Je ne m'attendais pas à les voir arriver, ce matin-là. Je ne m'y attendais vraiment pas. Cette surprise me clouait littéralement sur place, dans la cour de mon lycée. J'étais là, tétanisée, à observer leur marche gracieuse. J'étais là, à les regarder s'approcher. Ils me scrutaient de leurs yeux si noirs, si sombres. Chaque fois que je m'y plongeais, j'avais la sensation de tomber dans le vide. Un vide sans fin, sans espoir. Ils me donnaient la chair de poule, avec leurs sinistres sourires et leur peau pâle. Ces types, ils n'étaient pas normaux. Pas du tout. Cela se sentait, se comprenait. Leur seule présence le permettait. Pourtant, hormis moi, personne ne semblait les trouver terrifiant. Les autres lycéens discutaient, se souriaient, riaient. Je les distinguais à peine, trop concentrée sur ses ombres qui s'approchaient lentement.
Les images de la veille me frappèrent de plein fouet. Elles étaient restées ancrées en moi. Marquées au fer rouge sur ma peau.
Je fermai les yeux, espérant échapper à leur prédiction silencieuse. Tu vas mourir. Mais cela ne fit que raviver les souvenirs. Je les revis le tuer, comme si cela se déroulait devant moi.
La ruelle est sombre, je m'efforce de poursuivre toujours tout droit, sans me retourner, sans dévier mon regard. Hélas, des échos de voix entrainent un pivotement de ma tête sur ma gauche et je me stoppe au milieu de l'allée. Puis je déglutis. J'ai dû mal à croire ce que je vois. Six ombres sont là, entièrement vêtues de noir. Elles encerclent un homme, dans la quarantaine. A genou, il pleure et tout son corps n'exprime que la peur. Une boule se forme dans ma gorge. Puis en un éclair, l'un d'eux lève sa main devant lui. Subitement, une lame se plante dans le cœur de cet homme.
Et je crie.
J'hurle de terreur. Les ombres se tournent de façon unanime vers moi et je n'ai aucune hésitation : je détale sans demander mon reste. Ils m'ont vue, ils vont me poursuivre, m'attraper et m'assassiner, aussi froidement que ce pauvre homme. Mon cœur s'affole, mes yeux me piquent et mes forces semblent me quitter. J'ai peur. Une peur sans nom, sans adjectifs. Une peur à l'état brute.
Je manque de trébucher, poursuis ma course malgré tout. Mes poumons me font souffrir, j'ai un point de côté, mais je dois poursuivre. Si je m'arrête, ils m'auront. Si je m'arrête, je mourrai. Je ne peux pas m'en aller si jeune, je n'ai encore rien vécu de la vie !
La respiration sifflante, je me stoppe brusquement au milieu d'une ruelle. Devant moi, ils forment une ligne parfaitement droite. Je recule, effarée. Je ne comprends pas comment ils ont fait. Je me retourne et mon souffle s'arrête. Ils m'encerclent. Je vais mourir, piégée comme un rat.
Mon cœur tambourine fort dans mes oreilles et ma vue se brouille. Ils deviennent des silhouettes floues et imprécises.
— Je ne veux pas mourir...
Je souffle, encore et encore. Désemparée et au pied du mur. Eux s'avancent toujours plus vers moi, lentement, comme des prédateurs.
— Qu'as-tu vu, petite ?
Son ton suave me fait frissonner et mes jambes me lâchent. A présent, je suis au sol, appuyée sur mes genoux et je prie le ciel de m'en sortir.
— Je ne veux pas mourir...
Tout est vague, imprécis. Ma seule certitude est celle-ci : Je ne veux pas mourir. Mais, puis-je leur échapper ?
Je crois percevoir des ricanements et des pas, qui continuent de s'approcher. Mes sanglots redoublent. Je ressemble à un animal apeuré, acculé, et je m'en fiche. Je vais mourir.
VOUS LISEZ
La mort à ses trousses
ParanormalMa vie suivait son chemin, sans trop d'embûches. J'avais dix-sept ans, je la croquais à pleine dents. Je n'attendais que de vivre un amour beau et fort. Et puis, un soir, tout a basculé. Le bonheur que j'éprouvais a volé en éclats. Dix minutes, tout...