Le chant du cygne - Drarry

Partie 16

Au bout de quelques journées interminables, je réussis à traverser la chambre sans me tenir aux meubles. La douleur et l'effort me coupent le souffle mais la satisfaction de pouvoir enfin me déplacer seul est grisante.

Lors d'une de ses visites habituelles, Lupin me fournit une fiole de Valériane que je finirai bien trop vite à son goût, puis il me tend une longue canne.
Je commence par grimacer mais je me saisis de l'ouvrage pour admirer le travail du bois. La pièce est taillée dans une essence que j'ai du mal à identifier, du noyer peut-être, impeccablement traité, la poignée sculptée dans l'ivoire est agréable sous la paume.
Je la teste, sa hauteur est parfaite et aide à répartir mon poids entre ma jambe valide et la canne, je fais quelques pas dans la chambre et savoure cette aide bienvenue.
Lupin sourit en m'observant, visiblement satisfait.
Je murmure un remerciement, me mords la lèvre. J'avais prévu de lui parler de toute autre chose et sa bienveillance n'aide pas.

- Je pense que je devrais partir.
- Et pour aller où ? demande-t-il du tac au tac, visiblement prêt à cette éventualité.

Je hausse les épaules.

- N'importe où, mais je dois me racheter, faire quelque chose pour effacer tout ça, je ne veux pas être un poids pour vous, je n'ai pas ma place ici...

Lupin passe une main sur ses traits froissés.

- Je ne peux pas te laisser partir.
- Je pensais qu'on avait réglé la question de l'Ordre. Est-ce qu'ils vont me traquer et m'envoyer à Azkaban si je file d'ici ? Est-ce que Demelza va me dénoncer aux Aurors ?
- Ne la juge pas si vite. La rancœur est tenace mais je t'assure qu'elle fait des efforts malgré la situation. Ce n'est pas ça. J'ai fait une promesse à Harry, celle de te protéger, et il n'y a qu'ici que je peux le faire. Et je ne compte pas rompre mon serment et décevoir Harry.

Je grimace devant cet étalage de principes typiquement gryffondors, et je regrette de pas avoir des alliés - voire des amis - aussi fidèles à mes côtés.

- Je pensais que tu tenais assez à lui pour ne pas l'inquiéter plus que de raison. Tu ne crois pas qu'il a assez à gérer de son côté, sans devoir se préoccuper de ta soudaine disparition et tes décisions inexpliquées ?

Je baisse le regard.
Il y a dans ses allusions beaucoup trop de compréhension, bien plus que j'en ai moi-même de la situation.

- Je tiens à lui, bien plus que vous ne l'imaginez. Mais j'ai l'impression d'être inutile ici, et que je pourrais faire plus pour régler mes dettes, et puis... je me sens comme un étranger dans cette maison.

Lupin pose une main sur mon épaule et sourit sous sa moustache grise.

- Il y a bien des moyens de se sentir utile. Tu n'as pas à te précipiter au front ou dans les rangs des mangemorts pour prouver ta valeur. Harry ne te demande rien de tout cela.
- Je me fiche ce que Harry veut...
- Vraiment ?

Il y a une lueur amusée dans son regard et je me demande soudain ce que Harry lui a dit de moi sur la plage avant de partir.
Je rougis et fronce le nez.

- Je veux qu'il reste en vie, je veux... juste qu'il survive.

Cette certitude n'a jamais été aussi vibrante.
L'inquiétude de ne pas le revoir grandit au fond de mon ventre juste à côté du manque.
J'aurais du lui dire plus de choses, partager d'autres moments, essayer de comprendre ces sentiments pour lui qui ont grandi sans prévenir et qui débordent à présent de toute part.
Son absence est si douloureuse et je me sens égoïste de lui reprocher.

- Dans ce cas, c'est le souhait de tous les membres de la Résistance. Et rien que par cet espoir commun, tu fais partie de cette maisonnée Drago, même avec la Marque tatouée sur ta peau.