J-31 | Dimanche 23 novembre
La lumière du jour filtre entre les interstices de mes volets et je grogne. J’ai encore sommeil, bordel. Dans un élan de protestation envers mon ami le soleil, je tire violemment sur ma couette afin de la remonter au-dessus de ma tête et sursaute quand mes pieds rencontrent l’air froid de la pièce.Jaëlle 0, le monde 1.
Réveillée pour de bon, mes yeux s’ouvrent doucement sur mon téléphone, l’écran tourné contre le bois de ma table de nuit, soit l’endroit où il a passé le début du week-end sans bouger d’un iota. Après tout, si on ne peut pas me joindre, les ennuis non plus. Au moins, j’en ai profité pour prendre du temps pour moi-même : bichonner Michel en pyjama, devant American Horror Story.
C’est pas de la lâcheté, OK ? Je me ressource simplement, loin de toutes ondes négatives qui me parviendraient de l’autre bout du pays.
Mes yeux me piquent légèrement et je serre les dents pour contenir le brusque séisme d’émotions qui me secoue à la simple pensée de ma mère. Échappant à mon contrôle, une larme s’évade entre mes cils mais je ne lui laisse pas le temps de rouler le long de ma joue et l’essuie rageusement. Non, je ne pleurerai pas.
Je m'étire et me lève avec une détermination nouvelle. Aujourd’hui est un nouveau jour : il sera meilleur qu’hier et encore mieux demain ! Je me dirige vers la salle de bain annexée à ma chambre en sautillant quand mes orteils rencontrent le carrelage glacé. Je récupère au passage une grosse paire de chaussettes jaunes à pois verts et m’empresse de l’enfiler avant de soupirer de contentement. C’est déjà mieux comme ça ! Je me lave le visage pour finir de me réveiller et regagne ma chambre, un sourire aux lèvres.
De nouveau, mes yeux sont attirés comme des aimants par mon smartphone qui me nargue à côté de ma lampe de chevet. Je me balance sur un pied, puis sur l’autre, hésitante. Je tente de me retenir pour ne pas céder. Après tout, c’était pas mal cette journée sans technologie, une journée supplémentaire serait appréciable. Mais l’irrépressible envie de le rallumer a raison de moi et bientôt, je presse le petit bouton sur le côté, envoyant littéralement valser mes bonnes résolutions. Il se met rapidement à vibrer et je manque de le lâcher sous la surprise. D’un geste mécanique et sans état d’âme, je fais disparaître les notifications de mon père sans les lire. Pas maintenant. Cependant, un autre message attire mon attention et je l’ouvre.
« Désolé, je m’emballe un peu trop
parfois. J’aurais pas dû forcer autant, je
te laisse tranquille.
Bonne nuit, E. »Mince, Elio !
Je me laisse choir sur le lit et mon élan me fait légèrement rebondir. Une lourde vague de culpabilité m’écrase la poitrine. A cause de mon altercation téléphonique indirecte avec ma mère, mes émotions avaient totalement chamboulé ma soirée, mais je me sens maintenant presque honteuse d’avoir laissé mes tourments m’isoler du reste. J’ai ce réflexe qui m’insupporte, de m’éloigner de tout au moindre tracas. De tout, y compris des choses, et surtout des personnes qui me font du bien.
Maintenant il doit croire que je lui en veux, ou même qu’il m’a blessée… Je prends mon oreiller et me l'aplatis sur la tête, comme si ça allait subitement me faire disparaître. Ma seule envie est de me cacher sous ma couette, me faire si petite qu’on ne pourrait pas me trouver. Comme une aiguille dans une botte de foin. Mais je récupère l’objet qui affiche toujours ses petites phrases et mes doigts s’agitent sur l’écran.
« Merde, j’avais pas vu tes messages ! »
J’appuie sur envoyer sans réfléchir avant de récupérer mon coussin et étouffe un grognement de désespoir. Qu’on en finisse et me remette la médaille de la pire répartie une bonne fois pour toutes. Un tintement sort la calamité que je suis de mon auto-apitoiement.
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Pepperonis for Christmas [TERMINÉE]
RomanceChute après chute, Jaëlle emménage à Grenoble pour son master de psychologie clinique. N'ayant pas pu valider son dernier semestre, elle espère pouvoir se rattraper et retrouver un équilibre dans sa vie de jeune femme. Sa maladresse l'amènera à fair...