J-18 | Samedi 6 décembre
Un plateau à la main, les sourcils froncés et concentrée pour ne rien faire tomber, je sors de la cuisine pour servir son chocolat à un septuagénaire. Petit à petit, je me suis habituée à toute cette décoration excessive et je ne tords plus le nez à chaque fois qu'un client commande un "Big Chocolat Chaud Spécial Noël". J'évite simplement de prêter trop d'attention aux guirlandes rouges qui ornent le bar, ainsi que tous les accessoires de même couleur. Je les ignore du mieux possible, bien que leur omniprésence n'aide pas beaucoup à me garder de bonne humeur.
Le vieil homme me regarde approcher avec un grand sourire. Minutieusement, j'ôte la tasse fumante et débordante de chantilly du plateau avant de la déposer devant lui. Ses yeux s'illuminent en remarquant la dose faramineuse de guimauves.
— Et voilà pour vous !
— Oh, merci mademoiselle ! me remercie-t-il. Il sent divinement bon. Vous savez, ma femme m'en faisait souvent à cette période...
Je lève le regard vers lui et remarque que le sien, bien que souriant, est rempli de nostalgie. Celle-ci me renvoie à ma propre tristesse quant aux fêtes à venir, mais plutôt que de me morfondre à mon tour, je lui lance un petit sourire réconfortant.
— Alors j'espère qu'il vous la rappellera un petit peu, lui souhaité-je avec enthousiasme.
— Je n'en doute pas, il a l'air délicieux ! me répond-il alors que la lumière se ravive dans ses iris.
— Régalez-vous !
Je fais demi-tour pour rejoindre Abby derrière le comptoir, faisant tinter la clochette de mon bonnet toujours aussi ridicule.
— Au fait, m'interrompt une dernière fois le vieil homme. J'adore votre costume !
Je force un petit sourire avant de vaquer à mes occupations. La Jaëlle habituelle aurait certainement râlé une fois de plus sur son accoutrement, mais ce grand-père avait touché quelque chose en moi qui m'interdisait de pester. Lui aussi avait perdu quelqu'un de cher qui lui rappelait la période de Noël. Il avait sans doute autant de peine que moi et, pourtant, il avait tout de même pris ce foutu chocolat chaud. J'aimerais bien être capable d'autant de courage...
— Moi aussi je l'aime bien, ton costume ! fait une voix juste derrière moi.
Je sursaute en reconnaissant cette intonation grave et douce à la fois et me retourne face aux deux grands yeux orageux qui me fixent : Elio. Prise dans mes réflexions, je ne m'étais pas aperçue de son arrivée, ni même de l'heure qui défilait. Il était bientôt seize heures, soit la fin de mon service. Heure à laquelle le jeune homme m'avait convaincue de m'emmener acheter un sapin.
— Je finis dans sept minutes ! lui lancé-je en m'éloignant vers les cuisines.
Il lève un pouce dans ma direction et s'accoude au bar en m'attendant. Secrètement, j'aimerais retarder ce moment le plus possible. Je voudrais que Philibert me demande de rester trois heures de plus pour servir toute la clientèle déferlant à ce moment de la journée, ou encore qu'une énorme chute de neige bloque la sortie du café. Mais compte tenu du grand ciel bleu, j'ai peu d'espoir. Pourtant, dans un petit coin de ma tête, j'ai hâte de retrouver Elio. Les deux sorties qu'il m'a proposées se sont révélées étonnamment agréables, y compris celle en Enfer, pardon, au Marché de Noël. Alors peut-être qu'acheter un simple petit sapin ne sera pas si terrible que ça...
Les sept minutes passent quand même bien trop vite à mon goût et Elio me fait signe de le rejoindre. Il est l'heure, je capitule à contre cœur. Je lui fais comprendre que je vais me changer, espérant gagner encore un peu de temps. Enfin vêtue d'une tenue correcte, je sors du café et il me demande :
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Pepperonis for Christmas [TERMINÉE]
RomanceChute après chute, Jaëlle emménage à Grenoble pour son master de psychologie clinique. N'ayant pas pu valider son dernier semestre, elle espère pouvoir se rattraper et retrouver un équilibre dans sa vie de jeune femme. Sa maladresse l'amènera à fair...