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Nous partons peu de temps après le passage de Ian dans ma chambre. Malgré mes efforts pour être à mon avantage, il me semble toujours aussi indifférent. Je ne veux pas lui montrer que je cherche à attirer son attention, et je ne veux pas me l'avouer d'ailleurs. N'avais-je pas renoncé, la veille même, à notre « relation »? Je ne suis en réalité même pas capable de tenir la promesse que je me suis faite à moi-même.

Je ronge mon frein seule dans ma chambre, en me préparant. Je ne veux pas être dépendante d'un homme, et pourtant j'imagine déjà mal ma vie loin de lui. L'amour est bien pire que le venin envoûtant.
Alors que je me demande pour la énième fois quel comportement adopter, il toque à ma porte.

- Es-tu prête?

J'attrape en vitesse quelques vêtements fournis par l'hôtel et les mets en pelle mêle dans un sac.

Je sors, vêtue de l'accoutrement que l'on a mis à ma disposition, pour le rejoindre. Il porte une sorte de longue cape à capuche qui lui sied parfaitement. J'essaye de le regarder dans les yeux.
Ian demeure glacial, mais m'explique tout de même le programme.

- Nous allons nous rendre dans le village le plus proche, à une heure de marche de celui-ci. Là-bas, nous prendrons un train, qui nous conduira à une ville que tu ne connais pas, à la frontière. Nous ferons une escale dans un autre hôtel, pour passer la nuit, puis nous traverserons la frontière, afin de nous rendre dans le pays voisin. Une fois sur place, je te laisserai au premier acheteur convenable d'une foire à esclave. Cela te convient?

Je camoufle ma tristesse. Ce n'est pas comme si je pouvais refuser, alors j'acquiesce. Mais cela me coûte.

- Oui...

Il ne me répond même pas, et commence à se diriger dans la bonne direction. Je trottine derrière lui, encombrée par cette longue robe à fleurs traditionnelle offerte par l'hôtel. Je manque de le perdre à plusieurs reprises, et trébuche sur toutes les racines sitôt que nous nous enfonçons sur le chemin boisé. Il ne semble pas se soucier de ce qu'il peut m'arriver, et se retourne de temps à autre pour vérifier que je ne dérive pas exagérément.
La route n'est pas déserte, et nous croisons de nombreux passants, humains comme vampires, qui ne cessent de me dévisager. Cela semble agacer imperceptiblement Ian, et je ne comprends pas ce que j'ai encore fait mal.

Après une heure assommante de marche silencieuse, nous arrivons au second village. L'atmosphère est lourde et orageuse entre Ian et moi, sans que je puisse saisir pourquoi. Même le ciel bleu s'est assombri.
Nous entrons dans la gare, et je me démène pour le suivre à la bonne vitesse jusqu'à un quai quasiment désert, probablement celui ou notre train est censé venir nous chercher.
L'absence de paroles devient insoutenable, et il ne m'accorde même pas un regard. C'est trop. Je ne peux pas me contenter de fixer bêtement les oiseaux, les rails, ou les quelques personnes qui arpentent les lieux, juste pour plaire à ce vampire aigri. Je sais qu'il me déteste, mais un peu de conversation nous détendrait tout de même!

- Ian, je pense que...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase. Tout semble devenir flou autour de moi, et je me retrouve subitement plaquée contre le mur de la gare, dans un renfoncement discret. La paroi, ancienne, laisse un creux suffisamment grand pour que deux personnes s'y cachent, à l'abri des regards extérieurs, et en effet, le visage de Ian est à seulement quelques centimètres du mien.
Je rougis. Pourquoi a-t-il fait cela? Ma tentative de dialogue lui a donc tellement déplu?
Avant que je puisse tenter de lui dire quoi que ce soit, il pose son doigt sur mes lèvres pour m'intimer le silence. J'ai soudainement très chaud. Nos corps sont beaucoup plus proches que ce qu'ils ont pu être depuis ces dernières 24 heures, pour ne pas dire collés. Nous sommes imbriqués de façon curieuse, et son genou, faute de place, se retrouve entre les deux miens.

J'essaye d'ignorer l'effet que la fraîcheur de sa peau me fait, mais rien n'y fait, j'ai l'impression qu'une fièvre folle m'envahit et qu'il est le seul remède. Mon cas ne va décidément pas en s'arrangeant puisque Ian s'approche encore plus, afin de me chuchoter quelque chose à l'oreille.

- Soul, pas un mot... ces vampires qui se baladent sur le quai sont des partenaires de Chase, je les reconnais. Ils semblent être à ta recherche, alors reste silencieuse jusqu'à leur départ.

Je hoche la tête, de peur que ma voix nous trahisse. Nos nerfs sont à bout, je peux le sentir. Penser à Chase m'angoisse, me donne des palpitations. Cette proximité n'arrange rien.

Je peux entendre désormais les remarques moqueuses du groupe d'intéressés se rapprocher. Par réflexe, je me recroqueville sur moi-même, ce qui ne fait qu'empirer notre situation. Je sens que j'ai trop bougé, que désormais les lèvres de Ian sont littéralement posées sur mon cou. Même son masque d'impassibilité semble brisé. Les yeux fermés, il a l'air de vouloir regagner une certaine contenance, sans y parvenir.

Au loin, les bruits semblent s'estomper. Ils sont passés près, mais pas suffisamment, et n'ont pas pu déceler notre présence. Nous pouvons enfin nous détendre.
Seulement voilà, Ian semble être d'un autre avis. Alors que j'essaye timidement de me dégager, ses mains s'emparent de ma taille, afin de me serrer encore plus contre lui. Il s'adresse à moi, mais d'une voix gutturale, rauque, que je n'avais jamais entendu.

- Soul...

Le vampire me tient avec force, comme si je n'étais qu'une proie, un vulgaire gibier et je me laisse faire. Ce contact est rude, mais j'aime ça. Je veux que Ian se serve à nouveau de moi, de mon sang, de mon corps, je veux être sa poupée à lui. N'importe quoi pour combler ce manque qu'il a créé en moi. Je sens déjà ses crocs piquer la peau de mon cou...

Soudain, il me lâche, comme si tout cela n'avait été qu'une vaste blague. Il se dégage brutalement de moi et sort du passage, en se passant les mains sur le visage. Je ne sais pas quoi dire, quoi faire. Ce moment de flottement étrange est perturbé par l'arrivée du train. Sans même se retourner, Ian me fait signe de le suivre, et monte à l'intérieur, comme si rien ne s'était passé.

Mean VampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant