novembre, je pris le pire petit-déjeuner de mon existence. À cause du fils d'Hermès, qui s'était probablement levé du pied gauche. Et à cause de tous les résidents du bungalow 11. En bref, chacun était tenu pour responsable pour cette matinée de merde, sauf moi.
« Bien dormi ? demanda Luke à mon arrivée, sans relever la tête.
— Bien dormi.
Le silence s'installa à table, créant une atmosphère lourde doublée par la gène de cette brutale interruption. Luke roulait des crêpes au miel, sans pour autant les manger. Je me raclai la gorge.
— Je ne t'ai pas vu à l'Athéna Parthénos.
« L'autre fois. » terminai-je mentalement. Luke se redressa, se forçant à adopter une allure décontractée mais prêt à attaque verbalement. Ce Plouc.
— Pas besoin de le dire comme un reproche, cingla-t-il. T'es pas ma mère.
— Mais il y avait ton p...
— Tu ne les as même pas pleurés, acheva Luke, ne viens pas me regarder avec ces yeux. »
Il se leva et quitta la table sans demander de reste. Sa conscience ne devait pas être des plus tranquilles ; mon regard n'avait rien de spécial, à part des poches de fatigue sous les yeux, et encore. Par les temps qui couraient, avoir cette apparence d'épouvantail devenait normal. Seuls les regards furibonds de ses frères et soeurs me dérangèrent. Pour la peine, je passai le petit-déj' et allai directement traîner dans le bois du Sud, et un peu au-delà.
Je marchais jusqu'à atteindre le poing de Zeus, un énorme amas de rochers vers l'orée de la forêt menant à la plage. Personne ne venait par ici, à cause du nid des Myrmikes à deux pas de là. De l'autre côté du poing de Zeus, après le petit bosquet, se trouvait le Bosquet de réunion du Conseil des Sabots Fendus. Ou pour être claire, le Q.G. des satyres.
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ғαll [percy jαcĸѕoɴ]
FanfictionLes Olympiens sont obligés malgré eux de participer au jeu infernal lancé par Trois Soeurs aussi vieilles que le Monde. À la clé : le pouvoir, encore et toujours. Maxime, délinquante de quatorze ans, est entraînée par le courant d'événements surnatu...