J-39 | Samedi 15 novembre
Je tourne au croisement de la rue, puis repère Abby au loin sur son portable et mon pas ralentit de lui-même. Comme elle ne travaillait pas au café aujourd'hui, elle m'a proposé que l'on se rejoigne en ville et j'avais si vite accepté que je commence à regretter de ne pas avoir posé plus de questions. Vêtue d'une robe noire vintage à pois blanc, elle est ravissante. Ses longs cheveux blonds sont rassemblées dans sa nuque en un chignon bouffi et quelques mèches s'évadent de son béret rouge pour encadrer son visage. La couleur de ses lèvres, assortie à son couvre-chef, contraste avec son teint de porcelaine et le long trench ocre qui descend jusqu'à ses genoux.
Peu assurée, je jette un coup d'œil à ma propre apparence et retiens une grimace. Il est clair qu'elle tranche radicalement avec celle de la jeune serveuse, qui semble tout droit d'un film des années quarante. J'ai presque honte de m'être contentée du peu de vêtements qui n'étaient pas sales. Un pull turquoise, un pantalon bleu délavé dont je remarque une tache au niveau de la poche avant. Si j'avais su, j'aurais lancé une lessive au milieu de la semaine plutôt que de l'avoir fait juste avant de partir ! Même mes converses ternes font peine à côté de ses adorables derbies. Mes cheveux noirs et lisses sont regroupés en une queue de cheval qui crée plein de bosses sur le dessus de mon crâne.
Je resserre les pans de ma doudoune, m'armant de courage. Au moins ma tenue est confortable et je suis sûre d'avoir bien chaud. Je m'avance d'un pas vif et ancre un sourire sur mes lèvres qui devient immédiatement plus naturel quand elle me le renvoie.
- Jaëlle ! Je suis trop contente de te voir ! Comment vas-tu ?
J'hésite un instant sur la manière de lui dire bonjour, mais elle s'avance déjà vers moi et me fait la bise d'un naturel déconcertant.
- Salut ! Je vais bien merci, et toi ?
Elle répond par l'affirmative et, toujours autant enjouée, me fait signe de la suivre. Nous marchons côte à côte. Mon regard est attiré malgré moi, par les nombreuses guirlandes qui surplombent les rues. J'ai un petit pincement au cœur mais je m'efforce de l'ignorer en me reconcentrant sur Abby, dont la bonne humeur est réellement contagieuse. Cette dernière m'explique avec entrain combien elle est ravie de ne pas travailler et de passer cette journée avec moi, plutôt qu'avec des clients grincheux.
- Le froid, ça les met de mauvaise humeur, me confie-t-elle sur un air de conspiratrice. Ils deviennent tous insupportables !
- Parce qu'ils ne le sont pas tout autant le reste de l'année ?
Elle fait mine de réfléchir puis esquisse une grimace. Je pouffe de rire devant son air faussement déconfit, et son visage se déride à son tour. Ses yeux verts s'écarquillent.
- Oh mon dieu, il faut ABSOLUMENT que je te montre cette boutique ! s'écrie-t-elle.
Elle attrape la manche de ma veste et j'ai à peine le temps de lire « Le Comptoir de Mathilde » sur la devanture, qu'elle m'entraîne à l'intérieur du magasin. Je tombe instantanément sous le charme de cet endroit et son regard émerveillé me contamine. Je reste complètement béate devant tous les étalages remplis de chocolat sous toutes ses formes alors que la belle blonde soupire à mes côtés.
- Avoue qu'on est pas loin du paradis.
- Je serais incapable de dire le contraire.
Je n'attends pas plus et m'avance dans les rayons, sans savoir où donner de la tête devant ce panel de choix. Je tente de résister mais quand la vendeuse m'apporte un panier, je cède et m'empresse de le remplir. Je ne peux pas le laisser vide, n'est-ce pas ?
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Pepperonis for Christmas [TERMINÉE]
RomanceChute après chute, Jaëlle emménage à Grenoble pour son master de psychologie clinique. N'ayant pas pu valider son dernier semestre, elle espère pouvoir se rattraper et retrouver un équilibre dans sa vie de jeune femme. Sa maladresse l'amènera à fair...