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Lorsque Ian arrive à la pension, malgré la faiblesse, je ne peux entendre que lui. Sa voix résonne dans les couloirs, dans mon esprit.

"Ou est-elle, ou est-elle!"

Il hurle sur des employés, cherche. Je murmure son nom. Je ne suis pas loin, je suis tout simplement à l'infirmerie. Il doit être vraiment bouleversé pour manquer de logique à ce point.

Mon coeur se serre. Je ne pensais pas que nous allions nous revoir un jour. J'étais une coquille vide, sans lui. A l'intérieur de moi, je sais que cette maudite maladie n'est due qu'à son départ. Et à autre chose...

Et puis, depuis que je suis dans cet état, tout a changé. Les ennuis ont commencé il y a quelques semaines. Le médecin est passé faire une inspection générale, et m'a interpellé. Selon lui, j'avais d'importantes carences, des fièvres, et j'étais malade. Il parlait d'un sérieux risque d'anémie, et j'avais simplement hoché la tête. J'avais pris comme résolution de faire plus attention, de m'alimenter correctement. Il était vrai que depuis le départ de Ian, j'avais perdu quelques kilos, probablement à cause du stress, de la tristesse.

Malheureusement, tout cela a dégénéré. Actuellement, le médecin ne me donne que quelques jours à vivre, tout au plus. Je ne peux ni me lever, ni marcher, ni manger, depuis deux nuits. J'ai des cernes, et dans un souci d'éthique, le directeur a cru bon d'informer Ian de mon état. Je ferme les yeux. Je ne voulais pas qu'il sache, je pensais pouvoir guérir seule. Mais non, désormais je me sais condamnée. J'ai besoin de lui pour survivre, je ne suis qu'une de ces filles pathétique et tellement amoureuse que je mourrai sans lui.

La porte de l'infirmerie s'ouvre avec fracas. Ian est là. Je soulève difficilement mes paupières. Il s'avance doucement vers moi, s'accroupit à mes côtés. Je lui souris faiblement, et il passe sa main sur ma joue vraiment doucement, comme s'il avait peur que je me casse en mille morceaux. Mon souffle est rare, ma cage thoracique semble s'embraser chaque fois que je respire.

- Soul...

Même agonisante, je le trouve magnifique. Ses cheveux cuivrés ont eu le temps de pousser, et il ne semble pas réellement avoir pris grand soin de son physique. Il a même une petite barbe désormais, ce qui le vieillit et lui donne un air érudit.

- Tu ne mourras pas Soul.

C'est une affirmation qu'il m'assène, et je suis tentée d'y croire. De toute façon, je n'arrive pas à répondre, ça fait trop mal. J'essaye d'attraper sa main, en vain. Je ne veux pas mourir non plus, pas maintenant, alors que nous nous retrouvons enfin. Sans plus développer, Ian passe sa main sous mes mollets, commence à me porter. Je devrais protester, le persuader de me laisser ici, mais je n'ose pas. Je ne peux pas lui mentir. Le directeur de la pension s'oppose, affirme qu'il faut signer des papiers pour me faire sortir, que si je me fais retirer de sa garde, la réputation de son établissement risquerait d'en pâtir. Le vampire lui décoche un de ses regards paralysants comme lui seul en a le secret, et l'homme se fige, nous laisse tranquilles. Après tout, il doit bien m'accorder ça. Je suis tout de même en train de mourir d'amour pour un homme que je viens de retrouver.

Ian m'explique que nous allons rester un soir dans l'auberge la plus proche, pour stabiliser mon état. Selon lui, je suis trop fragile pour prendre le train actuellement. Je hoche la tête, mais je ne sais même pas si je vais pouvoir passer la nuit.

Mon vampire passe à la réception, s'occupe de tout. Il me porte ensuite jusqu'à la chambre, essaye de me faire manger, sans succès. Je sais que je devrais être heureuse après tant de temps sans lui. Mais je suis juste terrifiée, à l'idée de ne pas passer la nuit. Je ne veux pas glisser dans le néant, perdre ma conscience, être séparée de lui... j'ai déjà vécu ça il y a quatre mois. Et puis, maintenant, l'enjeu est tellement plus grand qu'avant...

Ces retrouvailles ont un parfum d'enterrement.

Ian le sent bien, puisqu'il n'a jamais été aussi doux. Il brosse mes cheveux, caresse ma peau... Je dois ressembler à un cadavre.

À la tombée de la nuit, je sens que les choses se corsent. J'ai l'impression qu'un grand froid m'envahit, alors je me serre contre Ian, qui ne me réchauffe pas plus que ça. Au moins, j'ai arrêté de tousser. En réalité, je ne m'inquiète pas seulement pour moi.

Ian me serre contre lui, ne cesse de me parler, pour me maintenir éveillée. Je l'entends me dire, tout bas:

"Reste avec moi Soul. Tu ne peux pas mourir. Si tu meurs, je mourrai avec toi".

ou encore:

"Tu survivras, je te le promets. Tu ne peux pas mourir alors que je viens de te retrouver, tu es la seule avec qui je peux être".

Mais la vérité, c'est que je ne peux lutter contre les frissons qui m'envahissent. Vers minuit et quart, je n'arrive déjà plus à lui répondre. Je perds peu à peu connaissance, sens que je suis emportée loin, très loin de lui. J'entends sa voix, comme dans un rêve, appeler un médecin. Je sens que mon corps est balloté, emmené ailleurs, ausculté...

On m'ouvre la bouche, on y glisse des pilules, on me fait boire des sirops amers, mais rien n'y fait. Des mains touchent ma peau, prennent ma température, attrapent mes doigts. Au lever du jour, je suis dans les bras de Ian, dans une clinique différente. Ma peau est glaciale, et je sens que je n'en ai plus pour longtemps. J'utilise mes dernières forces pour ouvrir les yeux, le regarder. Ses yeux sont pleins de larmes, c'est la première fois que je le vois dans cet état. Il me serre fort, et je pose ma main affectueusement sur son bras. Puis, lasse je ferme mes yeux, et sombre dans les profondeurs du sommeil éternel.

Mean VampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant