J-6 | Jeudi 18 décembre
Tandis que ma rue est en pleine effervescence, je tente de garder ma concentration. J'entends les rires des enfants, les discussions enjouées des passants mais ce n'est pas le moment de se distraire. Je mange une bouchée de purée et me mets à mordiller l'extrémité de mon crayon en me récitant mentalement le passage que je viens d'apprendre. Une longue minute s'écoule, mes paupières plissées, le texte défilant dans ma tête. Alors que j'amorce la dernière phrase, mon téléphone émet une courte sonnerie. Je l'ignore, pour me replonger dans mes fiches, mais à peine quelques instants plus tard, j'entends Dark Vador prononcer sa phrase fétiche. Je suis tentée de couper le son, mais ma conscience gagne. Il faudra bien que je me confronte à lui, alors autant arrêter de repousser le moment fatidique. Je décroche et prends mon courage à deux mains quand j'entends la voix de mon père.
— Jaëlle ! Enfin tu me réponds, je commençais à m'inquiéter. Tu vas bien au moins ? Tu arrives quand ? Tu viens accompagnée ?
— Papa, une question à la fois s'il te plaît, je lui réponds aussi calme que possible.
— Pardon... Comment vas-tu ? reprend-t-il un léger éclat de rire dans la voix.
— Je vais bien papa, dis-je en souriant légèrement, pour le laisser continuer dans sa lancée.
— Tu arrives quand ? Accompagnée ? C'est dans deux semaines Noël...
La question fatidique. Elle devait bien arriver... Je laisse échapper un soupir discret avant de répondre :
— Je ne viendrai pas, annoncé-je avant que ma voix ne meure dans ma gorge.
— Alors ta mère disait vrai.
J'entends à son ton qu'il est déçu, voire triste, mais le simple fait d'évoquer cette femme me serre le ventre. Ce sentiment confirme mon envie de ne pas retourner chez eux.
— Je suis désolée, je n'y arriverai pas.
— Ça me rend un peu triste, mais je comprends ce que tu ressens. Tu fêtes Noël avec tes amis au moins ?
C'est un don qu'il a : passer au-delà de ses émotions pour ne pas me blesser. Il faisait toujours ça quand j'étais petite.
— Oui papa, je ne serai pas toute seule, ni pour le réveillon, ni pour le jour J.
Sa bonne humeur contagieuse me redonne ma voix et je m'empresse de lui parler un peu plus d'Abby, Conan, ses parents, Louis-Joseph et les enfants.
— Pas de garçon de ton âge ?
— Il y a Elio, mais on est juste amis, ne va pas te faire des idées.
En prononçant ces mots, une partie de moi pense le contraire, mais je la fais taire avant de commettre une bourde.
— Prends un peu confiance en toi, il peut se passer plein de choses !
— Papa ! m'indigné-je.
La conversation continue durant une bonne heure, dans des éclats de rire et un silence singulier du côté de ma mère. Elle doit sûrement nous écouter mais je ne m'en préoccupe pas pour profiter de ce bon moment.
Je dépose mon téléphone sur la table en me levant et étire mes bras engourdis à force de tenir le portable contre mon oreille. Je jette un regard à mon salon et constate que des traces de pattes jaunes pâles ornent le parquet. Je m'en approche, ne peux m'empêcher d'en mettre sur mon doigt et le porte à mon nez. L'odeur de purée m'assaille, m'obligeant à écarter ma main. Mon repas, super... Mes yeux parcourent la pièce, s'arrêtant sur Michel - cette fripouille - qui se roule sur le parquet, s'enduisant de la substance granuleuse. Je me jette sur lui pour l'arrêter avant qu'il ne soit qu'un gros paquet de poils collés à la Mousseline, le faisant sursauter. Je l'attrape et le soulève un peu brutalement en me relevant. Je l'emmène à la salle de bain et constate en passant devant le miroir que ma glissade ventrale m'a également recouverte de purée.
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Pepperonis for Christmas [TERMINÉE]
RomanceChute après chute, Jaëlle emménage à Grenoble pour son master de psychologie clinique. N'ayant pas pu valider son dernier semestre, elle espère pouvoir se rattraper et retrouver un équilibre dans sa vie de jeune femme. Sa maladresse l'amènera à fair...