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J-40 | Vendredi 14 novembre

Quelques jours sont passés depuis la fois où je me suis ramassée après mes courses quotidiennes, au Palace Café. J'ai eu le temps de m'adapter à ma vie solitaire, en compagnie de Michel. Qui je l'avoue, s'est révélé être en crise d'épilepsie constante. Une vraie pile électrique.

Les petites pattes du lapereau dansent et sautent dans tout l'appartement, tant et si bien que le parquet rencontre régulièrement un nouvel objet, à mon grand désarroi. Ce n'est pas facile par moments. Chaque matinée, je dois surélever un câble, ranger un pull qui traîne par terre, remettre un peu de foin. Je finis souvent la journée en lui caressant le crâne, partagée entre l'envie de l'étriper et celle de continuer mes papouilles.

En sortant de ma douche, j'aperçois Michel, une patte posée sur la sauce tomate de ce midi. Ses pupilles pourpres m'observent avec une pointe d'inquiétude, ce qui me fait comprendre qu'il vient de dépasser les bornes. J'ai à peine le temps d'avancer de quelques pas qu'il détale de l'autre côté du salon, sous l'étagère. Je me précipite alors dans la cuisine et trouve mon sac poubelle éventré, vomissant les restes des deux derniers jours. Il faut vraiment que j'achète quelque chose pour protéger mes ordures. La fusion des odeurs me donne un haut le cœur en un millième de seconde. Je me dépêche d'attraper un nouveau sac dans le placard et de tout ramasser, non sans dégoût.

Une fois le nettoyage terminé, je saisis la poignée pour jeter cette horreur et lance un dernier regard à Michel, dont la tête dépasse du canapé. Ses oreilles frémissent et il se cache aussitôt. Je n'ai qu'une seule envie : remonter le plus rapidement possible pour le réprimander. Ma mère va voir si je ne suis pas capable de m'en occuper.

Tu ne t'en sortiras pas cette fois, fripouille.

Arrivée au local poubelles, mon nez souffre une deuxième fois des fortes odeurs. Corvée terminée, affaire réglée ! Les manches de mon haut devant le visage, pieds nus, je presse le pas vers la cage d'escaliers.

— Jeune fille !

Je sursaute. J'avais oublié qu'elle habitait là, elle.

— Est-ce que vous pouvez m'aider ? me demande la gérante de l'animalerie.

Dans un imperméable vert bien trop grand, madame Garder porte deux sacs de courses dans chaque main. Elle tient d'une jambe tremblante la porte d'entrée et s'engouffre dans l'immeuble en soupirant de fatigue.

— Euh... Bien sûr.

Je prends les sacs qu'elle me tend. C'est lourd, ces merdes. Je la suis docilement jusqu'à l'ascenseur rempli de dessins tous plus ridicules les uns que les autres et un silence s'immisce entre ma voisine et moi. Une grande envie que les portes s'ouvrent sur son étage me tord. Bien que je sente ses coups d'œil amicaux et son besoin de discussion, je veux retrouver Michel dès que possible et échapper à ce malaise. La montée est intenable. Pourquoi est-ce qu'à chaque fois, les ascenseurs sont source de situations inconfortables ?

Les petits numéros grimpent un à un dans une lenteur lancinante. Quand les portes s'ouvrent enfin, je baisse les yeux, prête à débiter un ''Au revoir'' gentillet mais la gérante se cale entre les capteurs pour éviter qu'elles ne se referment. Au secours, est-ce qu'elle ne ressent pas toute cette tension ?

— Tu ne viens pas ? Comment tu t'appelles ?

Redémarrage en cours. Merde. Je tiens ses sacs.

Je tends la main mais elle m'arrête d'un coup de tête, un sourire au coin. Elle a le même que Conan, ou est-ce l'inverse ?

— J'en profite pour t'inviter à prendre le café si ça te dit ?

Pepperonis for Christmas [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant