Partie 10

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Le réveil a été déroutant.

Plus de paillasse rêche et de murs humides, mais un oreiller moelleux et des draps propres. J'ai mis un moment à comprendre où j'étais. Le manque de Valériane rend mon corps engourdi par les efforts de la veille. C'est qu'on s'y habitue à cette potion anti-douleurs entre deux séances de torture.

Je cherche à tâtons mes lunettes et quand je les chausse je discerne Hermione, assoupie dans un fauteuil au pied de mon lit, les genoux recroquevillés sous son menton.

J'essaie de me redresser et de m'habiller en silence, mais elle a l'ouïe fine.
Elle écarquille les yeux et un sourire soulagé fend son visage.
Les mots sont inutiles avec Hermione, on se comprend toujours, on l'a échappé belle cette fois !
J'enfile un bas de pyjama et un pull en laine qui a visiblement appartenu à un Weasley, et nous sortons ensemble dans le séjour.

Quelques sorciers croisés hier dans le jardin encombrent le sas d'entrée.
Ron vient à ma rencontre et me serre dans ses bras.
Bill sourit brièvement et pose une main sur mon épaule, Fleur s'approche et me fait une bise toute française.
Le vieux gobelin, l'air épuisé, est renfoncé dans un des fauteuils.
Luna est assise sur un rebord de fenêtre et observe le ciel le nez en l'air.
Je ne reconnais aucun des autres sorciers. Certains affichent l'insigne des aurors sur leurs capes, d'autres ont des cheveux grisonnants et me dévisagent sans discrétion.

Fleur me pousse vers la table dans la cuisine où elle a déposé quelques plats dans lesquels chacun pioche de quoi remplir son assiette.
Les traits sont tirés, les mines froissées, les échanges sont brefs, malgré le soulagement d'être tous ensemble, l'ambiance est lourde.
Dans le séjour, Bill discute à voix basse avec les vieux sorciers.

Hermione s'assoit à mes côtés et me résume la situation : Ollivander, le fabriquant de baguette prisonnier du Manoir, est alité dans une des chambres. Dès qu'il aura repris des forces, lui, Gripsec et Luna partiront chez la Tante Muriel de Ron qui a une maison plus grande et plus confortable.
«Et Dean Thomas ?», je demande. Elle secoue gravement la tête.

Je mâche lentement mes pancakes mais j'ai un goût de cendres dans la bouche en mettant mes pensées en ordre.
J'essaie d'oublier le corps méconnaissable abandonné dans le cellier des Malefoy.
Je rassemble les suppositions faites dans la cave, redessine les souvenirs noirs quand la cicatrice me brûlait.
Je devine l'implication d'Ollivander dans les plans de Voldemort.
Je sais que j'ai un choix à faire mais qu'il est trop tard pour explorer certaines pistes.
Il faut que j'interroge Gripsec sur la fameuse épée et la panique de Bellatrix.
Je sais que Voldemort a un temps d'avance et que quoi que je fasse, il aura la supériorité de la force.

Je fais le tri dans mes pensées, j'essaie d'ignorer dans mon dos la porte close de la chambre de Malefoy, mais après avoir satisfait ma fringale, la curiosité me tanne.
Avant même Gripsec ou Ollivander, j'ai besoin de constater mes dégâts.
Alors que je me lève, Hermione pose une main sur mon bras et enjambe le banc pour me prendre à part dans le couloir.

- Bill a fait venir Demelza Williams, une médicomage de l'Ordre, elle est là dedans depuis un moment, c'est pas beau à voir, il est dans un sale état.

Je hoche la tête, je me demandais s'il passerait la nuit.
Hermione se mord la lèvre, elle a quelque chose à me dire dont elle n'est pas fière.

- Remus est là également, j'ai pu le contacter, il est venu aussi vite qu'il a pu, j'ai pensé... j'en sais rien, j'ai pensé qu'il devait savoir...

Je fais la moue, on ne s'est pas quittés en bon terme la dernière fois qu'on s'est vus avec Lupin. Je lui ai dit des choses affreuses pour le tenir à distance, pour ne pas l'impliquer plus qu'il ne l'est déjà.
Mais au fond de moi je suis soulagé d'avoir un adulte de confiance à qui parler.
Je suis perdu, confus, pressé par le temps, fourbu par les évènements et la pression que Voldemort fait planer.
Je souris à Hermione pour la rassurer, elle a bien fait, puis je pousse le battant de la porte close.

Le chant du cygne - DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant