Chapitre 8

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Aldrianne, accompagnée de la petite fille, s'était réfugiée derrière une large caisse de bois adossée à un mur, et qui occupait la quasi-totalité de l'espace à cet endroit là. A ses côtés, Wektu soupira lentement, puis sortit de sa cachette, les mains levées bien en évidence.

Dès qu'ils l'apercurent, les soldats se raidirent et le plus âgé d'entre eux déclara :

- Halte, qui va là ?

Le Porte-Reve continua de s'avancer sans répondre, le visage tourné vers le sol et le dos courbé, feignant de boiter dans l'obscurité de la ruelle.

- Eh grand-père, t'es sourd où quoi ? Arrête toi.

Wektu n'était désormais plus qu'à trois pas d'eux, et il obtempéra. Les homme en noir s'avancèrent dans sa direction, relâchant légèrement leur garde.

- Tsss, c'est qu'un vieux croûton, on est bien loin de la grande menace qu'on nous a dit de surveiller.

- Menace ou pas, on va suivre les ordres et on va le passer au fil de l'épée, comme tous les habitants de ce foutu village.

- Quoi ?

Wektu n'avait pas pu retenir le cri de surprise qui était monté dans sa gorge.

- T'as très bien entendu, l'ancien. Un Ordre nouveau se lève, et y a pas de place pour vous dedans. Tout doit retourner dans l'Oubli. Aela nissim Karok, in aela nissim sei.

- Aela nissim Karok, in aela ...

La lame du Porte-Rêve traversa la gorge du plus jeune avant même qu'il ne finisse de répéter les paroles de son compagnon. Ses genoux avaient à peine touché terre que Wektu s'était déjà jeté sur son autre adversaire, écartant son épée d'un ample mouvement du bras, avant de planter la pointe de sa propre lame dans son épaule, le clouant au mur de briques sales.

- D'où est-ce que vous venez ? Réponds et je te laisse la vie sauve.

Le visage encadré par une barbe mal rasée de plusieurs semaines, le soldat ressemblait à beaucoup de vétérans que Wektu avait croisé. Même scicatrices au visage, mêmes rides marquées par le temps, même regard témoin des horreurs de la guerre. Et pourtant, ses traits étaient sereins, et sa voix ne trembla pas quand il répondit :

- Aela nissim Karok ...

Le jeune homme enfonça sa lame plus profondément dans la plaie, arrachant une grognement de douleur à sa victime.

- Je ne répéterai pas une seconde fois.

L'homme dévisagea longuement le Porte-Rêve, puis reprit la parole dans un souffle.

- Aela nissim ...

Wektu dégagea brutalement son épée, avant de la réenfoncer tout aussi vivement dans la poitrine du soldat. Ce dernier bascula lentement vers les pavés, eut un ultime soubresaut, puis s'immobilisa définitivement. Enfin le Porte-Rêve lâcha son arme et se laissa glisser au sol à côté du cadavre.

Aldrianne, qui avait dû surveiller l'affrontement, se précipita vers lui.

- Wektu ! Tu es blessé ?

- Oh tu veux dire à part la dague plantée dans mon épaule ?

Un rire forcé lui arracha une grimace, qu'il s'empressa d'effacer en voyant la colère éclater dans les yeux de la Cristalliseuse. Un sang épais imbibait sa chemise, et il commençait à avoir du mal à garder son équilibre.

- Pardon, je n'ai pas les idées très claires. Il faut partir, sans tarder. Il ne faudra pas longtemps pour que quelqu'un trouve les corps, et leur supérieur se rendra vite compte qu'il lui manque des hommes. Aide-moi à me relever.

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