Chapitre 15

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La main en visière, Falkas observait le soleil se lever sur le chantier, un épais nuage de poussière flottant autour de lui, se parant des couleurs de l'aube. Les travaux avaient pris fin la veille, tard dans la soirée et Borl avait dû insister pour que le vieil homme reste chez lui.

- Quoi que tu aies à faire aux Archives, tu peux bien attendre quelques heures, non ? J'ai ordonné un tour de garde strict autour de la zone et personne n'y rentrera sans mon autorisation.

Falkas n'avait pas dormi du tout, cherchant à rassembler tous les indices qu'il avait à sa disposition. Il n'était pas fatigué cependant, juste épuisé mentalement. Heureusement, Eriel était à ses côtés.

Peu de temps après l'avoir fait demander, une semaine plus tôt, le jeune homme était arrivé en courant, ses longs cheveux bruns trempés par la pluie qui s'abattait par rafales dehors. Falkas se plongea dans ses souvenirs de cette soirée, en attendant qu'un groupe d'ouvriers enlève la grille qui scellait la porte d'entrée des Archives :

- Vous m'avez fait demander Mémoire ?

Le jeune homme grelottait, et il s'était pourtant tenu droit dans l'entrée de la pièce, ne laissant pas le froid l'atteindre.

- Viens t'asseoir ici et réchauffe-toi, l'avait accueilli Falkas avec un geste bienveillant en direction d'un siège situé à côté de la cheminée.

Un feu crépitait dans l'âtre, repoussant le froid qui s'était emparé de la ville. Eriel s'était donc avancé, s'installant à la droite du vieil homme tout en serrant ses bras contre son corps en frissonnant. Falkas avait attendu de longues minutes, avant de briser le silence quand il avait vu l'étudiant se détendre.

- Sais-tu pourquoi je t'ai fait venir ?

Eriel avait secoué la tête, le regard perdu dans les flammes.

- J'ai besoin de ton aide, Eriel.

Cette fois-ci, il avait tourné vivement la tête vers Falkas, surpris.

- Mon ... Mon aide ? Mais je ne suis qu'un étudiant du Collège de Mémoire !

- Tu as l'esprit vif, et c'est ce dont j'ai besoin aujourd'hui. Si j'avais besoin de connaissances ou d'expérience, je pourrais me fier à moi-même, mais ce n'est pas le cas. Nous faisons face à des évènements nouveaux, qui pourraient bien bouleverser l'avenir de l'Empire et d'Orepale tout entier. Il me faut un autre point de vue de la situation, de préférence de quelqu'un qui sait réfléchir convenablement. Penses-tu en être capable, où est-ce que je perds mon temps avec toi ?

Eriel s'était alors redressé sur son fauteuil.

- Non, Mémoire ! Enfin oui, j'en suis capable, et non vous ne perdez pas votre temps, je vous l'assure.

Falkas avait tenté de masquer le sourire qui lui était monté aux lèvres, en vain. Le jeune homme s'en était rapidement aperçu.

- Oh, je vois, vous dites ça pour me faire marcher, bien sûr. Moi qui pensais que les choses allaient changer. Mais non, je resterai Eriel Destran, le bâtard incapable qui ...

Falkas s'était levé avec une vitesse impressionnante pour son âge, et avait saisi sans violence le menton du jeune homme. Celui s'était alors tut brusquement, croisant son regard.

- Que vois-tu, Eriel ?

Des larmes lui montaient aux yeux, et il avait répondu d'une voix tremblante.

- Je vois ... mes larmes.

- Et que vois-tu derrière ?

- Vous, Mémoire.

- Et quel est mon rôle ?

- Vous ... Vous êtes chargé de protéger les habitants des Pertes.

- Et penses-tu que je perdrais mon temps à te faire venir ici pour le simple plaisir de te torturer un peu ? Regarde-moi bien, Eriel. N'ose plus jamais me dire que tu es un incapable. Tu es jeune, certes. Un bâtard ? Peut-être, même si j'ai mes doutes quant à cela. Mais un incapable ? Certainement pas, et tu vas pouvoir me le prouver.

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