J-16 | Lundi 8 décembre
— Est-ce que j'ai bien compris ?
Je regarde mon amie réprimer un gloussement alors que j'essaie de trouver l'itinéraire jusqu'au cabinet de vétérinaire via google maps. C'est long. Malgré moi, je laisse paraître mon agacement parce que mes doigts sont glacés, rigides et que la situation n'est absolument pas comique. Michel va mourir. Il n'y a rien de drôle... C'est la seule pensée qui m'habite depuis que j'ai quitté mon appartement. Abby perd tout de suite son enthousiasme lorsqu'elle remarque mes yeux humides. Elle tient dans ses mains la cage du lapereau qui lui, s'est recroquevillé à l'intérieur. Il ne couine pas, alors qu'il est balancé de droite à gauche depuis le début du trajet. Pour le petit après-midi thé entre copines après le travail d'Abby, c'était foutu de chez foutu.
Nous traversons la ville dans un silence stressant. Abby, si bavarde d'habitude, ne trouve pas les mots pour me tirer de mon angoisse. Plusieurs fois, elle me dit que ça va aller et que mon lapin s'en sortira, qu'il est un battant. Il est surtout idiot, ouais. Après une demi-heure interminable, à prendre le tram, attendre que le wagon se remplisse, puis se vide à chaque arrêt, nous pouvons enfin nous asseoir dans la salle d'attente du vétérinaire.
La nuit tombe rapidement aux environs de seize heures et il y a encore du monde installé sur ses chaises, avec des chats, des chiens, en laisse ou dans des cages. Bordel comment est-ce que ça se fait qu'il y ait autant d'animaux en détresse dans la même journée ? Je jette des regards toutes les trente secondes à mon lapin, vérifiant qu'il respire encore. Les yeux clos, il n'a pas la même énergie que d'habitude. Mais quelle idiote tu fais Jaëlle ! Mes pieds commencent à frapper frénétiquement contre le sol en PVC, énervée contre moi-même. Je suis dans un tel état de panique que je me mets à penser que je pourrais passer avant les trois personnes attendant depuis bien plus longtemps... Avec un peu de chance, en sortant mes violons, qui sait ? Mais Abby pose une main ferme sur mon épaule et me stoppe en plein milieu de mes pensées.
— Jaëlle, ça va aller tu sais, me souffle-t-elle doucement d'une voix rassurante. Le véto va te dire quoi faire.
— Non ça va pas. Je... Il. dis-je, la respiration coupée.
— Essaye de te calmer, si tu ne m'expliques pas, je ne peux pas te rassurer entièrement et me comporter comme une amie digne de ce nom.
J'essaye de me contrôler autant que je le peux. Elle n'a pas tort, je fais la muette depuis tout à l'heure. Mon amie est intelligente, mais aux dernières nouvelles, elle n'est pas devin. Et même si elle était capable de prédire l'avenir, je ne lui demanderais jamais de me dire le sort réservé à Michel. Je la regarde et elle hoche la tête, m'incitant à poursuivre.
— Il a chié de la guirlande, lâché-je, désemparée par l'absurdité de ce que je viens de dire.
Mais mon avis ne change pas. Si je donnais la mort à Michel à cause d'une stupide guirlande de Noël, je m'en voudrais toute ma vie. A mon cent-cinquantième coup d'œil dans la cage, le lapereau couine un peu et s'arrondit davantage. Son dos est si voûté que je me demande si la guirlande n'a pas modifié la structure de son squelette. Insensé. Abby soupire discrètement, je n'arrive pas à me calmer. Je me prends la tête dans les mains pendant que mon amie reste silencieuse devinant que quoi qu'elle dise, je trouverais une parade à ses tentatives. Même si je sens bien qu'au fond d'elle, elle souhaite juste rire de la situation. Si je ne culpabilisais pas autant, peut-être que je serais dans le même état qu'elle. Mais ce n'est pas le cas...
La salle d'attente est plongée dans une atmosphère étouffante. Je ressens l'inquiétude de tous les propriétaires de ces animaux et je m'enfonce dans la mienne pour les quarante sept minutes qui me séparent de la délivrance. Quelqu'un nous appelle, Abby se jette sur la cage et nous suivons une femme qui nous installe dans une salle remplie d'étagères et d'outils médicaux. Elle récupère mon lapin et nous attendons que le temps passe. Nous n'avons que ça à faire de toute façon. Une dizaine de minutes plus tard, un homme mal rasé entre avec Michel dans les mains.
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Pepperonis for Christmas [TERMINÉE]
RomanceChute après chute, Jaëlle emménage à Grenoble pour son master de psychologie clinique. N'ayant pas pu valider son dernier semestre, elle espère pouvoir se rattraper et retrouver un équilibre dans sa vie de jeune femme. Sa maladresse l'amènera à fair...