Wektu marchait depuis de longues heures lorsqu'il entendit les premiers cris, qui le firent sursauter alors qu'il était perdu dans ses pensées. Il pensa un instant que ce n'était que le souffle du vent, jusqu'à ce que ce même vent lui apporte la confirmation dont il avait besoin :
- Ne laissez personne s'échapper, ordre direct d'Earin ! Lamon, Jenkt, bougez-vous bon sang ! Ternom, va regarder par là-bas, j'ai cru voir quelque chose bouger !
La voix, bien qu'encore éloignée, pétrifia Wektu. Il se jeta au sol, tous les sens aux aguets. La brise tourna dans son dos, et il n'entendit rien de plus que son cœur qui battait à ses tempes.
Earin. Il n'avait pas oublié le Chantelame. Si l'homme qui venait de parler était à ses ordres, Wektu risquait d'avoir de gros ennuis. Lentement, il s'accroupit et jeta un œil par-dessus un buisson. Rien. La forêt s'étendait devant lui, omniprésente, un enchaînement continu de troncs dorés et de broussailles toutes similaires.
Pourtant, quelque chose au fond de lui lui chuchotait qu'il était en danger. Soudain, il comprit.
Les oiseaux.
Plus aucun pépiement ne résonnait sous les frondaisons, comme si un voile de silence s'était abattu sur les alentours.
Une sueur froide se mit à couler entre ses omoplates, baignant sa tunique. Il serra le poing autour de la dague offerte par Saven, la chaleur de l'arme le réconfortant un peu. La voix hurla de nouveau, toute proche cette fois-ci.
- Les gars ! Y a des traces de pas ici !
L'esprit du jeune homme tournait à toutes vitesses. Des traces de pas ? Mais il ne venait pas de cette direc ...
- Evidemment que y a des traces de pas, je viens de passer par là, idiot !
Wektu entendit nettement le bruit d'une violente claque résonner dans l'air , suivit d'un grognement de douleur.
- Des incapables, tous autant que vous êtes ! Vous tenez vraiment à expliquer à Messire Baenor comment des rescapés ont réussi à fuir la ville pour prévenir tout l'Empire ? Par Karok ce que vous pouvez m'épuiser ! Qu'est ce que j'ai bien pu faire pour hériter d'une telle bande de ... Vladik ? Je peux savoir ce que tu fais avec cette ...
Un horrible craquement retentit, puis une autre fois, encore et encore, à de nombreuses reprises. Enfin, Wektu entendit un homme cracher.
- Il n'a eu que ce qu'il méritait ce porc. Une terrible attaque de volgaros, on est d'accord ? demanda une voix.
- Et on a rien pu faire, quel dommage ! déclara une femme sur un ton ironique.
Le petit groupe éclata de rire, puis celui qui s'était exprimé en premier (certainement le dénommé Vladik) continua :
- Bon, on fait quoi maintenant, on rentre ?
- T'es si pressé de retrouver Earin ?
- Peuh ! M'en parle pas, j'ai la gerbe rien qu'en y pensant ! Mais bon, je serais pas contre un peu de bière fraîche !
Là-dessus, Wektu entendit des murmures d'assentiment, bien plus proches qu'il ne le pensait. Il cru même entendre le bruit d'un coup de pied frappant de la chair, puis le groupe sembla s'éloigner. Il attendit de longues minutes avant d'oser regarder de nouveau par-dessus le buisson. Toujours rien.
Lentement, il se releva, tous les sens aux aguets, et s'avança dans la direction d'où venaient les cris. Il tomba rapidement sur le cadavre, dix mètres plus loin.
C'était un soldat, portant le même uniforme noir que ceux de Neros. Il portait en outre une cape de la même couleur, qui n'avait pourtant pas réussi à absorber le sang qui avait coulé dessus. Le visage de l'homme était en effet méconnaissable, probablement défoncé par une masse ou un marteau de guerre. Wektu réprima un haut le cœur, et, sans regarder la tête, se mit à fouiller le corps. Il ne trouva rien de plus qu'une bourse vide accrochée à sa ceinture, et une outre de vin à moitié remplie.
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Porte-Rêves
Fantasia« Les souvenirs sont comme le sang, perds-en trop et l'obscurité t'ouvrira les bras. » - Proverbe Lakros - Wektu n'était pas prêt à oublier. Dans un monde où les souvenirs peuvent prendre vie et où la mémoire est une réserve de magie, l'oubli est la...