Chapitre 29 : Surprise

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— Tu essaies juste de m'embêter, Aiden ! m'exclamai-je finalement en lui donnant quelques coups à l'épaule.

Son rire résonna et je l'aimai.

— Tu m'avais promis de garder ça secret !

— Mais je n'ai rien dit, c'est toi qui te sens visée.

Sitôt, je me stoppai et m'empourprai. Je venais de me griller toute seule, comme il l'espérait.

— On a raté un épisode ? s'enquit Paul.

— Non.

— Peut-être.

Je fusillai mon voisin du regard. « Motus et bouche cousue ! » lui rappelai-je mentalement.

— Ça sent la conversation muette, plaida Jérôme.

« J'ai le droit à mes secrets, vous en avez tant. » Je n'avais pas réellement prévu de reprocher quoi que ce soit, mais cette phrase qui avait claqué si distinctement dans mon esprit me rendait anxieuse. C'était comme m'approcher d'une vérité enfouie dans un brouillard.

— Tu ne comprendrais pas, Minah.

Je détournai le regard de sa personne. Que j'avais horreur de ces mots ! J'avais beau agir à l'encontre de ses règles de normalité, il s'obstinait à penser cela de moi. Ça m'horripilait.

— Tu n'es pas prête.

— Aiden s'y prend mal, il veut juste te dire que ce n'est pas encore le moment. Je suis d'accord avec lui.

Je hochai la tête vers Arnaud et Sean et bien sûr, Aiden trouva le moyen de râler.

— Il suffit qu'il approuve pour que tu acceptes.

Pour appuyer son mécontentement, il tenta de faire taire ses flammes. C'était vain, puisque le collier, lui, ne me quittait pas.

— Tu entends mes pensées et de là, tu déduis ce que je ressens, débutai-je en lui accordant mon attention.

Ses oreilles grandes ouvertes, il attendait mes explications.

— Là où Sean perçoit mes sentiments les plus enfouis.

La remarque ne lui plut pas et il fronça les sourcils en faisant la moue.

— Ce ne sont que des émotions, il ne peut pas savoir si tu es prête ou non.

Je voulais me frapper le front, parce que cette discussion ne rimait à rien. Je ne savais même pas le genre de révélation pour laquelle je ne pouvais pas faire face.

Aiden rit et je le regardai interloquée.

— Cette conversation est stupide, je suis d'accord. J'ai raison, de toute façon.

— Sean est mieux placé que toi. Tu ne réfléchis pas de façon objective.

— Lui, oui ? s'enflamma Aiden. C'est n'importe quoi !

Il fronçait les sourcils et son corps se tournait toujours plus dans ma direction. Moi aussi je réagissais de cette façon. C'était assez inhabituel de ma part.

— Il a 250 ans de plus que toi, je te rappelle.

L'âge ne voulait évidemment rien dire. Preuve : Thibault en avait 69, mais il était encore plus immature que l'énergumène face à moi.

— Et Thibault 29 de plus que moi, pourtant il est plus crétin que moi !

— Lui, il...

Un jet d'eau me visa et je me tus. Pas mes pensées, malheureusement. Je vis le visage d'Aiden devenir pâle, tandis que ma phrase s'achevait. « Lui, il ne m'a jamais menti sur qui il était. ». Le fait que Paul m'avait arrosée disparut de mon esprit, en même temps que le feu se ternissait.

— Je suis désolée, j'ai été maladroite.

— C'est simplement la vérité, admit mon ami. Aucun d'eux n'a été aussi irrationnel que moi, n'est-ce pas ?

Je m'apprêtais à répondre, lorsqu'une quinte de toux s'abattit sur le groupe. J'avais oublié que nous n'étions pas tout à fait seul. Reportant mon attention sur eux, je fixai naturellement Sean, qui en faisait de même. Il sourit subitement avant de lâcher :

— C'est incroyable à quel point tu cherches la réponse, sans parvenir à la saisir.

Il semblait fasciné par ma personne, tout autant qu'attendri.

— Quoi ? Je n'ai même pas de questions.

— C'est bien pour ça que je suis sûr que tu n'es pas prête.

J'étais encore plus perdue qu'avant et cela faisait doucement rire l'un des plus vieux.

— Je pensais que seuls les jeunes étaient fatiguant, mais je pense te compter dans cette case à partir d'aujourd'hui, Sean.

Gabriel soupirait en se passant une main sur le visage. Il était exaspéré par les membres de son clan, qu'il avait lui-même choisi et cette fois, l'hilarité fut générale.

Thibault et Mélodie revinrent à ce moment et tandis que le soleil se couchait, la dernière étape de cette journée fut lancée. Camille, Arnaud et Jérôme s'éloignèrent du regroupement, l'air mystérieux. Je ne cessais de poser des questions, aussi bien verbalement que mentalement, ce qui agaçait d'autant plus Aiden. Il essayait de me faire taire grâce à son feu, mais j'étais un peu plus coriace que prévue. Finalement, à bout de nerfs face au vacarme dans ma tête -qu'il semblait de mieux en mieux distinguer- il se posta devant moi, son visage tout près du mien. Voilà qui fit instantanément effet, car la même phrase claqua encore dans mon esprit. Il m'a embrassée.

— Eh ben voilà, j'aurais dû y penser plus tôt.

Il souriait de toutes ses dents et bien qu'il ne possédait pas de fossettes comme Thibault ou Sean, il n'en était pas moins mignon à cet instant. Il m'entendit très clairement, son sourire s'étendant à ses yeux. Je me fis la réflexion qu'avoir dû masquer tout ce qu'il pensait face à mes propres pensées, devait avoir été horrible. Plus qu'il n'avait choisi d'être rieur et blagueur, il avait dû l'être, pour ne pas dévoiler son pouvoir. C'était si triste.

Il ouvrit la bouche pour me dire quelque chose, mais un grand « boum » retentit derrière lui et l'espace d'un instant, une angoisse incontrôlable, viscérale, s'empara de moi. Comme si j'allais mourir. Je saisissais la main d'Aiden, lorsque je compris que ce n'était qu'un feu d'artifice.

— La surprise, m'informa mon Soleil.

La sensation disparut et mon ami, rassuré, se rassit à côté de moi. Malheureusement, cette fois, il m'était évident que je ne délirais plus. Quelque chose s'était produit dans ma vie et tentait de remonter à la surface, sans y parvenir.

Sentant une emprise inhabituelle sur ma paume, je m'aperçus qu'Aiden ne m'avait pas lâchée. Une flamme s'échappa de sa main et se dirigea vers le ciel. Je la suivis du regard, jusqu'à me rendre compte que mon voisin me parlait, à travers ce geste. Il tentait de m'indiquer que l'instant essentiel, c'était devant moi et pas dans des sentiments que je ne comprenais pas.

Je souris en me perdant dans les couleurs multicolores que prenait le ciel. Le soleil qui déclinait toujours plus donnait à l'instant un côté intime, que les couples s'appropriaient aisément. Ils semblaient perdus dans leur monde et j'eus un peu de peine pour Sean, qui se retrouvait au milieu d'eux, sans personne à qui se raccrocher. Lorsqu'il s'assit à côté de moi, je jetai un œil à Aiden. Il haussa innocemment les épaules, mais lorgna Sean, lorsque je lui pris la main. J'espérais que de son côté, Jérôme ne se sentait pas trop seul, accompagné de Camille et Arnaud.

La mort à ses troussesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant