15.2- ELIO

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Mes yeux fixent l’écran sans réellement voir les images qui y défilent. A la place, ils effleurent Jaëlle avec hésitation. Ses paupières clignent, fatiguées, mais son visage rayonne de nouveau de cette lumière que j’apprécie tant. Celle-là même qui, pourtant, s’était évaporée il y a une heure, lorsqu’elle plongeait dans des souvenirs sûrement trop douloureux pour quiconque.

Je n’ai pas su que penser de ses révélations et je ne le sais toujours pas. En même temps, comment réagir quand une amie nous déballe en l’espace de trois minutes, qu’elle a vu son cousin mourir sous ses yeux, a failli y rester et ne s’en souvient même pas ? Elle a un trou énorme dans sa poitrine qui la fait souffrir à chaque respiration. Je n’arrive pas encore à qualifier ce que je ressens en ce moment. Les confessions de Jaëlle m’ont ébranlé, même si je n’ai rien montré. A ce moment-là, je ne voulais pas la regarder avec pitié : c’est toujours la dernière chose que les victimes souhaitent. Alors, je me suis fait violence, je me suis contrôlé pour être présent pour elle. Il fallait à tout prix que je porte un masque, mes émotions ne devaient pas prendre le dessus, elle ne devait pas s’inquiéter pour moi. Elle souffre déjà trop. J’ai été fort, mais la vérité c’est que je ne l’ai pas été un cinquième de ce qu’elle est tous les jours.

Jaëlle m’impressionne. Sa capacité à rire, sa volonté de vivre, profiter de la vie de nouveau. Son courage pour déménager dans une ville qu’elle ne connaît pas afin de se remettre de ses blessures et traumatismes. Pour être honnête, je ne suis pas sûr que j’aurais eu cette même solidité à sa place. Je crois que je serais resté dans le même environnement à me morfondre, incapable de tourner la page. Mais au fond, est-ce qu’elle cherche réellement à écrire un nouveau chapitre ? Je n’en ai aucune idée. Je n’ai pas osé lui demander plus de détails qu’elle ne m’en apportait. La confiance qu’elle m’a accordée en me faisant ces révélations me suffit, je ne veux pas la secouer davantage.

Mais ses confidences m’ont également permis de mettre en lumière certains points, comme son étrange peur du rouge ou ses réticences face à Noël. Et je sais que je lui avais promis de l’aider à passer au-dessus de ces deux éléments mais à présent, je ne suis plus certain de le vouloir. Je ne veux pas la brusquer, ou la blesser. Peut-être que je l’enfonce plus qu’autre chose finalement... Je ne veux pas qu’elle soit triste. La seule chose qui compte pour moi, c’est de la voir sourire. Il n’y a rien de plus beau chez elle. Elle est un véritable soleil qui illumine chaque lieu où elle se rend. Sa maladresse et sa spontanéité lui créent un charme unique que je n’avais jamais découvert chez personne d’autre. Et puis, elle me fait rire. Sans le faire exprès, c’est naturel, ça fait partie intégrante de sa personnalité.

Je pose le regard plus franchement sur elle. Son nez fin, ses yeux en amande encadrés par sa chevelure sombre. Elle est belle. Jaëlle prend son verre et l’entrechoque contre ses dents. Je pouffe et elle me fusille du regard. Ses pommettes rougissent légèrement car, la connaissant, elle est gênée par son comportement. Mais, c’est ce genre de petits détails qui la rendent attachante. Je n’ai pas l’impression qu’elle joue un jeu avec moi, elle reste fidèle à elle-même, peu importe les situations. Tout le monde devrait avoir une Jaëlle dans sa vie.

—     Je devrais rentrer, il se fait tard, souffle-t-elle en se redressant.

Je fais la moue et elle sourit, amusée. Après lui avoir assuré une dizaine de fois que je suis en capacité de ranger seul, je la raccompagne à la porte de mon appartement. J’aurais aimé qu’elle reste un peu plus : chaque moment passé à ses côtés n’est jamais assez long. Mais comme elle le dit, il se fait tard et j’ai tout de même cours demain.

Je passe mes doigts entre mes mèches brunes, nerveux. Comment conclure ce moment que nous avons partagé tous les deux ?

—      A demain alors ?
—     A demain, confirme-t-elle en serrant la lanière de son sac, les joues roses.

Elle me fait un timide signe de tête et je referme la porte alors qu’un sourire me mange le visage. J’ai déjà hâte d’y être.

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Pepperonis for Christmas [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant